Selon les observateurs, les marchés sont « court-termistes » ? parce que les actionnaires exercent une pression croissante sur les dirigeants d’entreprise pour que leur investissement leur rapporte au moins 15%.
Ce chiffre « mythique » est économiquement infondé. En effet, si on considère le retour sur investissement comme la somme du dividende et de l’appréciation potentielle du titre entre le moment de l’achat et celui de la revente, ce qui est la bonne définition, il faut prendre en compte 5 points :
-La rentabilité d’un titre se compare au taux d’intérêt sans risque (taux d’un emprunt d’Etat, l’O.A.T par exemple), plus une prime qui est fonction du risque de variation de l’action par rapport au marché, sa volatilité donc, mesurée par le fameux β. Par conséquent, parler rentabilité, sans évoquer le risque est une hérésie. Plus une action est risquée, plus sa rentabilité doit être élevée. Une règle générale de 15% n’a donc aucun sens : le retour sur capital est propre à chaque titre, compte tenu de ses caractéristiques particulières.
– La prime moyenne des actions, par rapport au taux sans risque varie, en général, entre 3% et 6%, selon la conjoncture des marchés. Dans la mesure où le taux sans risque est compris entre 4% et 5%, sur moyenne période, nous obtenons un rendement moyen du marché de 7% à 11% (taux maximum). Nous sommes loin des 15%.
– La partie « dividendes » du retour sur capital représente environ 3%(un peu plus actuellement, compte tenu de la chûte boursière). La part prépondérante est donc prise par la valorisation du titre, en moyenne (sur longues périodes) égale à 5 à 8% de l’investissement initial.
Bien sûr, comme nous l’avons indiqué précédemment, il ne s’agit que d’une moyenne : la fourchette s’élargit vers le bas (pour les titres peu risqués) et vers le haut pour les titres très risqués).
-Sur des courtes périodes, on peut assister à des mouvements boursiers de forte ampleur. Lorsque la conjoncture est haussière, la valorisation du titre peur atteindre 15% à 20%, donnant des retours sur capital très élevés (plus de 20%). Inversement, en période de chûte boursière, le retour sur capital peut devenir négatif : c’est le cas actuellement (depuis début 2008). On est donc loin du chiffre symbolique de 15% !
– Il est donc indispensable de faire comprendre aux investisseurs que le rendement de 15% (sur capital) ne peut qu’être qu’exceptionnel : pour des périodes de temps limitées et/ou des entreprises présentant des risques importants. Parallèlement, les dirigeants de ces entreprises ne doivent pas céder aux « diktats » de certains investisseurs avides de rendements immédiats : les plus grands succès boursiers se mesurent sur le long terme et sont souvent le fait d’entreprises ayant une vision de « développement durable ».
Dans le même ordre d’idée, le taux « mythique » de 25% appliqué au « private equity » relève des mêmes illusions. Une récente étude menée par Olivier GOTTSCHALG, Professeur à HEC, a montré que la rentabilité des fonds de capital investissement était à peine supérieure à celle des sociétés cotées, sur le long terme, pour les investisseurs finaux.
De toutes ces considérations, il ressort un fait important : il faut revenir aux fondamentaux de la finance. Les stratégies financières gagnantes se bâtissent dans la durée ; les décisions des investisseurs doivent en tenir compte. Il faut oublier les chiffres « mythiques » !
Bernard MAROIS
Président
Club Finance