Faut-il craindre la “déflation” ?

Les économistes qualifient de « déflation », une variation négative des prix, c’est-à-dire une baisse de prix d’un trimestre par rapport au précédent. On passe d’une situation d’inflation (hausse trimestrielle des prix) à une situation de déflation, à la suite d’une période de « désinflation » qui voit l’indice des prix stopper sa hausse, puis amorcer une baisse qui peut se dérouler sur plusieurs trimestres et provoquer un environnement « déflationniste ». Cette baisse des prix peut être causée, par exemple, par une chute du prix des matières premières, qui se transmet à l’ensemble de l’économie, par le biais d’une diminution des coûts de production et donc des prix de vente dans les rayons des magasins et/ou par une chute de la demande finale de biens et de services, provoquée par une baisse du pouvoir d’achat (due à une stagnation des salaires, par exemple). Deux exemples historiques de périodes déflationnistes : la plupart des pays industrialisés, entre 1929 et 1933 et, plus récemment, le Japon, entre 1995 et aujourd’hui.

Le problème lié à la baisse des prix, c’est le risque de « spirale négative » : les consommateurs attendent que les prix baissent pour acheter ; les stocks s’accumulent et les industriels cessent de produire, ce qui augmente le chômage et accroit la chute du pouvoir d’achat et, donc, des prix. Il est ensuite très difficile d’inverser la tendance comme l’a montré l’avant-guerre. Même le « New-Deal », dont on se gargarise aujourd’hui, a tardé à être efficace : en 1936, le PIB par habitant aux Etats-Unis était de 6.204$, alors qu’il dépassait 6. 900$ en 1929 !

Qu’en est-il aujourd’hui en France ? C’est vrai que la chute récente du prix des matières premières, et plus particulièrement du pétrole, passé de 140$ le baril à moins de 40$, en quelques mois, explique en grande partie la désinflation qu’a connue récemment notre pays : la variation des prix à la consommation est retombée de 3.6% en juillet 2008 à 2.7% en octobre et pourrait revenir à 1.3% en fin 2009, en rythme annuel.

En ce qui concerne le pouvoir d’achat, là encore, il faut rétablir la vérité : les rémunérations (salaires réels) dans le secteur industriel français ont connu une hausse de 4% entre 2004 et 2008, alors qu’elles ont baissé de 2% en Allemagne ! Cette hausse du pouvoir d’achat s’est d’ailleurs traduite par le rôle moteur joué par la consommation dans la croissance de notre PIB : plus de 70% provient de cette source (alors que l’Allemagne s’est surtout appuyée sur son excédent commercial pour « booster » son économie). Par ailleurs, les Français seront moins sensibles à « l’effet de richesse » négatif causé par l’effondrement des marchés financiers : en effet, l’immobilier résiste mieux en France que dans les autres pays de l’OCDE (excepté l’Allemagne) et nos concitoyens ont moins investi en Bourse que les Anglo-saxons.

En conclusion, la France devrait pouvoir éviter la déflation : les prix restent en territoire positifs et nous ne sommes pas encore en récession (définie comme deux trimestres successifs négatifs), alors que les mesures de soutien (automobile, travaux publics) vont être progressivement mises en œuvre. On peut donc rester raisonnablement optimiste sur ce point : le pire n’est jamais sûr !

 

 

                                                                               Bernard MAROIS

                                                                               Président du Club Finance HEC