Le Roquefort n’aurait pas pu trouver meilleure campagne de publicité. Mis au pilori par les Etats-Unis, le fromage à pâte persillée a fait
Les Etats-Unis n’ont-ils pas le droit de bouder notre bleu de brebis quand nous même nous ne voulons pas ingurgiter de steak de bœuf aux hormones ou de cuisse de poulet désinfecté au chlore ?
L’Europe utilise l’arme réglementaire : les lois sanitaires du Vieux Continent sont plus strictes. Et émotionnelle : nos poulets fermiers méritent plus de passer à la cocotte que leurs homologues américains.
Les Etats-Unis utilisent l’arme financière : le Roquefort sera surtaxé, les droits de douanes du fromage seront multipliés par trois à la fin mars. Quand bien même, le palais de George Bush, à la différence de celui de Pline l’Ancien, n’appréciait guère la spécialité aveyronnaise.
Certes, l’augmentation est carabinée. Mais la fronde des producteurs paraît disproportionnée. Sur le plan commercial pur, sur les 18 500 tonnes de Roquefort produites annuellement, seules 500 à 600 sont exportées vers les Etats-Unis. Le ramdam médiatique ne concerne que 2 petits pourcents de la production. Certes, avec un prix au kilo qui passe de 30 à près d’une centaine d’euros, en effet, le chiffre d’affaires réalisé outre-Atlantique ne va pas augmenter. Toutefois, même à 30 euros le kilo, pas sûr que le consommateur américain moyen se précipite sur les tartines pain Roquefort.
C’est un peu l’arbre qui cache la forêt. Que dis-je, la tranche qui cache la meule. L’ire des producteurs aveyronnais va plus loin que les Causses. Derrière ces coups bas, c’est tout le rôle de l’Organisation Mondiale du Commerce en tant que législateur et tribunal du commerce international qui est remis en cause. D’ailleurs, le mal est dit. Comme peut-on être législateur et juge à la fois ? L’ « enronite » menace.
Certes, l’OMC dispose d’un Organisme de Règlement des Différends, qui, comme son nom l’indique, est là pour régler les nombreuses divergences commerciales qui naissent entre membres. Organisme dont l’indépendance est toute relative. Le règlement des différends est pourtant censé constituer la clef de voûte du système commercial multilatéral et de la contribution de l’OMC à la stabilité de l’économie mondiale. Mais, que peut-il donc faire contre des mesures de rétorsion sciemment prises à l’encontre de vetos sciemment brandis ? Si l’OMC fixe les cadres généraux du commerce international, elle n’a pas son mot à dire dans la définition des règles phytosanitaires, qui, on l’a vu avec le bœuf aux hormones, mais aussi le foie gras, le maïs OGM, sont très culturelles voire patriotiques.
Alexandra Voinchet