2008, Emploi US, Euro : quel bilan ! (E&S n °69)

L’humeur :

2008, une année inoubliable…

Assurément, 2008 restera l’année de toutes les mauvaises surprises. Tout avait d’ailleurs « bien » commencé avec la fameuse affaire Kerviel qui démontra qu’une des banques d’affaires les plus performantes au monde pouvait perdre cinq milliards d’euros en quelques heures. Le tempo était donné : 2008 allait montrer que la finance mondiale, qui avait déjà subi une première gifle en 2007 avec l’éclatement de la bulle des subprimes, était en train de perdre tous ses repères. Ensuite, ce fût la flambée des cours du pétrole et de l’ensemble des matières premières qui mit le feu aux poudres, démontrant par là même que les « meilleurs spécialistes » de la planète et l’ensemble des marchés pouvaient sans vergogne et en dépit du bon sens prévoir à la fois une récession mondiale et un baril à 200 dollars…

Mais ce n’était pas tout, car même si elle fut organisée sans trop de dérapages, la faillite de Bear Stearns rappelait à tous que disposer d’un passé glorieux et être une figure emblématique de la finance mondiale n’étaient en rien des gages de pérennité. Quelques semaines plus tard, ce fut au tour de la BCE de plonger dans l’absurdité en augmentant ses taux directeurs en pleine récession de la zone euro et alors que l’inflation qui prévalait à l’époque n’était aucunement le produit d’une demande trop forte par rapport à l’offre et donc sur laquelle la politique monétaire n’avait pas de prise. Mais le pic de cette année meurtrière n’était pas encore atteint. Pour ce faire, il a fallu attendre le 15 septembre et la faillite non préparée de Lehman Brothers qui allait entraîner le monde dans sa crise financière la plus grave depuis 1929. Enfin, cerise sur le gâteau et synthèse parfaite de cette année de mer… cenaires, l’affaire Madoff est venue rappeler que même l’insoupçonnable devenait inévitable.

Bref, nous avons bien vécu une année historique. Dans ces conditions, faire le bilan de nos prévisions économiques et financières pourrait paraître inutile. En effet, nous n’avons prévu ni Kerviel, ni Bear Stearns, ni la folie de la BCE, ni la faillite de Lehman Brothers et encore mois le scandale Madoff. Mais était-ce possible ? Certainement pas. Pour autant, le fait que tout le monde se soit trompé ne constitue pas une excuse et nous devons reconnaître que, de ce point de vue, ainsi que sur le front des prévisions boursières, nous avons eu tort. Voilà pourquoi, par respect pour nos clients, il est indispensable de continuer à jouer la transparence. C’est ce que je fais depuis une dizaine d’années, d’abord à la Banque Populaire, puis avec ACDEFI et désormais avec Global Equities, je ne vais certainement pas m’arrêter parce que nous vivons une crise grave. Bien au contraire.

Et ce d’autant qu’à l’exception des déboires financiers que nous venons d’évoquer, le bilan de nos prévisions 2008 est même plutôt flatteur. En effet, nous avons été les premiers à annoncer l’avènement d’une récession dans la zone euro pour 2008 et une croissance française inférieure à 1 %. Toujours dans l’Hexagone, nous avons été parmi les seuls à annoncer un dérapage des comptes publics vers un déficit de 3 % du PIB et à prévoir le dégonflement de la bulle immobilière que nous avions d’ailleurs été parmi les très rares à détecter il y a déjà deux ans et demi.

Parallèlement, nous avons été parmi les rares à anticiper que la croissance américaine serait supérieure à 1 % en 2008. Rappelons-nous qu’il y a un an, la plupart des prévisionnistes et notamment ceux du FMI annonçaient une croissance américaine d’au mieux 0,5 %. Or, jusqu’à la faillite de Lehman Brothers, celle-ci avoisinait les 2 % et elle dispose encore d’un acquis de 1,3 % à la fin du troisième trimestre. De même, nous avons dû lutter pour affirmer, seuls contre tous, que le baril à 150 dollars n’avait pas de sens économique et qu’il devrait baisser à partir de l’été 2008. Dans le prolongement de cette prévision, nous avons aussi crié haut et fort que la remontée du taux refi de la BCE en juillet dernier était une absurdité. Nous profitons d’ailleurs de cette occasion pour remercier les 12 500 signataires de la pétition stopTrichet.com à travers toute l’Europe.

En outre, au lendemain de la triste décision de la BCE, nous étions parmi les très rares à annoncer que l’inflation se replierait nettement dans la zone euro et que la BCE serait finalement contrainte de baisser son taux refi. Si l’exacerbation de la crise financière a évidemment obligé celle-ci à aller au-delà de nos prévisions, il ne faut pas oublier que la récession eurolandaise a commencé dès le deuxième trimestre, puis s’est accélérée au troisième trimestre, avant même la faillite de qui vous savez, confirmant par là même que la remontée du taux refi de juillet restera certainement l’une des plus graves erreurs de politique monétaire des trente dernières années.

En ce qui concerne les pays émergents, nous n’avions certes pas anticipé que l’ampleur du ralentissement serait si forte, mais nous avions annoncé que ceux-ci continueraient de représenter les deux tiers de la croissance mondiale et que ceux d’Asie et d’Amérique Latine seraient les plus résistants au contraire des pays d’Europe de l’Est. Enfin, lorsque l’euro valait 1,60 dollar et que de nombreux économistes le voyaient à 2, nous avons été parmi les très rares à annoncer une baisse significative de ce dernier, avec un objectif de 1,35 dollar pour la fin 2008.

Mais au-delà de la satisfaction que peut nous procurer ce bilan favorable, nous voulons surtout souligner que ce dernier rappelle que nous ne sommes pas des devins et que nous devons faire nos prévisions en toute humilité et sur la base des fondamentaux économiques. Bien sûr, cette stratégie ne peut pas nous permettre d’avoir toujours raison mais au moins elle nous permet de défendre nos prévisions avec objectivité et en toute indépendance. Espérons donc que grâce à cette méthode, notre bilan 2009 sera encore meilleur que celui de 2008. Et ce d’autant que si, il y a un an, nous avons été les premiers à annoncer la récession en Europe, nous sommes aujourd’hui parmi les rares à anticiper une reprise dès l’été aux Etats-Unis et à partir de l’automne de ce côté-ci de l’Atlantique. Après une année 2008 de toutes les mauvaises surprises, 2009 pourrait donc bien devenir celle de toutes les bonnes surprises.

Marc Touati


L’analyse économique de la semaine :

France : l’industrie plonge mais les ménages résistent.


Catastrophique! Telle est malheureusement la réalité de l’industrie française. En effet, après déjà trois trimestres de récession et une chute de 3,7 % en octobre, la production industrielle a encore plongé de 2,4 % en novembre. Son glissement annuel atteint ainsi – 9 %, un plus bas depuis historique depuis que la série a été créée en 1981.

Parallèlement, sur octobre-novembre, la production industrielle enregistre un écroulement de 5,5 % par rapport à la moyenne du troisième trimestre.

Mais ce n’est pas tout, car même s’il enregistre une légère baisse sur un mois, le déficit extérieur français reste abyssal, à 6,2 milliards d’euros. Et ce en dépit de la baisse des cours du baril, confirmant par la même que le déficit extérieur français est avant tout structurel.

Sur douze mois, celui-ci a d’ailleurs atteint un nouveau record historique à 57,482 milliards d’euros. Ainsi, la barre des 60 milliards devrait être atteinte dans les tous prochains mois.

Dans ces conditions et même si la consommation résiste, la baisse du PIB français au quatrième trimestre pourrait avoisiner les – 0,8 %. A l’instar de la zone euro et de l’ensemble de l’Europe occidentale, la France est donc bien en train de vivre sa crise économique la plus grave depuis l’après-guerre.

Une simple question se pose alors : la politique économique (budgétaire et monétaire) sera-t-elle à la hauteur pour éviter le plongeon en déflation ?

 

Les ménages français font de la résistance

Pour autant, en dépit des craintes généralisées de récession mondiale et hexagonale, les ménages français refusent de céder au pessimisme.

Certes, après avoir regagné trois points en novembre, l’indice de confiance de ces derniers calculé par l’INSEE en a reperdu un en décembre. De même, avec un niveau de – 44, il reste proche de son plus bas historique de juillet dernier. Néanmoins, par rapport à ce plancher, il demeure supérieur de trois points. Ce qui, dans le contexte actuel de déprime aggravée, peut être perçu comme un gage de résistance.

D’ailleurs, si les Français sont toujours très inquiets quant à l’évolution passée et future du niveau de vie en France, la perception de leur situation financière personnelle se stabilise et reste donc en retrait par rapport aux sommets d’inquiétude atteints en la matière en juillet et octobre derniers.

Parallèlement, l’indice d’opportunité de faire des achats importants s’est redressé de deux points en décembre. Et, même si avec un niveau de – 36, il demeure très bas, il s’agit de sa plus forte hausse enregistrée depuis janvier 2007.

A la veille du début des soldes, cette évolution est évidemment de bon augure : même si l’euphorie ne sera pas au rendez-vous, les soldes d’hiver constitueront bien un succès commercial.

D’où une question simple : comment cela est-il possible dans un contexte aussi morose ? La réponse est tout aussi simple : la baisse des prix énergétiques et des matières alimentaires permet aux ménages de réallouer leurs dépenses vers la consommation de biens manufacturés.

D’ailleurs, l’enquête de l’INSEE est formelle : les ménages déclarent qu’ils perçoivent une réduction forte de l’inflation passée et à venir. D’où la constitution d’une marge de manœuvre non négligeable pour ne pas sombrer dans le pessimisme noir et surtout pour continuer de consommer.

On l’oublie souvent, mais le quotidien des ménages n’est pas fait d’évolutions boursières ou d’annonce de plan de relance, ce qui compte avant tout pour les particuliers réside dans l’évolution des prix des biens qu’ils achètent au quotidien.

Autrement dit, de la même façon que la flambée des prix énergétiques et alimentaires avait freiné massivement leurs dépenses de produits manufacturés, la chute de ces même prix devrait désormais inverser la vapeur.

Le seul hic réside cependant dans l’évolution du chômage. Car, si ce dernier augmente trop, comme le craignent d’ailleurs les ménages interrogés par l’INSEE, les effets positifs de la baisse des prix des matières premières risquent d’être absorbés.

Voilà pourquoi, il est indispensable que le policy mix français et eurolandais soit le plus accommodant possible, tout en maintenant évidemment une certaine efficacité de la dépense publique, car si cette dernière est gaspillée, le retour de bâton risque de coûter très cher.

En conclusion, à l’instar des ménages français, nous refusons de sombrer dans le catastrophisme : la consommation devrait effectivement continuer de résister pendant les soldes d’hiver, connaître ensuite une traversée du désert jusqu’aux soldes d’été, avant de retrouver une dynamique plus pérenne pour la fin 2009.

 

Marc Touati


Le chômage continue à monter aux Etats-Unis



La publication du rapport sur l’emploi du mois de décembre a confirmé la forte croissance du chômage aux Etats-Unis lors des derniers mois de l’année 2008. En effet, la chute de l’activité observée tant en terme de consommation des ménages, de dépenses d’investissement ou de ventes de logement et qui devrait conduire le PIB américain à se contracter fortement au cours du 4ème trimestre a également eu un impact sensible sur l’emploi.

Ainsi, le nombre de salariés non-agricoles a reculé de 524 000 au mois de décembre (525 000 attendu par le consensus) après une baisse historique au mois de novembre (-584 000, un record depuis 1974 !). Ainsi, les destructions d’emploi s’élèvent à 2 589 000 pour l’année 2008 dans son ensemble, dont 1 531 000 au cours des seuls trois derniers mois. L’année 2008 ressort donc comme la pire année de l’après guerre en terme de destructions d’emplois aux Etats-Unis.

Pour le seul mois de décembre, tous les secteurs enregistrent une baisse de leurs effectifs à l’exception des emplois gouvernementaux (+7 000) et de l’éducation et la santé (+45 000). Ainsi, le secteur des services subit une chute de 272 000 emplois (après ‑402 000 en novembre), alors que le nombre d’emplois recule de 67 000 dans le commerce de détail (après ‑100 000 en novembre), de 113 000 dans les services aux entreprises (après –145 000 en novembre) et de 14 000 dans la finance (après –28 000 en novembre).

Dans l’industrie manufacturière, le nombre d’emplois a chuté de 149 000 après une baisse de 104 000 en novembre, alors qu’il reculait de 101 000 dans le secteur de la construction (après 85 000 en novembre).

Cet effondrement généralisé de l’emploi au sein de l’économie américaine a poussé le taux de chômage de 6.8 % à 7.2 %, son plus haut niveau depuis début 1993. Notons également que cette baisse de l’emploi a eu pour effet de faire reculer la moyenne hebdomadaire du nombre d’heures travaillées à un plus bas historique, à 33.3.

Une année 2008 record en terme de pertes d’emplois

Source : Bureau of Labor Statistics

Les premiers indicateurs publiés ces dernières semaines laissaient déjà présager d’une poursuite de la baisse de l’emploi sur un rythme similaire à celui enregistré en novembre : l’enquête ADP avait fait état de 693 000 destructions d’emplois dans le secteur privé en décembre, un record depuis sa création en 2001; l’enquête Challenger avait mis en avant un quasi-quadruplement des licenciements au cours des douze derniers mois, tandis que les nouvelles inscriptions hebdomadaires au chômage, avant de se replier quelque peu lors de la période des fêtes de fin d’année, avaient atteint un plus haut en 26 ans lors de la troisième semaine de décembre. Les composantes « emploi » des indices ISM manufacturier et non-manufacturier soulignaient elles-aussi la poursuite de la dégradation de la situation du marché du travail. 

Ce recul de l’emploi aux États-Unis accompagne la forte baisse de l’activité constatée au cours du deuxième semestre 2008 et il va certainement s’étendre au premier semestre 2008.

Adrien Pichoud


 


Et les marchés dans tout ça ?

L’euro, dix ans déjà !


Le dixième anniversaire de la création de la monnaie unique n’a pas donné lieu à des cérémonies particulièrement remarquables et encore moins à une liesse populaire.

Et pour cause : la zone euro est en train de vivre sa première grave récession depuis sa création.

Certes, si l’euro n’était pas là, la situation aurait été certainement encore plus grave dans certains pays. A commencer par la France. En effet, le franc aurait été attaqué, ce qui aurait contraint la Banque de France à augmenter fortement ses taux directeurs, réduisant par là même la croissance hexagonale. Dans le même temps, l’Italie aurait dévalué massivement la lire, ce qui aurait réduit la compétitivité des produits français et les exportations avec, aggravant encore la situation économique globale.

Pour autant, la création de l’euro n’a absolument pas permis à l’Euroland d’éviter les affres de la crise financière et encore moins la récession. D’ailleurs, cette dernière a commencé dès le deuxième trimestre 2008, donc bien avant la faillite de Lehman Brothers.

En outre, il ne faut pas oublier que, depuis 1999, la croissance de la zone euro n’a été que de 2 % en moyenne annuelle et de seulement 1,6 % de 2002 à 2008.

Une croissance de plus en plus molle.