Le retour de la déflation ?

Dire qu’il y a encore quelques mois, de très nombreuses têtes bien pensantes annonçaient le retour de la forte inflation un peu partout dans le monde, y compris en France… Loin de cette prévision fantaisiste, les prix à la consommation ne cessent actuellement de reculer. A tel point que certains, souvent les mêmes qui annonçaient l’avènement de l’hyper-inflation, parlent désormais de retour de la déflation. Autrement dit, les prévisions des économistes et autres devins sont en train de devenir presque aussi volatiles que les marchés.

Dans ce flou artistique, il est donc important de faire le point sur l’évolution passée et à venir des prix à la consommation et sur la probabilité d’un retour de la déflation, c’est-à-dire de la baisse annuelle du niveau général des prix.

Tout d’abord, il faut souligner que la baisse de 0,5 % des prix à la consommation dans l’Hexagone en novembre s’explique principalement par le fort repli des biens énergétiques (- 5,5 % dont – 8,8 % pour les seuls produits pétroliers) et alimentaires (- 0,23 % dont – 2,8 % pour les produits frais). Ainsi, hors énergie et alimentaires, les prix continuent d’augmenter de 0,1 %.

Cet écart de variation rejaillit bien entendu sur les évolutions annuelles. Ainsi, le glissement annuel des prix à la consommation est passé de 3,6 % en juillet dernier à 1,6 % aujourd’hui. Bien différemment, celui de l’indice sous jacent est resté quasiment stable depuis l’été dernier, autour des 2 % et encore aujourd’hui à 1,9 %. Autrement dit, de la même façon qu’il n’y a pas ou peu eu d’effets de second tour (c’est-à-dire de répercussion des prix énergétiques sur les autres prix) à la hausse, il y en a également très peu à la baisse.

Pour autant, il faut d’ores et déjà préparer les opinions publiques : dans quelques mois, le glissement annuel des prix à la consommation devrait avoisiner les 0 %. Et ce par la simple action des effets de base. En effet, de l’automne 2007 à l’été 2008, les prix énergétiques n’ont fait que flamber augmentant mécaniquement (certes dans une moindre mesure) les prix à la consommation. Dès lors, à présent que les prix énergétiques reculent et même s’ils se stabilisent dans les prochains moins, les glissements annuels se réduiront mécaniquement.

Ainsi, en faisant l’hypothèse optimiste que les prix à la consommation augmenteront de 0,1 % par mois jusqu’en juin prochain, le glissement annuel de ces derniers atteindre 0,8 % dès le mois de mars et un plus bas de – 0,1 % en juin. La déflation sera donc actée dans les faits. Fort heureusement, par la suite, l’effet de base se retournera et les glissements annuels repartiront à la hausse, terminant l’année 2009 vers les 1,5 %. Toujours est-il qu’après avoir atteint 2,8 % en 2008, l’inflation annuelle moyenne de l’Hexagone atteindra 0,8 % en 2009.

Or, comme la révision à la baisse des chiffres de l’emploi du troisième trimestre vient de le confirmer (- 0,3 % contre – 0,1 % en première estimation), le revers de la médaille d’une faible inflation et a fortiori d’une déflation réside dans la baisse de l’offre, c’est-à-dire dans le recul de la production, les faillites d’entreprises et les destructions d’emplois.

Comme nous n’avons cessé de le crier pendant des mois (malheureusement en vain), le vrai risque qui menaçait la France et la zone euro depuis plusieurs trimestres n’a jamais été la forte inflation mais la faiblesse du PIB et de l’emploi, qui, doit-on le rappeler, reculent depuis le printemps dernier. Et l’heure de payer la facture a désormais sonné…

Marc Touati