L’humeur :
A quand le retour de la fièvre acheteuse ?
Ah qu’elle paraît loin la fièvre acheteuse dont faisait preuve les ménages français il n’y a encore pas si longtemps… Après la bonne surprise de septembre, la morosité a donc malheureusement repris le dessus en octobre sur le front de la consommation française.
Certes, après avoir augmenté de 0,5 % en septembre, la consommation en produits manufacturés n’a reculé que de 0,4 % en octobre. Cependant, cette baisse confirme que les ménages redeviennent parcimonieux, le glissement annuel de cet agrégat atteignant d’ailleurs un niveau de seulement 0,7 %.
En fait, dans un contexte de crise financière et de forte incertitude notamment en matière d’emploi, les consommateurs français n’ont eu d’autres choix que de déposer les armes en octobre.
Et compte tenu de la poursuite de la sinistrose, une évolution similaire devrait d’ailleurs s’observer en novembre.
Néanmoins, il ne nous paraît pas opportun de sombrer dans le pessimisme. En effet, les ménages français vont désormais pouvoir bénéficier de la baisse des cours pétroliers. Même si celle-ci n’est pas complètement répercutée sur les prix à la pompe, le repli de ces derniers, ainsi que la baisse de l’ensemble des prix énergétiques et des matières premières devraient effectivement fournir une marge de manoeuvre supplémentaire pour la consommation des fêtes de fin d’année.
En outre, même si les banques restent frileuses, le recul marqué des taux monétaires (de 5,4 % a 4,1 % en moins d’un mois pour le taux euribor 3 mois) devrait également permettre de soutenir les crédits a la consommation.
L’ombre persistante dans ce tableau teinté d’obscurité et de lueurs d’espoir demeurera l’augmentation du chômage qui freinera forcément l’appétit de consommation des ménages français.
Dans ce contexte, nos prévisions d’évolution de la consommation hexagonale est la suivante : un mois de novembre encore mou, des fêtes de fin d’année et des soldes d’hiver de bonne facture mais sans plus, puis une traversée du désert jusqu’a l’été, qui devrait d’ailleurs marquer la fin de la récession française.
Marc Touati
L’analyse économique de la semaine :
L’activité ralentit fortement aux Etats-Unis.
Les publications macro-économiques de la semaine sont venues confirmer la nette dégradation de l’environnement économique aux États-Unis, que les récentes statistiques avaient déjà décrit (PIB, chômage, ISM, ventes au détail pour ne citer que les principaux).
Alors que les États-Unis se dirigent vers une récession qui s’annonce sévère, aucun secteur n’est épargné : l’immobilier, à l’origine de la crise, mais aussi l’activité dans l’industrie, qui alimente la hausse du chômage.
Ce ralentissement de l’activité a au moins comme conséquence un net repli des prix des matières premières, alors que la demande mondiale a sensiblement ralentit. En conséquence, les taux d’inflation, après avoir atteint des plus hauts dans l’été, se replient maintenant fortement, rappelant que, compte tenu des perspectives d’activité de l’économie américaine pour 2009, le risque est aujourd’hui celui de la déflation plutôt que d’une poussée inflationniste.
Ainsi, les statistiques publiées cette semaine confirment-elles le fait que le PIB va certainement encore se contracter au moins au cours du 4ème trimestre, après la baisse de 0.3 % en rythme annualisé enregistrée au 3ème trimestre (qui sera d’ailleurs certainement revue en baisse dès la semaine prochaine).
L’immobilier continue de s’enfoncer
La crise financière qui a explosé en 2007 et qui est à l’origine de l’actuelle récession américaine trouvait sa source dans la bulle immobilière qui s’était constitué au cours de la première moitié de
L’activité industrielle enregistre un coup d’arrêt
Après avoir plutôt résisté au cours du premier semestre, en dépit du ralentissement de la demande finale, le secteur industriel américain a finalement subi de plein fouet la faiblesse de la consommation américaine au cours de l’été et le ralentissement de la demande mondiale, qui supportait jusqu’à présent les exportations américaine. Ainsi, on a observé un effondrement des indices d’activité industrielle (ISM, production industrielle, indices régionaux d’activité) à partir du mois d’août.
Les statistiques de la production industrielle ont, de plus, été parasitées par l’occurrence simultanée d’une grève chez Boeing, qui a affecté la production, et du passage des ouragans Gustav et Ike, qui ont entraîné un net ralentissement de la production dans les régions touchées, en particulier sur la production de pétrole du Golfe du Mexique. Sous cette accumulation de facteurs défavorable, la production industrielle avait enregistré une baisse historique de 3.7 % en septembre après –1.2 % en août. Le retour progressif à la normale de l’activité, tant chez Boeing que dans les régions touchées par les ouragans, a permis un rebond de la production industrielle en octobre (+1.3 %). La Fed a estimé que sans les ouragans et la grève chez Boeing, la production industrielle aurait reculé de 0.7 % en septembre et en octobre.
Par ailleurs, les différents indicateurs régionaux d’activité manufacturière décrivent une poursuite de la détérioration de l’activité : l’indice Empire Manufacturing de la Fed de New York a ainsi reculé à un nouveau plus bas depuis sa création en 2001 (-25.4 après –24.6); l’indice de la Fed de Philadelphie a, lui, reculé de –37.5 à –39.3, se rapprochant de son point bas de la fin 1990. Au vu de l’historique de ces indicateurs, il ne fait guère de doute que l’économie américaine et plus particulièrement l’industrie sont aujourd’hui en récession. La production industrielle était en baisse de 4.1 % en glissement annuel en octobre.
Il est logique que la baisse de la demande ait un impact particulièrement prononcé sur l’industrie, dont l’activité est très liée au cycle économique. Mais c’est bien l’ensemble de l’économie, y compris les services, qui souffre aujourd’hui.
Pour preuve, la hausse continue du chômage, tant dans l’industrie manufacturière et dans la construction que dans les services. Après un rapport sur l’emploi d’octobre qui avait montré une accélération de la hausse du chômage (‑240 000 emplois, taux de chômage à 6.5 %), la tendance semble devoir encore s’accentuer en novembre, alors que les inscriptions hebdomadaires au chômage se sont installées au-dessus de 500 000 depuis le début du mois, avec un plus haut depuis 1992, à 542 000 au cours de la deuxième semaine.
En conséquence, le nombre total de bénéficiaires d’allocations chômage est passé au-dessus de 4 millions pour la première fois depuis 1982. La hausse du taux de chômage n’est pas terminée…
De l’inflation à la déflation?
La rapide dégradation de la conjoncture américaine mais aussi internationale au cours de l’été a eu pour conséquence de renverser complètement le mouvement de hausse des prix des matières premières, avec le pétrole maintenant de retour sous 50 $/b. Les prix de l’énergie (essence, fioul…), qui avaient flambé au 1er semestre, sont donc en train de reculer fortement eux aussi, ce qui entraîne un repli marqué des taux d’inflation dans le monde, après les pics atteint dans l’été.
Ainsi, aux États-Unis, l’indice des prix à la consommation et l’indice des prix à la production ont tout deux enregistré leur plus fort recul mensuel de leur histoire en octobre (respectivement –1.0 % et –2.8 %). Ainsi, le taux d’inflation des prix à la consommation est redescendu à 3.7 % en octobre (contre +5.6 % en juillet).
Ainsi, la menace inflationniste se dissipe à grande vitesse, au point que le principal risque serait plutôt, compte tenu des anticipations d’activité pour 2009, celui de la déflation, alors que la baisse marqué de la demande pèsera sur les prix. Ces craintes ont été renforcées par le premier recul mensuel en 26 ans de l’indice des prix à la consommation « core », qui exclue les prix de l’énergie et de l’alimentation afin de mesurer l’inflation sous-jacente (‑0.1 % en octobre). De quoi inciter la Fed à abaisser encore son taux directeur et à injecter autant et tant qu’elle le pourra des liquidités dans l’économie afin d’éviter une répétition du scénario japonais des années 1990…
Ainsi, s’il est extrêmement probable que l’action vigoureuse de la Fed et de la prochaine administration permettront d’éviter ce scénario « à la japonaise » et que l’activité commencera à se raffermir au cours du deuxième semestre 2009, force est de constater qu’il va falloir, avant cela, traverser encore quelques mois très difficiles aux États-Unis, qui se traduiront par une flambée du chômage et une chute encore plus prononcée qu’aujourd’hui de l’activité.
Adrien Pichoud
Et les marchés dans tout ça ?
La livre minée par la faiblesse de l’économie britannique.
On le sait, l’économie britannique est entrée dans une période de grandes difficultés économique depuis quelques mois. En effet, à l’instar de l’économie américaine, l’économie britannique a vu la bulle qui s’était formé sur son marché immobilier grâce à l’abondance de crédit peu cher exploser avec la crise financière.
Le retournement et la vitesse de la chute des prix des logements ont été encore plus marqués au Royaume Uni qu’aux États-Unis et il ne fait aujourd’hui aucun doute que l’économie britannique est entrée dans une profonde récession. Les autorités ont même évoqué la possibilité d’une année de déflation en 2009.
Dans ce contexte, la Bank of England n’a d’autre choix que d’assouplir massivement sa politique monétaire, ce qu’elle a déjà fait avec une baisse de 50 pb de son taux de repo le 8 octobre dernier, suivi d’une baisse record de 150 pb le 6 novembre, qui ont ramené le taux directeur de la BoE à 3.0 %, son plus bas niveau depuis 1954.
Mais la situation macro-économique va pousser la Bank of England à assouplir plus encore sa politique monétaire. C’est ce qu’ont révélé les minutes de la réunion du Comité de Politique Monétaire du 6 novembre. Si c’est finalement une baisse de 150 pb qui a été décidée, certains membres du comité étaient partisans d’une baisse plus importante encore, mais se sont réfrénés par peur de déstabiliser les marchés et dans le but de conserver des « munitions » pour les mois à venir. Le taux directeur britannique sera donc à coup sûr encore abaissé dans les mois à venir.
Dans cet environnement économique et de taux, il n’est pas étonnant d’avoir vu la livre sterling se déprécier, l’ampleur du mouvement ayant été en ligne avec celle de l’évolution de l’activité et des taux.
Ainsi, la devise britannique, qui avait atteint un plus haut en 26 ans contre le dollar à l’automne 2007 (2.1075 GBP/USD) a depuis lors cédé 30 % de sa valeur contre la devise américaine, dont 25 % depuis le seul début du mois d’août. Elle est revenue à un plus bas depuis 2002.
Le mouvement a été quelque peu moins marqué contre la devise européenne, mais il atteint toutefois plus de 20 % depuis septembre 2007, et la livre est à son plus bas niveau depuis la création de la zone euro. Dans la mesure où cette dernière constitue son principal partenaire commercial, cette évolution pourrait au moins être favorables aux exportateurs mais le net ralentissement de l’activité sur le continent européen limitera les opportunités.
En tout cas, il est clair que tous les voyants sont aujourd’hui au rouge au Royaume-Uni. La croissance s’annonce négative pour encore plusieurs trimestres, alors que le dégonflement de la bulle immobilière n’a pas encore touché à sa fin et que le chômage est en hausse. La Bank of England procède à un assouplissement en urgence de sa politique monétaire, qui va amener le taux de repo à un niveau historiquement bas.
Enfin, la crainte de déflation et la baisse des taux à court terme vont certainement entraîner les rendements à long terme britanniques à
Cet affaiblissement des taux longs risque de constituer un élément supplémentaire de faiblesse pour la livre, qui va donc rester sous pression jusqu’au 1er semestre 2009, jusqu’à ce que la sortie de crise se dessine Outre Manche.
Adrien Pichoud
Les évènements à suivre du 24 au 28 novembre:
Le moral des ménages américains cesse de baisser.
Aux Etats- Unis on suivra mardi la publication du PIB pour le T3 qui devrait être négatif confirmant la récession américaine qui sera techniquement officielle au T4. On suivra également l’indice de confiance des consommateurs américains du Conférence Board en novembre. Mercredi on suivra les indicateurs concernant les ménages américains ainsi que les commandes de biens durables.
En Europe, on suivra lundi l’indice IFO de confiance des entrepreneurs en Allemagne et mardi celui de la confiance des entrepreneurs en France. On suivra également jeudi le taux de chômage en Allemagne, l’indice de confiance dans l’économie de la zone euro ainsi que la première estimation de l’inflation dans la zone euro. Tous ces indicateurs devraient confirmer l’entrée officielle en récession de la zone euro.
Lundi 24 novembre, 10h00 : l’indice IFO de confiance des entrepreneurs en Allemagne recule en novembre :
Après avoir enregistré une baisse au mois de septembre pour atteindre 92.9 et une baisse au mois d’octobre pour atteindre 90.2, l’indice IFO de confiance des entrepreneurs en Allemagne reculera une fois de plus en novembre pour atteindre 90. L’Allemagne, qui est largement dépendante de ses exportations face à une demande mondiale atone, est entrée officiellement en récession technique (baisse du PIB de -0.4 % au T2 et de -0.5 % au T3) pesant sur la confiance des entrepreneurs.
Mardi 25 novembre, 8h45 : l’indice de confiance des entrepreneurs en France stagne en novembre :
Après avoir baissé au mois de septembre à 91 et au mois d’octobre à 88, l’indice de confiance des entrepreneurs en France va stagner à 88 au mois de novembre. Même si elle échappe officiellement à une récession technique (+0.14 % du PIB au T3), la France subit le ralentissement de l’économie mondiale générant une demande domestique et extérieur atone pouvant aboutir à une déflation.
Mardi 25 novembre, 14h30 (heure française) : la deuxième estimation de la croissance américaine indique un recul de 0.5 % au T3.
Après une hausse du PIB au T2 de + 2.8% , le PIB américain devrait voir la baisse de 0.3 % de l’estimation préliminaire être révisée encore en baisse, à –0.5 %. La
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