OBAMERICA

En dépit d’un suspense préfabriqué de dernière minute (histoire de faire de l’audience et de vendre un peu plus de journaux), Barack Obama a donc emporté une victoire écrasante sur le sparing partner John Mc Cain. Comme nous l’avons souvent évoqué, cette victoire était économiquement inévitable. En effet, dans l’histoire contemporaine des Etats-Unis, aucune majorité sortante n’a été reconduite à la Maison Blanche en phase de crise et/ou de récession économique. Ce fut par exemple le cas avec Jimmy Carter remplacé par Ronald Reagan en 1980 ou encore de Georges Bush père battu par Bill Clinton en 1992. A l’inverse, en phase d’expansion économique et de croissance soutenue, la majorité en place a toujours été reconduite. Ce fut notamment le cas avec Nixon en 1968, Reagan en 1984 et George Bush fils en 2004. Autrement dit, avec la faillite de Lehman Brothers le 15 septembre dernier qui a relancé la crise financière et la récession outre-Atlantique, Barack Obama n’avait aucune chance de perdre.

Mais surtout, avec l’élection d’un métis issu de la classe moyenne à la Présidence, l’Amérique retrouve une nouvelle jeunesse doublée d’une image restaurée : celle du rêve américain, de rendre possible l’inimaginable et surtout celle d’une Nation novatrice et leader en matière de lutte contre les discriminations. Selon les sondages, 80 % des Français auraient voté Obama s’ils étaient américains mais l’auraient-ils fait s’il s’agissait de la présidentielle française ? Autrement dit, non seulement les Américains sont en train de se racheter de leurs erreurs du passé, mais en plus, ils donnent une leçon magistrale au monde occidental en lui disant : désormais, avant de nous critiquer, balayez devant votre porte et ayez le courage et/ou la volonté d’élire un Président noir… Mais, au-delà des symboles et des changements géopolitiques qu’elle mettra en œuvre, la Présidence d’Obama comporte également, voire surtout, un challenge économique de grande ampleur : relancer l’économie américaine sur le chemin d’une croissance forte et durable.

Et, selon nous, Barack Obama a toutes les chances de relever le défi avec succès. En effet, il ne faut pas oublier que l’exacerbation de la crise financière et sa transformation en crise économique depuis septembre dernier relève avant tout d’une carence de confiance. En fait, alors que le plus dur semblait passé, que les cours du baril et des matières premières commençaient à reculer et que l’horizon économique se dégageait progressivement, la faillite de Lehman Brothers a ruiné tout espoir et a plongé le monde économique et financier dans l’obscurité totale. En quelques jours, pour ne pas dire quelques heures, le système bancaire devenait l’objet de toutes les craintes, les marchés boursiers étaient massacrés et le financement des entreprises se retrouvait en danger de mort. Bref, les fondements de l’économie mondiale chancelaient. Dès lors, toutes les décisions d’investissement, d’emploi et de consommation étaient gelées, transformant une situation de rémission en récession généralisée. En d’autres termes, c’est parce que les agents économiques ont perdu toute visibilité et toute confiance dans le proche avenir qu’ils ont mécaniquement arrêté de dépenser. La crise est alors entrée dans un processus auto-entretenu et auto-réalisateur.

Pour sortir de sa léthargie, et après les plans de sauvetage des banques, l’économie américaine et mondiale a besoin d’un nouveau coup de pouce qui permettrait de transformer la défiance en confiance. Le nouveau Président a les moyens de mettre en place ce processus positif. Tout d’abord, comme après chaque victoire électorale, il va disposer d’un état de grâce, à même de booster la confiance des ménages. Ensuite, il va devoir très vite annoncer la création d’une équipe crédible à la tête des Etats-Unis, à même de mettre en place dès janvier 2009 le plan de relance keynésienne promis pendant la campagne.

Et ce New Deal est particulièrement ambitieux : aides à l’emploi, suppression des impôts sur les allocations chômage et prolongation de la durée de celles-ci, doublement de l’aide financière aux constructeurs automobiles, moratoire de 90 jours sur les hypothèques, création d’un fonds d’aide aux États et municipalités en difficulté budgétaire. Ces mesures s’ajoutent à celles qu’il a déjà proposées : investissements de 50 milliards de dollars dans des projets publics d’infrastructure et remises d’impôts à raison de 1.000 dollars par famille. Le coût total de ce New Deal Light serait d’environ 175 milliards de dollars. Il serait financé pour partie par la suppression des baisses d’impôts accordées par Bush pour les 5 % d’Américains les plus fortunés. En plus de ce soutien de grande envergure, les ménages américains pourront également bénéficier de la baisse des cours du baril qui, au contraire de la situation française, est presque intégralement et fortement intégrée dans les prix à la pompe, du recul de l’inflation, de la baisse des taux d’intérêt de la Fed et de la mise en place de la révolution des Nouvelles Technologies de l’Energie.

Autrement dit, sans forcément remonter à Roosevelt, Barack Obama a les moyens de devenir le Bill Clinton des années 2000. Nous l’avons oublié, mais Bill Clinton aussi avait commencé son mandat en pleine récession et après une forte crise de confiance née de la faillite des caisses d’épargne américaines. Et pourtant, avec le charisme et le pragmatisme dont il a sur faire preuve, il a réussi à redresser la barre. Sans vouloir tomber dans l’angélisme mais pour toutes les raisons que nous avons avancées précédemment, nous sommes convaincus que les Etats-Unis nous surprendront encore en 2009 par une croissance qui dépassera largement celle de la zone euro.

 

Marc Touati