Voyons un seul avantage à l’isolement du continent noir sur le planisphère économique : les subprime n’ont pas contaminé l’Afrique. Malheureusement, il faut tristement constater qu’il n’y avait pas grand-chose à contaminer tant l’Afrique – malgré quelques évidentes disparités nationales – reste l’oubliée de la mondialisation, que cette dernière soit économique ou purement financière.
Or, l’Afrique n’échappe pas à la crise économique qui secoue la planète, victime collatérale en quelque sorte.
Elle comptait sur ses exportations de matières premières – cacao, coton, fruits mais aussi minerais, métaux précieux, pétrole – : voilà que la flambée de ces matières premières est de l’histoire ancienne mais que l’inflation reste, elle, d’actualité.
Elle comptait sur son maigre commerce international pour soulager des budgets historiquement déficitaires : voilà que les consommateurs occidentaux resserrent les cordons de leurs bourses et rognent sur leurs achats.
Elle comptait sur la Chine et sur son appétit en ressources pour susciter un peu d’activité : voilà que Pékin s’inquiète de sa propre consommation intérieure et de sa puissance commerciale et cède à la mode du plan de relance économique.
Elle comptait sur l’aide au développement pour garder la tête hors de l’eau : voilà que les promesses des Occidentaux s’évanouissent.
C’est là toute la malédiction de ce continent. Quand les puissances développées se portent bien, elles font preuve d’un maigre altruisme envers leurs voisins du Sud. En revanche, quand cela se corse dans le Nord, les manquements aux obligations sont légion.
L’an dernier, à peu près à la même époque,
En début d’année, alors que les pays occidentaux croulaient sous les calculs des subprime et autres CDS, les émeutes de la faim ont remis la lumière sur la misère de certains pays, notamment en Afrique subsaharienne, et sur l’impossibilité de remplir les Objectifs de Développement pour le Millénaire, comme réduire de moitié la pauvreté d’ici à 2015. Quelques chèques ont été rapidement signés pour faire retomber
Ce n’est pas faute d’appeler au secours. « Cent millions d’êtres humains ont déjà basculé dans la pauvreté cette année, et ce nombre ira croissant », prévenait encore récemment Robert B. Zoellick, lors de l’assemblée annuelle de
Les ministres africains des Finances étaient présents lors de cette assemblée. Ils n’ont eu de cesse d’exhorter les pays développés à maintenir leur aide. Ils ont aussi reconnu qu’ils devaient se prendre en main pour développer leur politique économique, énergétique, agricole… On n’est jamais mieux servi que par soi-même.
Mais sans argent, que peuvent-ils faire ?
L’Europe, autrefois si proche de l’Afrique, ne montre pas le bon exemple. Elle avait promis un milliard d’euros, un surplus dans la trésorerie de la PAC, pour aider l’agriculture africaine. Elle pourrait bien s’asseoir sur sa promesse, a fait entendre Bruxelles. « La crise financière ne peut pas ne pas avoir un impact », justifie le Français Alain Joyandet, secrétaire d’Etat à la Coopération.
Le sujet est délicat. « Je crois que la crise financière présente le risque de créer une sorte d’appétence moindre, d’engagement moindre pour mettre de l’argent dans le développement », relève le commissaire européen au Développement, Louis Michel, tout en nuançant : l’impact sur les dons en matière d’aide au développement reste pour l’instant plus un risque qu’une réalité, selon lui.
L’ONU, qui pilote ces Objectifs du Millénaire pour le Développement, estime que l’Afrique a besoin de 72 milliards de dollars de financement extérieur par an pour espérer atteindre ces fameux objectifs. On en est encore très loin. Toutefois, remettre en question les enveloppes d’aide au développement, quelles que soient les raisons des bailleurs de fonds, c’est hypothéquer la croissance d’un continent qui a pourtant affiché un taux de croissance de 6,5 % l’an passé. C’est aussi hypothéquer la vie de millions d’habitants.