Comme chaque fin d’année, les rédactions des grands journaux de la planète phosphorent pour décerner le titre d’homme de l’année. Ce dernier n’est pas forcément un bienfaiteur de l’humanité mais est généralement celui qui a le plus marqué les esprits de par ses actions. Ainsi, en 2001, les deux hommes qui reçurent ce « prix » furent George Bush et Ben Laden, pour les tristes raisons que nous savons. L’an passé, le Financial Times décerna ce titre à Jean-Claude Trichet pour avoir refusé de baisser ses taux d’intérêt et avoir annoncé avant tout le monde que l’hyperinflation était à nos portes et allait déferler sur l’Euroland en 2008.
Pour cette année, nous leur conseillons de nommer un nouveau duo, en l’occurrence le charismatique George W. Bush et le formidable Jean-Claude Trichet. En effet, par leur clairvoyance et leur professionnalisme, ces deux personnalités ont permis à l’année 2008 d’être l’une des plus exceptionnelles en matière de catastrophe économique et financière.
Ainsi, alors qu’elle avait pourtant réussi à faire voter son plan de relance budgétaire de 160 milliards de dollars au printemps, l’administration Bush a laissé faire faillite la quatrième banque d’affaires américaine Lehman Brothers, entraînant dans son sillage l’ensemble de la planète financière dans sa crise la plus grave depuis 1929 et suscitant par là même un risque important de forte récession. Certes, comme nous l’écrivions à l’époque (cf. notre Réaction du 15 septembre : « Une journée en enfer »), casser le principe du « Too big to fail » faisait comprendre aux banques américaines qu’elles devaient désormais jouer franc jeu et faire preuve de la plus grande transparence possible. Autrement dit, ce risque aurait pu en valoir la chandelle et devenir même salutaire, si et seulement si la faillite de Lehman Brothers avait été préparée, de manière à limiter les impacts collatéraux sur les banques partenaires et sur l’ensemble des places financières internationales
Mais il n’en a rien été. Aussi, pour avoir refuser de dépenser quelques milliards de dollars ou de permettre à
Mais ce n’est pas tout. Car, pour obtenir son titre d’homme de l’année, George Bush a pu compter sur un soutien de poids en la personne d’Henry Paulson. Sans vergogne, celui-ci a ainsi déclaré la semaine dernière que, finalement, son plan de sauvetage n’était pas si bon et qu’il serait plus opportun que l’Etat américain monte directement dans le capital des banques plutôt que de racheter leurs créances toxiques. Dans la mesure où le soutien est désormais encore plus fort que prévu initialement, il s’agit donc d’une bonne nouvelle, que les marchés ont pourtant boudée. En effet, ce que récusent avant tout ces derniers, c’est la volte face des dirigeants et l’incertitude. Or, au travers de ce retournement de veste, les marchés, déjà immergés par le pessimisme, se disent qu’il y a peut-être encore d’autres cadavres dans les placards, et c’est reparti pour un tour de Bear market. Et pour ne rien arranger, la zone euro est, comme nous l’annonçons depuis le début de cette année, en train de plonger dans une récession durable.
Bien entendu, la crise financière sera souvent présentée comme le coupable idéal. Mais il n’en est rien. Et pour cause : si la crise des subprimes a bien débuté en août 2007, la débâcle financière a commencé le 15 septembre 2008. Donc juste quinze jours avant la fin du troisième trimestre. Autrement dit, même si la faillite de Lehman n’avait pas eu lieu, le PIB eurolandais aurait également reculé au troisième trimestre. Le pire réside dans le fait que c’est justement au quatrième trimestre que les principales conséquences néfastes de la crise financière vont se produire. Autrement dit, la zone euro est bien en train de connaître sa plus grave récession depuis 1993 et certainement depuis le premier choc pétrolier. A tel point que les risques d’hyper-inflation tant avancés par notre Jean-Claude Trichet transnational se sont transformés en risques de déflation…
Face à ce marasme, les déclarations des dirigeants politiques et monétaires allemands et eurolandais d’il y a quelques mois résonnent avec fracas : Ne nous disaient-ils pas encore début juillet que les risques sur la croissance étaient faibles et qu’il fallait donc augmenter le taux refi de
A l’évidence, à l’heure où l’on cherche des coupables pour expliquer les déboires actuels, les dirigeants politiques et monétaires de la zone euro ont une part de responsabilité conséquente. Le problème réside dans le fait qu’ils n’ont même pas le courage de se remettre en question. Ils ont d’ailleurs fait les mêmes erreurs en 2002, voire pour les plus anciens, au début des années 1990. Mais non, l’impunité fonctionne très bien pour certains…
En outre, si George Bush va rejoindre son ranch en janvier prochain et ne nous gratifiera plus de sa maestria, le mandat de l’ami Jean-Claude ne se termine qu’en 2011. Il aura donc encore le loisir de nous dispenser ses bienfaits et peut-être même de devenir pour une troisième fois l’homme de l’année…
Marc Touati