A la croisée des chemins…

Après deux ans de croissance faible aux Etats-Unis, deux trimestres de récession en Europe, quinze mois de crise bancaire et quarante jours de panique boursière, la planète économico-financière est désormais à la croisée des chemins. Le choix qui s’offre à nous est assez binaire : soit nous allons vivre une réédition de la crise qui a suivi le krach de 1929 en plus grave, soit nous allons redémarrer et déjouer les scénarios catastrophes consensuels.

Il ne faut effectivement pas se voiler la face : le scénario du pire est possible. Pour les âmes sensibles, nous préférons d’ailleurs prévenir que les lignes suivantes sont très difficiles à supporter. Et pour cause : elles décrivent la fin d’un monde. Passons donc (temporairement) du côté obscur de la force pour l’expliquer. En fait, comme l’a souvent décrit Karl Marx, le système capitaliste est par nature auto-destructeur dans la mesure où il produit ses propres cellules destructrices. Ainsi, après avoir survécu pendant plus de trois siècles aux guerres, aux épidémies, aux krachs boursiers (notamment celui de 29), à la mondialisation sauvage et au terrorisme, le capitalisme serait finalement mis à mort par une simple idée a priori altruiste : permettre aux plus démunis d’acquérir leur logement.

Sans refaire le film de la crise, la dette dite subprime ainsi créée a ensuite été titrisée, puis réassurée de manière à être notée AAA pour devenir éligible dans des Sicav Monétaires dynamiques. Défiant l’une des règles de base de la finance (« plus le rendement est élevé, plus le risque est fort »), ces produits offraient alors des rendements élevés avec la soi disant garantie d’un risque faible. Cerise sur le gâteau, ces produits étant souvent hors bilan et/ou intégrés dans des produits extrêmement complexes, ils échappaient en partie aux règles prudentielles que devaient respecter les banques qui les commercialisaient.

Malheureusement, c’était sans compter la remontée des taux d’intérêt de la Fed de 1 % à 5,25 % entre juin 2004 et juin 2006, qui a mécaniquement tendu les taux hypothécaires et a fortiori les taux d’intérêt des dettes subprimes. Asphyxiés par ces conditions tendues, les ménages modestes ayant contractés un crédit subprime ont alors fait faillite, entraînant dans leur sillage l’ensemble du système, depuis l’organe de crédit local jusqu’à la banque internationale.

Et, c’est alors qu’une autre mécanique infernale se met en place. En effet, après quelques semaines d’accalmie, le crédit continue de se raréfier et, après avoir réduit la voilure, les entreprises industrielles et tertiaires commencent à faire faillite les unes après les autres. Et ce, sur l’ensemble de la planète.

Les Etats du monde développé redoublent alors d’efforts pour sauver le système. Mais en vain. En effet, ils avaient oublié que leurs systèmes de retraite par répartition n’étaient plus financés. Dès lors, après avoir dépensé sans compter pour recapitaliser leurs banques et leurs entreprises, ils se retrouvent criblés de dette. A l’instar de la dégradation des dettes subprimes et autres, les notes des dettes publiques des principaux pays développés passent alors de AAA à B et n’arrivent plus à trouver preneurs auprès des investisseurs internationaux. Après les banques et les entreprises, c’est donc au tour des Etats de déposer le bilan, d’autant que leurs actifs nets (c’est-à-dire les actifs moins les dettes) sont négatifs. Après avoir été ruinés par la débâcle boursière et la faillite de nombreuses banques mises en défaut, les rares personnes qui disposent encore de dépôts financiers se ruent vers les banques centrales pour récupérer de l’or.

Mais il est trop tard. Les Etats l’ont réquisitionné car, devant le marasme, ils n’ont plus qu’une seule solution : faire la guerre là où ils le peuvent pour récupérer les quelques richesses encore disponibles à travers le monde. Or, comme l’Iran a acquis la bombe atomique depuis quelques mois, elle en profite pour l’utiliser et déclencher une guerre mondiale dévastatrice. Autrement dit, même les plus pessimistes des analystes se sont trompés : il ne s’agissait pas de la fin d’un système, mais de la fin de l’Humanité… Dans ces conditions, il ne sert à rien de s’inquiéter pour ses économies en bourse ou de planquer des lingots d’or dans son jardin. Si les bearish (pessimistes) ont raison, il faudra simplement s’armer d’un fusil mitrailleur, se barricader chez soi tout en entretenant un potager et un poulailler pour se nourrir…

Mais, fort heureusement, il existe une deuxième voie. Celle de la reprise. Car même si la crise que nous vivons actuellement est grave, elle n’est ni la première, ni la dernière. C’est d’ailleurs ce que Marx oubliait dans ses discours. En effet, si le capitalisme produit ses propres virus autodestructeurs, il génère en même temps ses anticorps. Ainsi, l’un des grands mérites de la crise actuelle sera le retour aux choses simples et au réalisme économique. D’où le plongeon des cours du baril et des matières premières, le recul de l’euro/dollar, la fin de la mathématisation à outrance de l’économie et la mauvaise gestion des risques. Autant d’évolutions qui vont assurément permettre aux ménages de disposer d’un pouvoir d’achat augmenté, aux entreprises de retrouver le chemin de l’investissement et aux marchés et aux banques de retrouver leur rôle premier, à savoir le financement de l’économie.

Les effets de levier des produits financiers seront donc moins importants, les profits un peu moins élevés mais, comme d’habitude, le système sera sauvé. Si tel est le cas, nous avons donc tout à gagner. Il faut donc investir, consommer et se retrousser les manches. A l’inverse, si tel n’est pas le cas, nous n’avons rien à perdre puisque même les billets cachés dans les matelas ou les lingots enterrés dans les jardins n’auront plus de valeur…

 

Marc Touati