Jusqu’à présent, le FMI se contentait de commenter la crise. Le revoilà sur le pied de guerre. L’institution multinationale va renouer avec son rôle originel, celui de « prêteur en dernier ressort » auprès de pays qui, écrasés par leurs engagements financiers, ne parviennent pas à faire rentrer l’argent frais nécessaire.
Jusqu’à présent, les élèves du Fonds Monétaire International étaient des Etats d’Amérique Latine, d’Afrique, d’Asie. Mal en point, ils ont frappé à la porte du FMI, recevant en retour une jolie enveloppe, assortie d’un lourd cahier des charges. Quelques années plus tard, certains ont amassé de belles fortunes grâce à l’exploitation intensive de leurs ressources : le pétrole a ainsi donné une belle marge de manœuvre au Venezuela. Si bien que, l’année dernière, ce dernier a claqué la porte du FMI alors que ses dettes couraient jusqu’en 2012. Le Venezuela n’a pas été le seul mutin : après avoir vécu comme une tutelle pesante les cures d’austérité économique imposées par le Fonds dans les années 1980 et 1990, l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay et l’Equateur,
Aujourd’hui, malgré la crise économique mondiale, ces pays peuvent se passer de l’aide du FMI. Mieux, en Amérique du Sud, ils se sont constitués une cagnotte de solidarité. Son titre : Banco del Sur. Même l’Asie, dont la puissance des fonds souverains, notamment chinois, est colossale, réfléchit à la chose.
Non. Aujourd’hui, ceux qui sollicitent le FMI ne se trouvent plus sur la carte du « Tiers-Monde », mais à nos portes, en Europe ! Les nouveaux élèves du Fonds se prénomment Islande, Hongrie, Ukraine ou encore Biélorussie. Ils se sont ruinés dans les turpides de la finance moderne, leur dette a explosé, leurs devises ne valent presque plus rien désormais, bref ce n’est pas beau à voir ! La « substantielle aide financière » du FMI, selon les termes exacts, est donc plus que bienvenue.
Fini le chômage technique. Enfin, le pompier FMI a quelques brasiers à éteindre. Au sein de l’institution, on ressort les tablettes : « par ses prêts, le FMI continue de fournir du bien public international important, à savoir préserver la stabilité de la balance des paiements et un système ouvert de commerce international, et réduire la probabilité que les crises se propagent d’un pays à l’autre par la contagion financière et les répercussions d’ajustements désordonnées », peut-on lire dans le Bulletin du FMI de début octobre. Dommage que l’analyse arrive un peu trop tard.
A quoi doit-on s’attendre ? Le FMI va envoyer quelques chèques, il en a les moyens – malgré un délestage au printemps, ses coffres abritent une des plus importantes réserves d’or au monde. Et surtout donner beaucoup de recommandations. Espérons toutefois que ces dernières soient moins toxiques que celles auxquelles le Fonds nous avait habitués et qui lui ont valu sa réputation de « pompier pyromane ».
Or, ces dernières années, le Fonds cherchait se débarrasser de cette étiquette et à se réinventer. Washington aurait bien vu dans le FMI un gendarme des équilibres monétaires internationaux à son service. Début 2007, les Etats-Unis, principal contributeur financier du Fonds étant donné leur prépondérance dans la quote-part et les droits de vote, avaient même ressorti du placard l’épineux dossier de la réforme du régime des quotes-parts. Depuis, rien n’a abouti.
A l’époque, les questions fusaient sur le rôle et la légitimité de l’institution multilatérale. Peut-on raisonnablement exiger un meilleur contrôle de la mondialisation et refuser à une des rares instances supranationales existantes d’exercer ses attributions ?, se demandait-on. Preuve est faite aujourd’hui que le bât blesse.
Malheureusement, pour une réforme en profondeur d’une institution de soixante ans d’âge et qui a bien mal vieilli, on repassera. Le FMI a d’autres chats à fouetter que de revoir sa charte, va-t-on nous répliquer. Sa refonte identitaire est donc repoussée sine die, ce qui n’est sans doute pas pour déplaire à certains de ses grands pontes, tant le chantier est complexe.
Alexandra Voinchet