Crise financière, récession mondiale, what else ?

Déjà structurellement animés par le mimétisme et l’exubérance irrationnelle, les marchés sont en train de devenir masochistes. Ainsi, depuis un peu plus d’un an, ils ne pensent qu’à une seule chose : se faire mal, de plus en plus mal. Ce comportement destructeur a, il est vrai, atteint un nouveau paroxysme depuis le 15 septembre dernier et la faillite de Lehman Brothers.

Et pour cause : les autorités publiques américaines ont montré à ce moment là que, elles aussi, étaient habitées par la même volonté de se flageller, car il est clair qu’en prenant le risque, non préparé, de la faillite de la quatrième banque d’affaires américaine, le gouvernement Bush signait le début d’une grave crise économico-financière et ce faisant, ouvrait un boulevard à Barak Obama pour la victoire à la présidentielle. A croire que le camp républicain souhaitait un changement de majorité à la Maison Blanche… D’ailleurs, quelques semaines plus tard, le refus du même camp à voter pour la première version du plan Paulson confirmait cette volonté de perdre, entraînant les marchés boursiers dans une nouvelle chute.

Par la suite, le vote de la deuxième version de ce même plan, puis le plan de sauvegarde bancaire européen n’allaient permettre de relancer les marchés actions à la hausse que temporairement. En fait, le ressort était cassé : les investisseurs sont pessimistes au plus haut point et ils ne veulent rien entendre d’autre. A la rigueur, les plans de sauvegarde, les baisses des taux directeurs des banques centrales… restent simplement des occasions de faire des coups sur une ou quelques journées avant de revendre de plus belle et ainsi de suite.

Il faut dire que les rares investisseurs qui osent encore regarder la bourse ne sont quasiment plus que des fonds spéculatifs dont l’horizon de placement ne dépasse pas les 48 heures. Dans ce cadre, il est évidemment difficile d’inverser une tendance baissière qui dure depuis plus d’un an et s’est accélérée au cours du dernier mois.

En outre, il faut reconnaître que les actualités économiques et financières ont de quoi alimenter cette spirale suicidaire. Ainsi, à peine après avoir appris que les banques américaines et européennes étaient sauvées, les marchés ont très vite oublié ce qui leur faisait si peur quelques jours plus tôt pour découvrir avec stupeur que la récession était aux portes de la planète. Quelle surprise !

Surtout lorsque l’on sait que la zone euro est déjà en récession depuis le printemps dernier et que les Etats-Unis lui ont échappé uniquement grâce à la baisse des taux directeurs de la Fed et au plan Bush de soutien à l’activité. Dès lors, le cyclone Lehman ne pouvait évidemment qu’aggraver la situation. Ce qui est étonnant c’est que, selon certains, les marchés viendraient seulement de se rendre compte de l’existence d’une récession.

En ce qui nous concerne, plutôt que de broyer du noir, nous préférons regarder un peu plus loin. Histoire de nous rappeler que la vie ne s’arrête pas chaque jour à la clôture de la bourse. Ainsi, si l’on ose se positionner à un horizon qui dépasse le semestre (oh ! Quelle folie !), la réalité est bien différente. En effet, la chute de 50 % des principales bourses depuis un an intègre à la fois la crise des subprimes, le baril à 150 dollars, le dollar faible, la crise bancaire, la récente faillite de douze banques américaines, sans oublier la récession.

En fait, selon le Fed model (c’est-à-dire le niveau d’équilibre des indices boursiers en fonction des résultats prévisibles et des taux d’intérêt), le niveau actuel du Dow Jones ou encore du Cac 40 annonce une baisse des bénéfices par action de respectivement 55 % et 65 % dès 2008. Si cela n’est pas une récession, qu’est-ce alors ? Autrement dit, la récession actuelle est déjà « pricée » dans les cours boursiers.

A l’inverse, les niveaux actuels des indices boursiers n’intègrent nullement un baril à 75 dollars, un euro à 1,35 dollar, les plans de sauvetage des banques, la faiblesse des taux d’intérêt et encore moins le fait que de nombreuses entreprises voient leur capitalisation boursière devenir inférieure à la valeur de leurs fonds propres. Sur le Cac 40 par exemple, c’est le cas pour la moitié des entreprises. La dernière fois qu’une telle déconnexion a été observée remonte au début 2003. A l’époque, la quasi-totalité des investisseurs et des analystes annonçaient une récession sans précédent pour 2003 et des indices boursiers encore en baisse pour les mois suivants. Et pourtant, de mars à décembre 2003, le Dow Jones a gagné 39 %, le Dax 80 % et le Cac 40 48 %.

Enfin, rappelons que les niveaux actuels des indices boursiers n’intègrent en rien la révolution technologique qui est en train de prendre forme sous nos yeux, en l’occurrence celle des Nouvelles Technologiques de l’Energie. A l’évidence, celle-ci apportera son lot de croissance, d’emploi et de désinflation qui permettra forcément de relancer les marchés boursiers en 2009.

Bien entendu, il ne s’agit pas pour nous d’annoncer que les marchés boursiers vont rebondir dans des proportions similaires à 2003. D’ailleurs, faire des prévisions boursières sur la base des fondamentaux économiques n’a actuellement aucun sens. Un peu comme il était vain en juin dernier d’annoncer, comme nous le faisions, que les cours du baril et de l’euro/dollar allaient inévitablement baisser. Personne ne voulait écouter. Et pourtant… Voilà pourquoi l’économiste n’a pas le droit de faire des prévisions sur l’évolution de la spéculation, mais doit se contenter de rappeler la réalité des fondamentaux vers laquelle les marchés finissent toujours par converger.

What else ? Just a coffee please…

 

Marc Touati