Affaire Bertrand : on ne prête qu’aux riches

L’affaire a été révélée par l’hebdomadaire « Le Point ». Yves Bertrand, qui fut à la tête des Renseignements Généraux pendant 12 ans, a recensé dans 23 cahiers à spirales une multitude de notes impliquant des hommes politiques, des journalistes et des stars du show business. Ces cahiers sous scellés qui avaient été saisis en janvier dernier dans le cadre de l’affaire Clearstram auraient depuis été dérobés… Un « traitement de faveur » a – semble t il – été réservé à Nicolas Sarkozy avec des notes portant manifestement atteinte à sa vie privée. Le Président de la République a alors porté plainte contre Yves Bertrand pour « dénonciation calomnieuse », « faux et usage de faux », « recel »et « atteinte à l’intimité de la vie privée ». L’auteur affirme que ses notes étaient à caractère personnel et qu’elles n’ont jamais transpiré sous quelque forme que ce soit. Affirmation difficile à croire lorsque l’on connaît la personnalité et le parcours d’Yves Bertrand .

L’homme a été Directeur Central des Renseignement Généraux (DCRG) pendant 12 ans (1992- 2004 ) et a survécu à sept Ministres de l’Intérieur et à 2 cohabitations. C’est tout simplement exceptionnel à un poste aussi sensible lorsque l’on sait que les RG représentent une véritable arme au service des politiques. Dans les textes, le DCRG est nommé par le Président de la République sur proposition du Ministre de l’Intérieur. Les difficultés commencent quand il ne s’entend pas avec son Ministre, ce qui n’est pas rare en période de cohabitation . Le parcours ne fut donc pas simple pour Yves Bertrand qui se heurta notamment à Lionel Jospin (dont il connaissait le passé trotskiste). Ce dernier ne réussira pas à obtenir sa tête auprès de Jacques Chirac. En période de cohabitation, les alliés du Président à des postes aussi stratégiques sont en effet bien trop précieux pour pouvoir s’en passer …

En réalité, il apparaît de plus en plus évident qu’Yves Bertrand recensait tout ce qui pouvait déstabiliser les opposants de Jacques Chirac pour l’élection présidentielle de 2002 : Charles Pasqua , Lionel Jospin et… Nicolas Sarkozy, qui l’avait d’ailleurs toujours soupçonné de ‘manœuvrer’ contre lui. Des enquêtes sur son patrimoine alors qu’il était Ministre du Budget (1993) jusqu’à l’affaire Clearstream, en passant par la guerre totale qui l’opposa pendant 12 ans au clan Chirac (Villepin, Massoni, Bertrand), le Président de la République avait plus d’une raison de se méfier de l’ancien DCRG. Mais les preuves manquaient jusqu’à présent et bien sûr, Nicolas Sarkozy n’obtint jamais la tête de Bertrand auprès de Jacques Chirac.

Il semble désormais que les preuves et les éléments tangibles s’accumulent contre le haut fonctionnaire. Celui qui fut l’un des personnages les plus puissants de la cinquième République était jusqu’ici protégé par les informations sensibles qu’il possédait. Mais dès lors que ces informations sont consignées et connues, Yves Bertrand devient au contraire une cible à abattre … Les conséquences et les implications de cette affaire sont très importantes, entres autres pour Dominique de Villepin à qui l’on prédisait un retour au gouvernement. Nul doute que ses 33 rencontres avec Yves Bertrand entre 2001 et 2002 sonnent le glas de ses ambitions gouvernementales.

 

La phrase de la semaine :

«Huit fois sur dix il s’agissait de ragots et de rumeurs (qui) ont rarement fait l’objet d’une exploitation officielle après vérification ».De Yves Bertrand

 

rôme Boué