L’humeur :
Les chiens aboient et les ménages français consomment...
C’est impressionnant. Alors que les marchés financiers internationaux et leurs acteurs paniquent, alors que les gouvernements de la planète s’affolent, alors que les chefs d’entreprise broient du noir et tandis que les « meilleurs » économistes et analystes du monde se sont lancés dans une surenchère de pessimisme, les ménages français continuent de consommer.
Certes, un point ne fait pas une tendance et l’augmentation de 0,6 % de la consommation en produits manufacturés dans l’Hexagone en septembre constitue certainement un dernier baroud d’honneur avant une période difficile. Néanmoins, dans un contexte aussi noir qu’aujourd’hui, cette petite lumière prend une dimension colossale.
Bien entendu, elle ne permet pas de faire oublier le reste. Et en particulier le nouveau plongeon du climat des affaires de l’enquête INSEE dans l’industrie. Ainsi, en atteignant un niveau de 88 en octobre, cet indicateur avancé de l’activité hexagonale se situe à un plus bas depuis janvier 1994, c’est-à-dire à une période où la France sortait difficilement de la récession de 1993.
Autrement dit, c’est désormais officiel, comme nous l’annonçons depuis le début 2008, la France est entrée dans une situation économique analogue à celle de la récession de 1993.
D’ailleurs, tous les indicateurs de l’enquête d’octobre se dégradent nettement et atteignent généralement des plus bas historiques. Ainsi, avec un niveau de – 19, les perspectives personnelles de production sont désormais à un plus bas depuis septembre 1993. Mieux, ou plutôt pire, l’indice des perspectives générales de production se situe à – 66, soit un plancher jamais enregistré depuis que l’enquête existe, c’est-à-dire depuis 1976.
Enfin, notons que les carnets de commandes tant étrangers que globaux poursuivent leur descente aux enfers, atteignant des plus bas depuis 2003. Cette dégradation est d’ailleurs généralisée mais reste la moins marquée dans le secteur des biens de consommation.
Ce qui amène à la bonne surprise du jour, pour ne pas dire du trimestre, à savoir le léger rebond de la consommation en septembre. Une fois n’est pas coutume, tous les grands types de consommation enregistrent une augmentation. Avec une palme au textile-cuir qui, en progressant de 2,8 % en septembre, corrige en partie les contre-performances de juillet-août. Certes, le glissement annuel de la consommation reste faible à 1,5 %. Cependant, cette petite hausse permet de retrouver une petite dose d’espoir.
Bien entendu, la récession qui a déjà commencé au printemps dernier est loin d’être terminée. Pour autant, cette progression de la consommation nous rappelle qu’il ne faut pas « jeter le bébé avec l’eau du bain » et oublier les quelques bonnes nouvelles économiques des dernières semaines.
En effet, à côté de la crise financière la plus grave depuis 1929, les économies française et mondiale vont pouvoir bénéficier d’évolutions très favorables. A commencer par le plongeon des cours du baril et de nombreuses matières premières. Cette baisse va évidemment permettre d’améliorer le pouvoir d’achat et de relancer des dépenses qui étaient antérieurement détruites par la flambée des prix alimentaires et énergétiques.
Dans le même temps, la baisse des taux d’intérêt passée et à venir, mais aussi, pour nous Eurolandais, la baisse de l’euro vont permettre de soutenir l’activité à partir du printemps 2009. Enfin, même s’il n’est pas parfait, le plan de soutien des banques va permettre à ces dernières de refaire progressivement leur vrai métier, à savoir le financement de l’économie.
Autrement dit, après une croissance d’environ 0,9 % cette année, l’économie française commencera à redémarrer à partir du printemps-été prochain. Certes, compte tenu d’un effet d’acquis négatif, la croissance moyenne sur 2009 restera aussi faible qu’en 2008. Néanmoins, en fin d’année prochaine, le glissement annuel du PIB devrait retrouver la barre des 2 %.
L’analyse économique de la semaine :
Le ralentissement chinois restera contenu.
Non, la Chine n’est pas à l’abri d’un ralentissement de la demande finale aux États-Unis et en Europe. Les dernières statistiques d’évolution du PIB et de la production industrielle l’illustrent et confirment le fait qu’une part non négligeable de la croissance chinoise repose sur la demande des pays développés.
Toutefois, il ne nous semble pas exact non plus de considérer que la Chine subira un ralentissement de la croissance équivalent à celui subi par les économies américaine ou européennes. En effet, la formidable expansion de l’Empire du Milieu repose également sur le développement de la demande domestique, avec la hausse des salaires qui a permis l’émergence d’une classe moyenne, et l’on peut estimer que la dynamique interne à la Chine et à l’Asie dans son ensemble vont permettre au principal pourvoyeur de croissance dans le monde de continuer à
croître à un rythme soutenu en 2009.
Tout d’abord, un constat : après deux années et demi de croissance très forte (à la limite de la « surchauffe ») du début 2006 à maintenant, au cours desquelles le PIB a progressé à un rythme supérieur à 10 % en glissement annuel (avec un pic à 12.6 % au 2T07), la croissance chinoise a marqué le pas au 3ème trimestre 2008, avec un ralentissement à +9.0 % YoY de la richesse nationales. Il s’agit du plus faible taux de croissance enregistré au cours des cinq dernières années.
La production industrielle marque, elle aussi, le pas, en voyant son rythme de hausse ralentir à son plus bas niveau depuis février 2005, à +11.4 % YoY. Rappelons que le rythme de hausse approchait encore des 18 % au mois de mars dernier (+17.8 % YoY). Il est effectivement logique de constater un tassement de l’activité industrielle alors que les principaux marchés finaux de ce secteur sont entrés en phase de récession.
Toutefois, si la demande extérieure a logiquement marqué le pas et si cette tendance devrait s’accentuer, il faut également tenir compte du développent de la demande domestique, dont le poids dans le PIB et dans la croissance n’a cessé de croître depuis 2006. Ainsi, les ventes au détail sont ressortis en hausse de 23.2 % en glissement annuel au mois de septembre, le même rythme de hausse que le mois précédent, juste en dessous du rythme record de 23.3 % YoY enregistré en juillet.
Ce qui signifie que la consommation, si elle n’accélère plus, maintient un rythme de croissance soutenu en dépit du ralentissement global de l’activité. Le dégonflement du taux d’inflation (qui avait atteint un pic à 8.7 % en février dernier, avant de retomber à 4.6 % en septembre), loin de constituer un indicateur avancé de la consommation comme pourrait le faire croire le graphique ci-dessous, devrait plutôt constituer un élément positif pour les ménages, qui voient le rythme de hausse des prix de l’énergie, mais surtout de la viande et de l’alimentation, ralentir sensiblement. Leur pouvoir d’achat va s’en trouver amélioré.
Par ailleurs, et nous nous cantonnons là à un simple constat, dans une crise qui a trouvé sa source de le développement d’activités en dehors du champs réglementaire et public, le système chinois permet aux autorités de réagir rapidement ce qui devrait permettre d’amortir le choc que subit l’économie.
Ainsi, si elle n’était pas associée aux autres banques centrales le mercredi 8 octobre lorsque la Fed, la BCE, la BoE mais aussi la Banque du Canada, la Banque de Suisse et la Banque de Suède avaient décidées de baisser leur taux directeur de 50 pb, il convient tout de même de souligner que la People’s Bank of China a, elle-aussi, procédé à une baisse de son taux de référence, le taux des crédits à un an. Celui-ci a ainsi été réduit de 27 bp, après une première baisse similaire le 16 septembre, pour revenir à 6.93 %.
Cet assouplissement de la politique monétaire, qui s’est également concrétisé par une baisse du ratio des réserves obligatoires des banques commerciales (de 17.5 % à 16 %), constitue donc un élément de la réponse des autorités chinoises au ralentissement de l’activité et à la chute des Bourses chinoises qui, après avoir progressé de 130 % de début 2007 à octobre
Notons également que le mouvement d’appréciation du yuan contre le dollar, qui avait eu tendance à s’accélérer après l’étape initiale d’abandon du « peg » décidée en juillet 2005, marque le pas depuis l’été, afin de ne pas accentuer la pression sur les secteurs exportateurs qui souffrent déjà du ralentissement de la demande des pays occidentaux. Ainsi, après s’être apprécié d’environ 17 % contre le dollar de juillet 2005 à début juillet 2008, la devise chinoise semble depuis s’être stabilisée autour de 6.83 USD/CNY.
Il s’agit là d’une réponse logique et compréhensible du gouvernement chinois, qui était d’accord pour laisser s’apprécier sa devise dans un contexte de croissance très forte et d’accroissement de l’excédent commercial, dans le but d’asseoir le statut de la devise chinoise, mais qui n’a plus aucun intérêt à une telle évolution si elle remet en cause la croissance de ses exportations et donc la dynamique de l’économie.
N’oublions pas non plus le filet de sécurité que constituent les réserves de change, qui ont dépassé les $1 900 mds en septembre ($1 906.0 mds), et qui pourrait servir à financer un plan de relance de l’activité potentiellement sans aucune commune mesure avec ceux développés en Europe et aux États-Unis.
Ainsi, pour conclure, si le ralentissement de l’économie chinoise, qui a vu son taux de croissance repasser en dessous de 10 % au 3ème trimestre, est bien une réalité qui va perdurer et probablement même s’accentuer dans les trimestres à venir, il semble judicieux de rappeler que ce ralentissement devrait être nettement plus modéré que dans les pays occidentaux.
En effet, certains des maux qui frappent les consommateurs européens et américains (chute de l’immobilier, durcissement des conditions de crédit) épargnent globalement les ménages chinois, même si l’explosion de bulles immobilières localisées (Shanghai entre autres) risque d’avoir un impact sur les dépenses des ménages urbains et sur l’activité plus généralement.
Mais les réponses apportées par le gouvernement chinois (assouplissement des conditions monétaires, stabilisation du taux de change du yuan contre le dollar, éventuel plan de relance à l’activité et/ou de recapitalisation du système financier) permettront de contenir l’ampleur du ralentissement de la croissance.
On devrait ainsi éviter le scénario d’un recul du taux de croissance sous le niveau de 7 % annuel, qui est considéré comme étant le seuil en deçà duquel l’économie chinoise traverserait effectivement une récession. Ainsi, la Chine, en dépit d’un ralentissement inévitable de sa croissance, devrait plutôt bien traverser la période de très faible croissance qui se profile aux États-Unis et en Europe pour 2009.
Adrien Pichoud
Et les marchés dans tout ça ?
A quand le baril à 200 dollars et l’euro à 2 dollars ?
Tout le monde s’est trompé, tout le monde se trompera… Aussi, loin de vouloir donner des leçons à qui que ce soit, il nous semble néanmoins intéressant de rappeler qu’il y a à peine deux mois, la grande majorité, pour ne pas dire la quasi-totalité, des « spécialistes » du pétrole annonçaient la flambée imminente du baril à 200 dollars. Dans le même temps, une part tout aussi importante des spécialistes des changes annonçaient l’appréciation imminente de l’euro vers les 2 dollars. Et pourtant…
Aujourd’hui, le baril vaut moins de 65 dollars et l’euro environ 1,26 dollar. Autrement dit, nos objectifs qui paraissaient extrêmement ambitieux voire fantaisistes il y a quelques mois ont été dépassés.
Mieux, la baisse de 1,5 millions de baril/ jours annoncée vendredi par l’OPEP n’a eu quasiment aucun effet sur les cours pétroliers. Si ce n’est à la baisse, puisque les marchés analysent cette baisse comme un aveu de panique des pays de l’OPEP qui sont pris entre le marteau de la baisse des prix et l’enclume de la baisse de la demande.
La corrélation entre l’évolution de la croissance mondiale et celle des cours du baril (qui nous avait permis d’annoncer dès le début 2008 que la flambée des prix du baril était excessive) montre d’ailleurs que la baisse des cours du baril n’est certainement pas terminée. En effet, une croissance mondiale de 3,3 % pour 2009 devrait se traduire par un baril d’environ 50 dollars.
Une analyse similaire peut être menée en matière d’évolution de l’euro/dollar. D’une part, parce qu’il existe une corrélation fortement négative entre le baril et le dollar.
D’autre part, parce que si les Etats-Unis savent rebondir plus ou moins rapidement après une récession, les Eurolandais mettent généralement cinq ans à en sortir.
Ce fut par exemple le cas en 1991-1993. Après la récession de 1991, les Etats-Unis ont redémarré dès 1992, tandis qu’après la récession de 1993, les Eurolandais n’ont vraiment retrouvé une croissance soutenue qu’à partir de 1998.
Dans ces conditions, l’euro va forcément retrouver ses niveaux d’équilibre, en l’occurrence le Natrex (taux de change naturel), qui se situe entre 1,05 et 1,20 dollar depuis une trentaine d’années. L’évolution sur longue période du Natrex et de l’euro effectif montre néanmoins que les marchés reviennent toujours vers le niveau du Natrex, ils ont souvent du mal à s’y stabiliser. Autrement dit, de la même façon que l’euro est monté trop haut à 1,60 dollar, il pourrait très bien descendre trop bas, sous les 1,05 dollar d’ici 2009.
Un baril à 50 dollars, un euro à 1 dollar, un Cac 40 à 3 000, nous sommes donc en train de revenir en 2003, c’est-à-dire quelques mois avant une reprise économique soutenue outre-Atlantique et trois ans avant celle de la zone euro.
Les évènements à suivre du 27 au 31 octobre:
La croissance américaine en berne.
La dernière semaine du mois d’octobre sera marquée par la publication, jeudi 30, de la première estimation du PIB américain pour le 3ème trimestre, ainsi que par la réunion du FOMC de la Fed, un jour plus tôt. Il faudra également suivre la publication des commandes de biens durables (mercredi 29, et celle de l’indice de confiance des consommateurs du Conference Board, mardi 28, qui devraient confirmer la fragilité de l’activité outre-Atlantique.
En Europe, on suivra la publication, lundi 27, de l’enquête IFO de confiance des entrepreneurs allemands et l’enquête mensuelle de la Commission européenne sur la confiance dans l’économie en octobre, jeudi 30. Toutes deux sont attendues en baisse, alors que la conjoncture continue à se dégrader en Europe.
Lundi 27 octobre 2008, 10h00 heure de Paris : l’indice IFO à nouveau en baisse en octobre
L’indice IFO de confiance des entrepreneurs, qui a déjà reculé au cours des quatre derniers mois, devrait enregistrer une nouvelle baisse au mois d’octobre. La dégradation de la conjoncture allemande affecte le moral des entrepreneurs et celui-ci devrait atteindre un nouveau plus bas en cinq ans au mois d’octobre, à 92.0 après 92.9 en septembre. Rappelons que l’indice ZEW a rechuté en octobre pour revenir tout près de son plus bas historique…
Mardi 28 octobre, 15h00 : la confiance des consommateurs américains en baisse en octobre
Le rebond de la confiance des ménages observé de juillet à septembre aura donc fait long feu… L’accélération de la hausse du chômage, l’intensification de la crise financière et la chute des marchés financiers devraient avoir entraîné l’indice de confiance des consommateurs du Conference Board à la baisse en octobre, dans le sillage de l’indice de l’Université du Michigan, pour atteindre 54.0 après 59.8 en septembre, juste au-dessus du plus bas en 16 ans atteint en juin dernier. Les perspectives pour la confiance et la consommation sont bien peu engageantes pour les mois à venir…
Mercredi 29 octobre, 13h30 : les commandes de biens durables se reprennent en septembre
Après la forte chute enregistrée au mois d’août (-4.8 %, -3.3 % hors matériel de transport), les commandes de biens durables devraient se stabiliser en septembre, alors que cet indicateur, très volatile, corrigera la baisse du mois précédent. On devrait ainsi enregistrer une hausse de 0.5 % des commandes de biens durables, grâce au rebond des commandes de transport (hors transport, les commandes devraient rester stables). Cette stabilisation ne remet pas en cause la tendance baissière de l
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