Suisse : Encore paradisiaque ?

La tempête financière n’a pas épargné le royaume de la neutralité, la Suisse. Depuis les alertes sur UBS et Credit Suisse, au printemps dernier, on avait presque oublié que ce temple de la finance n’était pas totalement « neutre » en ce qui concerne les affaires des gros sous.

La semaine dernière pourtant, la bourse de Zurich a été, comme ses homologues européennes, la victime de mouvements de panique. Elle a perdu 22,28 % en cinq jours, soit sa plus forte perte en 19 ans.

Néanmoins, les Suisses gardent confiance, constate-t-on dans leur presse. Le pays est présenté comme « solide ». Dans les années 1990, la Suisse connaissait des taux d’intérêt élevés, une inflation galopante, des suppressions d’emploi par milliers et une croissance au mieux « flat ». Vingt ans plus tard, le pays s’appuie sur une structure économique compétitive et flexible, un commerce extérieur diversifié et florissant grâce à quelques fleurons industriels internationaux, une politique budgétaire équilibrée et une gestion monétaire pragmatique de la part de sa banque centrale.

Les Suisses en oublieraient presque que la finance représente pas moins de 13 % de la valeur ajoutée brute helvétique. Or, cette source de richesses, quoi qu’ils en disent, n’a pas échappé à la crise et ses fragilités sont évidentes.

UBS gère dans son bilan 2 000 milliards de francs suisses, Credit Suisse 1 200. Parmi ces montants, quels sont ceux encore contaminés par des actifs « pourris » ? Difficile de l’évaluer. Les autorités politiques suisses sont actuellement dans cette impasse. Il y a de quoi redouter de bien mauvaises surprises.

Pas étonnant du coup qu’elles ne soient pas empressées d’emboîter le pas à leurs voisins qui ont promis de belles enveloppes pour sauver leurs banques. Si 10 % des bilans d’UBS et Credit Suisse venaient à être s’évaporer, cette ardoise de 320 milliards de francs suisses équivaudrait au deux tiers du produit national helvétique. La Suisse n’a donc pas vraiment les moyens de jouer au pompier, à moins de recourir à un emprunt massif. Mais tradition isolationniste oblige, la Confédération suisse n’aime guère ce genre de contraintes et elle qui est parvenue à réduire à presque rien son endettement ne semble pas partie pour remettre le couvert.

De plus, les Suisses ont en mémoire deux sauvetages étatiques, celui de la banque genevoise BCGe en 2000 et celui de BCV en 2002-2003. La note avait été salée pour les contribuables. Non seulement, la Suisse n’a pas les moyens de nouvelles interventions mais elle n’en a pas une bonne image.

Enfin, les Suisses sont d’un naturel optimiste. Même si la question de la garantie des dépôts commence à poindre, 79 % d’entre eux, selon un sondage publié ces jours derniers pour Le Matin Dimanche et SonntagsBlick, ne craignent pas la crise pour leurs petites économies.

La Suisse prend peu à peu conscience que la mondialisation l’a à la fois enrichie et rendue plus vulnérable. A elle de s’adapter pour capitaliser sur son savoir-faire aussi bien en matière de gestion financière que dans son industrie d’excellence et pour corriger ses défauts de petit pays enclavé au sein d’un marché économique commun. Elle a, pour l’aider, la chance de s’appuyer sur une tradition de recherche systématique du consensus qui fait du bien-vivre commun l’objectif ultime de toute politique.

 

Alexandra Voinchet