Crise financière : qui sont les coupables ?

Les discours récents des leaders politiques mettent tous l’accent sur la recherche des « boucs émissaires », responsables de la crise financière ; ils accusent successivement les « hedge funds », les spéculateurs (terme d’ailleurs très vague !), les « magiciens » de la titrisation, les banques d’affaires américaines (qu’il faudrait punir, en les laissant faire faillite !).

En fait, premier point, la responsabilité est collective. Elle s’étend des ménages américains prêts à emprunter largement au-delà de leurs moyens, pour réaliser le rêve de leur vie (posséder une maison individuelle) aux banques commerciales qui leur ont prêté, sans réfléchir au risque de crédit, et aux organismes de rehaussement qui les ont imprudemment garanties, sans oublier les départements des banques d’affaires qui ont titrisé ces créances à tire-larigot ou même les investisseurs qui ont acheté des titres, sans examiner en détail le contenu de leurs emplettes.

Second point, cette crise était annoncée. Dans la mesure où toute la chaîne d’opérations financières était adossée au marché immobilier et s’appuyait sur l’axiome : les prix des habitations monteront éternellement, il était évident que le système se bâtissait sur un leurre (sachant que , comme le dit le dicton, « les arbres ne montent jamais jusqu’au ciel »). La seule incertitude concernait donc la date. La réponse est arrivée, sèche : été 2007.

Quelles leçons doit-on tirer de ce désastre ? Tout d’abord, dans la mesure où la responsabilité est collective, il est inutile de chercher des boucs émissaires (solution qui détournerait d’une recherche des véritables causes de la crise).

Par contre, il faut revoir le cadre règlementaire, dans le sens d’une plus grande sévérité, en particulier aux Etats-Unis. Il est ainsi aberrant qu’une banque puisse prêter plus que la valeur du bien financé ; il faudrait limiter à 70% ou 80% du prix d’achat de l’habitation. De même, les agences de notation doivent réviser leurs méthodes d’évaluation concernant aussi bien les « monolines » (organismes de rehaussement de crédit) que les entités émettrices de CDO ou les SICAV monétaires dynamiques. Il est totalement anormal que le risque inhérent à ces entités n’ait pas été correctement estimé, donnant implicitement des messages faussement rassurants.

Enfin, il faudra développer les travaux relatifs à la finance « comportementale », qui analyse les décisions des acteurs de la finance, non pas en supposant la rationalité parfaite de ces acteurs, mais à travers leurs comportements réels, c’est-à-dire, en prenant en compte les effets « moutonniers », les asymétries d’information et les mouvements de panique. Même si les crises sont en fait différentes dans leurs manifestations au fil de l’histoire, il y a toujours des enseignements utiles à tirer de la dernière crise…pour atténuer les conséquences de la prochaine.

 

 

                                                                                                       Bernard MAROIS

                                                                                                       Président

                                                                                                       Club Finance HEC