Lors du rassemblement organisé au Zénith, Ségolène Royal a franchi le Rubicon dans la mise en scène de la parole politique et la rhétorique visuelle. Nous avons en effet atteint le summum de la politique spectacle: pas de pupitre, jean et tunique décontractée, coiffure d’adolescente, théâtralisation de la gestuelle … Ségolène Royal a joué sur le registre de l’émotion et du spectacle interactif. Elle a d’ailleurs consulté des comédiens et autres chorégraphes pour travailler ses effets de scène … Adieu la politique de grand papa à laquelle les Français ne croyaient plus , vive la communion d’esprit !!
Bien sûr, le one woman show de Ségolène a fait couler beaucoup d’encre et a déclenché un énorme « buzz » sur Internet. Mais au delà des caricatures malheureusement faciles (Bécassine, Chantal Goya, hippie seventies, John Baez…) un décryptage du spectacle du Zénith s’impose.
Tout d’abord, cette fête n’est pas un simple rassemblement médiatisé, elle constitue bel et bien le premier meeting de campagne de Ségolène Royal pour l’élection présidentielle 2012. Ensuite, la Présidente du Conseil Régional de Poitou Charente a décidé de faire cavalier seul en agissant en dehors du parti et en jouant de nouveau la carte de
Toutefois la question se pose de l’efficacité d’une telle stratégie. Trop de forme et de packaging tuent le fond qui d’ailleurs était inexistant. Car c’est bien là que le bât blesse : la France est officiellement entrée en récession, les Français ont le moral au plus bas, nous traversons la plus grande crise financière mondiale depuis 1929, les pays de l’Union Européenne se mobilisent pour trouver des solutions et Ségolène Royal organise une fête au Zénith! Les Français apprécieront …
Qui plus est, Ségolène Royal a commis une autre erreur stratégique, car même dans l’ère de la vidéocratie (dixit Olivier Duhamel), son show au Zénith désacralise le politique aux yeux des Français. Sans tomber dans le procès d’intention, il semblerait que le slogan « fraternité, fraternité, fraternité » soit une vraie opération de communication politique dans la lignée du « aimez vous les uns les autres ». Nobles paroles qui ne doivent pas occulter le fait que créer l’événement ne doit pas constituer une fin en soi. Faire du spectacle pour le spectacle, ce n’est pas de la politique.
Le pari de Ségolène Royal est donc extrêmement risqué car au delà du buzz médiatique il semble peu probable que l’impact du « Sego show » sur l’opinion soit durable. En politique comme en finance, le rendement est proportionnel au risque, la chute aussi …
La phrase de la semaine :
« J’ai souvent pensé à Cyrano de Bergerac qui disait avec panache on abdique pas l’honneur d’être une cible ». De Ségolène Royal lors du rassemblement au Zénith.
Jérôme Boué