Récession en France : quel gâchis !

Alors que nous l’annonçons depuis le début 2008 et alors que les dirigeants politiques ne cessent de se voiler la face depuis au moins aussi longtemps, l’INSEE vient de reconnaître que la France était bien entrée en récession au printemps dernier. En effet, notre Institut National de la Statistique vient d’annoncer qu’après avoir déjà reculé de 0,3 % au deuxième trimestre, le PIB français a baissé de 0,1 % au troisième trimestre et en ferait de même au quatrième. Autrement dit, non seulement la définition technique de la récession (deux trimestres consécutifs de baisse du PIB) est réalisée, mais bien pire, cette récession s’avère durable et profonde.

Pourtant, en dépit de ces évidences, ni les dirigeants du pays, ni les statisticiens de l’INSEE ni même de trop nombreux économistes n’osent encore accepter la réalité et parler de récession. Nous restons donc dans le comportement « tartuffien » que nous avions déjà dénoncé dans notre Humeur du 8 août intitulé « Cachez cette récession que je ne saurais voir ». A la rigueur, cette méthode Coué était compréhensible ou admissible il y a un an et demi lorsqu’il fallait galvaniser les foules. Mais, aujourd’hui, elle n’a plus aucun sens et devient même dangereuse. En effet, depuis un an, les Français ne sont pas dupes, ils vivent au quotidien cette récession et en subissent les douloureuses conséquences, tant en terme d’activité pour les entreprises que de chômage et de baisse du pouvoir d’achat pour les ménages. A force de refuser les évidences, nos gouvernants risquent alors de se mettre à dos de plus en plus de Français, notamment parmi ceux qui ont voté pour eux.

Car ne nous leurrons pas, même si elle constitue un bouc émissaire idéal, la crise financière internationale n’est pas la seule responsable de l’atonie de l’économie française. Et pour cause, la croissance structurelle de cette dernière (c’est-à-dire celle obtenue lors d’un fonctionnement normale de l’économie) n’est que de 1,8 %. Aussi, dès qu’une tempête se produit, c’est l’écroulement, voire la récession. Et plus les dirigeants mettent du temps à admettre ce risque et à prendre des mesures pour le contrecarrer, plus la récession est longue et massive. Cette erreur avait déjà était faite en 1975, puis rééditée en 1992 et elle se reproduit encore aujourd’hui. A croire que nous ne savons vraiment pas tirer les leçons des erreurs du passé.

Dans ce cadre, Nicolas Sarkozy semble marcher sur les traces de Valéry Giscard d’Estaing. Elu en 1974 plus jeune Président de la République française, ce dernier était promis à un beau destin. Son but était d’ailleurs de créer une rupture avec le passé, au travers d’un Président plus proche des Français et capable de maintenir la France à la tête des Nations. Malheureusement, le manque de mesures économiques rapides puis les conséquences dramatiques des deux chocs pétroliers n’ont pas permis à VGE de prendre son envol, si bien qu’il sera battu par François Mitterrand en 1981.

S’il est sûr que Nicolas Sarkozy ne sera pas battu par François Mitterrand, l’histoire semble néanmoins se répéter une nouvelle fois. En effet, Nicolas Sarkozy a été élu sur le thème de la rupture et du pouvoir d’achat. C’est certainement grâce à cela qu’il a obtenu 54 % des voix. Avec une telle avance, il pouvait donc mener la rupture tant annoncée en six mois. Celle-ci passait notamment par une forte baisse de la pression fiscale pour tous (entreprises et ménages, favorisés ou non) et simultanément par une baisse au moins aussi importante des dépenses publiques, notamment celles de fonctionnement.

Malheureusement, pour des raisons diverses et variées, tel n’a pas été le cas et nous avons perdu ces six mois post-électoraux cruciaux pour pouvoir engager la rupture dont la France a besoin. Une fois cette période passée, le ressort était déjà distendu. Ensuite, la crise financière s’est aggravée, ruinant à peau de chagrin les chances d’engager l’Hexagone sur le chemin des vraies réformes économiques.

Aujourd’hui, la France s’installe dans la récession et ce au moins jusqu’à l’été prochain. Dès lors, la rupture est en train de devenir un vieux rêve. D’ailleurs, l’idée de laisser déraper le déficit public est de plus en plus avancée. Si tel est le cas, cela accroîtra la colère des Allemands à notre égard, réduira la crédibilité économico-politique de la France et cristallisera une crise politique européenne qui est déjà présente depuis 2003, c’est-à-dire depuis l’engagement de l’Allemagne sur la voie des réformes massives, tandis que la France n’a cessé de les refuser.

Les conséquences de ces manquements ne se sont pas fait attendre : depuis 2002, la France est la lanterne rouge de la croissance de la zone euro (avec l’Italie et le Portugal). Quant à 2008 et 2009, la croissance hexagonale peinera à dépasser les 1 %, tandis que son déficit budgétaire dépassera allégrement les 3 % du PIB.

Face à ces constats déplorables, seuls des sentiments de déception et de gâchis peuvent émerger et ce, au sein même des partisans de l’actuelle majorité, sachant qu’il faut reconnaître que l’opposition n’aurait certainement pas fait mieux. Dans ce cadre, plutôt que de se focaliser sur les méchants « voyous » de la finance et sur les difficultés américaines, les dirigeants français devraient plutôt penser à dire la vérité aux Français et à leur expliquer comment ils comptent sortir de la crise, si possible en conservant une certaine cohésion européenne. Sinon, ce n’est pas seulement la santé économique de la France qui est en question mais aussi la stabilité de la zone euro.

Marc Touati