Quel lien entre la Russie et la Mongolie ? Entre la Chine et le Kirghizstan ? Ces pays et quelques autres forment l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS).
L’OCS est une organisation dont on parle peu, née en juin 2001, sur les traces d’une structure également méconnue, « Shanghai 5 », créée en 1996 pour régler les tensions sur l’ancienne frontière sino-soviétique et faciliter la coopération économique.
L’OCS compte pourtant parmi ses membres trois mastodontes géographiques et démographiques : la Russie, la Chine et l’Inde. Trois puissance économiques en devenir dont les manifestations de la vigueur économique, financière, politique voire culturelle se sont multipliées récemment.
Les autres membres sont des « satellites », petits par leur taille mais néanmoins cruciaux par leurs atouts. La présence du Kazakhstan, du Kirghizistan, de l’Ouzbékistan et du Tadjikistan, ex-territoires du giron soviétique, rappelle la survie de la CEI [1]. L’Iran et ses velléités nucléaires qui aiguisent l’ire des Occidentaux mais alimentent le commerce d’uranium avec la Russie. Le Pakistan dont l’instabilité actuelle de la situation politique rappelle son rôle dans le « containment » du terrorisme taliban qui sévit chez son voisin afghan. La Mongolie, ce désert enclavé entre la Russie et la Chine, riche en charbon, en minerais – cuivre, tungstène… – et en matières précieuses – or notamment -, et encore sous la botte russe [2].
L’OCS conserve les missions de son aïeule : œuvrer au renforcement de la confiance mutuelle et des relations de bon voisinage entre les membres et faciliter la coopération économique et politique entre eux.
Sur le plan économique, avec trois BRIC [3] en poche, l’OCS pèse lourd sur la balance internationale. Mais la Russie, l’Inde et la Chine, il faut bien l’avouer, se la jouent plutôt « solo ». Quant aux autres membres, ils sont presque insignifiants dans le jeu économique mondial.
Pour ce qui est des relations de bon voisinage, on repassera également. Il suffit de regarder les tensions qui crispent l’Inde et le Pakistan, frère ennemis de puis la partition de l’Empire britannique en 1947, sur l’épineux dossier du Cachemire.
La seule réalisation concrète de l’OCS est son RATS, sigle barbare qui renvoie à sa structure anti-terroriste régionale, dont le siège se situe dans la capitale ouzbek, Tachkent. Le RATS entend combattre les séparatismes, le terrorisme et l’extrémisme (islamique). Mais derrière ces belles paroles, se cache une réalité plus crue : la lutte contre « l’expansionnisme américain » figure également dans les textes fondateurs de cette entité. Toute allusion à l’influence russe n’est pas fortuite. Il y a à peine quelques années, la presse russe décrivait même ce RATS comme « une alternative à l’OTAN » destinée à « agir contre l’influence des Etats-Unis » en Asie centrale [4]. Plusieurs décennies après la fin de la Guerre Froide, cela fait froid dans le dos.
Plus qu’un organisme de coopération politique et économique régionale, l’OCS apparaît comme un bloc militaro-politique. Et qui ne manque pas de moyens. A elles deux, la Russie et la Chine possèderaient 3,5 millions d’hommes et quelques 140 sous-marins. Les dernières manifestations de leur puissance militaire ne sont pas passées inaperçues : plutôt offensive en Géorgie pour la Russie, plus policée pour la Chine – Pékin a envoyé ses militaires après le séisme du Sichuan et s’en est servi comme service de sécurité lors des JO.
Derrière le masque d’un bloc géo-stratégique d’émulation économique régionale se cache sans doute un autre visage. Méfiance.
Alexandra Voinchet
[1] La Communauté des Etats Indépendants a été créée en 1991 sur les ruines de l’URSS.
[2] La Mongolie, bien qu’officiellement sortie de la sphère d’influence de Moscou, reste très liée à la Russie de par sa dette colossale envers cette dernière.
[3] L’acronyme BRIC désigne le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine.
[4] En 2005, l’OCS demandait aux Etats-Unis d’évacuer leurs bases établies en Asie centrale depuis le déclenchement de la guerre en Afghanistan.