Mondialisation : de BRIC et de broc…

« BRIC » : Brésil, Russie, Inde, Chine. L’acronyme imaginé au début de la décennie pour désigner les pays à fort potentiel ne pensait pas trouver une si forte acuité. Aujourd’hui, le Monde ne se comprend plus sans ces quatre grandes puissances économiques, politiques, démographiques et même culturelles. Quatre géants – au sens géographique également – qui sont devenus des acteurs de premier plan de la révolution économique que le monde traverse.

Quatre reflets de la mondialisation dans tous ses états.

Petite étude de cas.

Commençons par la fin. La Chine est un pays de contrastes. Cela se voit dans la vie de tous les jours : un seul exemple, l’euphorie olympique a vite balayé l’atermoiement après le terrible séisme qui laisse une province ravagée. Cela se voit dans l’économie qui, après avoir été reléguée au rang d’ « atelier du monde », est partie à la conquête de ce monde en l’inondant de ses produits « Made in China » devenus incontournables. Cela se voit dans l’univers financier dans lequel la Chine s’est taillée une part non négligeable en quelques années seulement. Grâce à ses succès économiques, la Chine est aujourd’hui assise sur un matelas financier confortable qui, en Occident, est à la fois considéré comme inquiétant et salutaire. Autre symbole de ces contrastes : la Bourse qui, après avoir vécu deux années d’envolée, s’est brutalement renversée depuis janvier (près de – 50 % de perte en six mois). Autant de preuves d’un cocktail explosif et du manque de volonté franche et / ou de l’incapacité des autorités à maîtriser une croissance qu’elles jugent elles-mêmes « débridée ».

Ces contrastes on les retrouve également en Inde mais sur davantage sur des questions socio-économico-culturelles – l’Inde possède une des populations les plus hétérogènes au monde. Côté économie nationale, l’éléphant indien avance à son rythme, sans à-coups, depuis son réveil de 2003. Une stratégie qui lui a permis un rattrapage économique notoire – et une croissance de l’ordre de 8 % – et pourrait en faire la troisième puissance économique de la planète en 2025, en théorie. En attendant, le pays est devenu en 2006 « la troisième économie mondiale à parité de pouvoir d’achat » et à prix réels, derrière les Etats-Unis et la Chine, selon l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE). L’Inde est à la croisée des mondes et, malgré quelques faiblesses et indispositions, elle semble posséder tous les ingrédients nécessaires à son décollage. Rendez-vous dans quelques années.

Il sera impossible alors de faire l’impasse sur la Russie. La pieuvre industrielle russe étend ses tentacules. Le Kremlin, qui a la mainmise sur nombre de secteurs de l’économie nationale, déjà assis sur des ressources souterraines qui le mettent en position de force, ne cache pas ses appétits. Il vise les secteurs dits « stratégiques » (hydrocarbure, gaz, métaux, aviation, armement…) quitte à laisser de côté des pans entiers de son économie, pourtant indispensables à la vie de tous les jours. Comme en Chine, les réserves financières s’accumulent – la Chine et la Russie abritent, à eux deux, près des deux tiers des réserves de change des pays émergents, soit quelque 2 000 milliards de dollars. Et comme en Chine, ceux qui en bénéficient ne sont qu’une poignée de privilégiés. Le « modèle russe » crée à la fois les conditions de sa réussite et les aiguillons de son autodestruction. En Russie, se pose très clairement également la question de la « durabilité » et de la « soutenabilité » du modèle.

Enfin, le « géant vert » ne cesse de nous étonner. Loin de partager le qualificatif de conditions économiques « paradisiaques » que donnait il y a peu Lula, il faut reconnaître les efforts du Brésil pour améliorer, à grands coups de « programmes », une situation économico-sociale là encore fortement contrastée. Un parcours salué par le récent relèvement par Standard& Poor’s de la note du Brésil, une belle promotion pour le pays qui devient « crédible », selon le langage des agences de notation.

Ces progrès sont financés par les recettes pétrolières de la major nationale Petrobras et par un important secteur d’entreprises publiques. Et supportés également par la manne verte des biocarburants que « le poumon vert de l’Amérique du Sud » produit depuis les années 1970. Fort de l’adage « il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier », le Brésil mise à la fois sur l’or noir et sur l’or vert.

Avec une croissance de 5,4 % l’an dernier, le rythme brésilien reste plus modeste que ceux qui sont observés en Chine ou en Inde, mais peut-être plus serein.

Penser le monde émergent d’aujourd’hui et le monde développé de demain revient à penser BRIC. Et gageons que ces quatre pays sauront ne pas se faire oublier.

La somme du PIB du Brésil, de la Russie, de l’Inde et de la Chine s’est élevée à 6 858 milliards de dollars l’an passé selon le FMI, dont près de la moitié pour la seule Chine. Soit environ 13 % du PIB mondial et 47 % du PIB des pays émergents et en développement.

Les pays BRIC ont contribué pour près de la moitié à la croissance mondiale ces dernières années, la Chine seule pour un quart.

Ils ont été le moteur du commerce international, construisant leur dynamisme économique en grande partie grâce à l’essor de leurs exportations au cours de la dernière décennie.

Ils sont de véritables champions démographiques, avec 2,78 milliards d’habitants, surreprésentés par les Chinois et les Indiens.

Et ils vont encore nous étonner.

 

Alexandra Voinchet