Euroland, France, euro/dollar : bonjour les dégâts…

L’humeur :

France : bonjour les dégâts…

Et ca continue, encore et encore… Malheureusement, les statistiques relatives à l’économie française se suivent et se ressemblent : elles ne cessent de décrire une activité fragile et de plus en plus moribonde. Cette semaine n’a pas dérogé à cette triste règle. Ainsi, alors qu’elle aurait pu être marquée par la ratification parlementaire de la Loi de Modernisation Economique (LME), cette troisième semaine de juillet restera certainement ancrée dans les esprits comme celle qui a confirmé le plongeon de l’économie française au mieux vers la stagnation, au pire vers la récession.

En effet, après le plongeon de la production industrielle en mai et le nouveau record de déficit extérieur pour le même mois, la consommation en produits manufacturés a reculé de 0,4 % en juin, en dépit du début des soldes. Ainsi, sur l’ensemble du deuxième trimestre, la consommation en produits manufacturés a reculé de 0,04 %. Au-delà du fait que cette baisse intervient après déjà deux trimestres de faible progression (+ 0,17 % au quatrième trimestre 2007 et + 0,11 % au premier de 2008), il faut souligner qu’il s’agit là du premier recul enregistré depuis le troisième trimestre 2004. Dès lors, après avoir déjà stagné au premier trimestre 2008, la consommation totale des ménages au sens des comptes nationaux devrait au moins en faire autant au deuxième trimestre. Dans ce cadre, nous sommes confortés dans notre prévision d’une variation du PIB français proche de zéro, voire légèrement négative, au cours du deuxième trimestre.

Plus globalement, nous sommes malheureusement contraints de rappeler que la faiblesse de la consommation n’est ni nouvelle ni sur le point de s’arrêter. En effet, après s’être endettés massivement pour continuer de consommer fortement, les ménages n’ont aujourd’hui plus les moyens de s’endetter davantage, non seulement parce qu’ils sont financièrement fragilisés, mais aussi parce que les taux d’intérêt sont devenus trop élevés et que les banques sont de plus en plus parcimonieuses dans l’octroi de crédit. En outre, la flambée des cours pétroliers et des prix des biens alimentaires restreint drastiquement le pouvoir d’achat des ménages et leur impose de réduire la voilure sur des biens moins urgents, tels que l’habillement et l’équipement du logement. Enfin, le dégonflement de la bulle immobilière et la baisse de l’activité dans la construction amputent de facto la consommation de biens d’équipement du foyer tout en pesant à la baisse sur les dépenses globales via un effet de richesse négatif. En résumé, la croissance hexagonale ne pourra plus compter sur le moteur de la consommation au moins jusqu’à l’été 2009.

Confirmant ce sombre scénario, le climat des affaires dans l’industrie hexagonale s’est nettement détérioré en juillet. En effet, après avoir réussi tant bien que mal à se maintenir au-dessus de la barre des 100 (qui représente sa moyenne de longue période) depuis 2005, l’indice synthétique de l’enquête INSEE dans l’industrie a désormais cassé cette ligne de résistance. Avec un niveau de 98 en juillet, il retrouve donc un plus bas depuis mai 2005 et se rapproche dangereusement des planchers des années 2003 et 1993, c’est-à-dire les dernières phases de récession ou quasi-récession observées dans l’Hexagone. D’ailleurs, à l’appui de cette triste perspective, la totalité des indicateurs de l’enquête de juillet se dégrade et ce dans la quasi-totalité des secteurs d’activité. Il faut par exemple noter la nouvelle baisse de l’indice relatif à la production passée, ce qui indique que la production industrielle a bien reculé sur l’ensemble du deuxième trimestre, risquant par là même d’entraîner le PIB dans son sillage.

Mais surtout, les plus fortes dégradations sont enregistrées dans les indicateurs avancés de l’activité. A commencer par les perspectives générales de production qui se sont effondrées en juillet à – 34, soit une chute de 19 points sur un seul mois et un écroulement de 38 points depuis décembre dernier. Pour retrouver des effondrements similaires (aussi forts en si peu de temps), il faut remonter à des périodes particulièrement sombres, c’est-à-dire au lendemain du 11 septembre 2001 et juste avant la récession de 1993. Et ce n’est pas tout. Car si, jusqu’à présent, les industriels étaient surtout inquiets sur leurs perspectives générales de production, mais relativement sereins sur les perspectives personnelles, ce n’est plus le cas aujourd’hui. En effet, ces dernières atteignent en juillet un niveau de 2, soit une baisse de 4 points en un mois et de 14 points par rapport à janvier dernier. Enfin, corroborant ces inquiétudes, les carnets de commandes tant étrangers que globaux ont également fortement baissé en juillet, perdant respectivement 7 et 6 points sur un mois et 21 et 20 points depuis le début 2008.

Les secteurs dans lesquels la chute des carnets de commande est la plus marquée sont d’ailleurs les biens d’équipements et les biens de consommation, indiquant par là même que la France est bien en train de perdre ses deux principaux moteurs que sont l’investissement des entreprises et la consommation des ménages. Sachant que l’investissement logement et les exportations ont déjà déposé les armes, il ne reste donc plus grand chose pour soutenir la croissance hexagonale. Et ce d’autant que la nette décélération de l’activité tant dans l’industrie que dans les services et la construction imposera une réduction de l’emploi, avec encore moins de pouvoir d’achat et donc de consommation à la clé. Dans ce cadre, nous sommes contraints de réviser en baisse de 0,1 point nos prévisions de croissance du PIB français, qui sont désormais de 1,5 % cette année et 1,4 % pour l’an prochain, tout en sachant qu’au regard des dernières statistiques publiées, ces prévisions demeurent encore optimistes et pourraient donc bien être à nouveau révisées en baisse dans les prochains mois…

Marc Touati


L’analyse économique de la semaine :

La zone euro en récession.


Ce n’est désormais plus notre prévision, mais une réalité : la zone euro est entrée en récession. En effet, après être déjà passé sous la barre des 50 en juin, l’indice des directeurs d’achat eurolandais a encore chuté en juillet, tant dans l’industrie que dans les services. En atteignant respectivement 47,5 et 48,3, ces indicateurs avancés de l’activité économique globale confirment qu’une baisse du PIB devrait être observée tant au deuxième qu’au troisième trimestre 2008.

Euroland : La récession a déjà commencé.

Sources : Eurostat, Reuters et Datastream

Ce scénario a d’ailleurs été corroboré par le nouveau plongeon des carnets de commandes à l’industrie de la zone euro qui ont chuté de 3,5 % en mai. Leur glissement annuel atteint ainsi – 4,4 %, un plus bas depuis août 2003.

Mesurée en moyenne mobile sur trois mois (de manière à lisser leur évolution extrêmement volatile), le fort repli des carnets de commandes confirme que l’investissement est bien en train de s’effondrer.

Les carnets de commandes plongent à leur tour.

Sources : Eurostat et Datastream

Et ce d’autant que, pays par pays, la situation est tout aussi déplorable. A commencer par l’Allemagne qui avait jusqu’à présent surpris par sa résistance mais qui désormais souffre comme les autres.

Ainsi, l’indice du climat des affaires de l’enquête IFO perd 3,7 points sur le seul mois de juillet. Avec un niveau de 97,5, cet indice se situe même à un plus bas depuis septembre 2005, à une époque où le glissement annuel du PIB allemand était de 1,4 %. Pis, l’indice IFO des perspectives d’activité outre-Rhin a baissé de 4,6 points en juillet. Il atteint ainsi un niveau de 90, soit un plus bas depuis novembre 2002, au début de la dernière récession allemande qui allait notamment se traduire par une baisse du PIB germanique de 1 % entre le quatrième trimestre 2002 et le deuxième de 2003.

Allemagne : la résistance est terminée.

Sources : IFO, Bundesbank et Datastream

Une situation presque similaire est observable dans l’Hexagone. En effet, après avoir réussi tant bien que mal à se maintenir au-dessus de la barre des 100 (qui représente sa moyenne de longue période) depuis 2005, l’indice du climat des affaires de l’enquête INSEE dans l’industrie a désormais cassé cette ligne de résistance. Avec un niveau de 98 en juillet, il retrouve donc un plus bas depuis mai 2005 et se rapproche dangereusement des planchers des années 2003 et 1993, c’est-à-dire les dernières phases de récession ou quasi-récession observées dans l’Hexagone.

France : l’industrie dégringole, la croissance aussi.

Sources : INSEE et Datastream


Dans le même temps, après avoir déjà baissé de 1,8 % en mars-avril, puis rebondi techniquement de 1,7 % en mai (et non pas de 2 % comme annoncé il y a un mois), la consommation des ménages en produits manufacturés a repris le chemin de la baisse dans l’Hexagone, en reculant de 0,4 % en juin. Si ce repli peut paraître limité, il n’en demeure pas moins très inquiétant dans la mesure où il a été enregistré malgré le début des soldes dès le 25 juin, contre par exemple le 27 juin l’an passé. En fait, depuis 1993, c’est seulement la troisième fois que la consommation des ménages recule lors d’un mois de juin (les deux précédentes étant en 1998 et 1999, sachant que pour cette dernière année les soldes n’avaient commencé qu’en juillet).

Le consommateur français lâche prise.

Sources : INSEE et Datastream

D’ailleurs, si la baisse de la consommation de juin s’explique principalement par la chute de 3,8 % des achats d’automobiles, la consommation de textile-cuir (secteur habituellement phare en période de soldes) n’augmente que de 0,6 %. Son glissement annuel repasse ainsi dans le rouge, à – 0,6 %.

Autrement dit, si même pendant la fête des soldes, la consommation n’est pas au rendez-vous, elle risque d’être encore plus moribonde par la suite.

La croissance en Italie : Ciao bella…

Sources : ISAE et Datastream


L’Italie, troisième économie de la zone euro, ne fait guère mieux. Ainsi, le climat des affaires y a reculé de 3,2 points en juillet et atteint à présent un plus bas depuis octobre 2001, c’est-à-dire une période où le PIB italien était en phase de recul. Cette évolution est d’autant plus inquiétante que la confiance des ménages transalpins a atteint en juillet un plus bas depuis 1993.

Mais si l’Italie est malheureusement habituée à l’atonie économique et ne devrait « que » s’enfoncer un peu plus (un peu comme le Portugal d’ailleurs), d’autres pays retrouvent les affres d’une activité en repli pour la première fois depuis 1993. Il s’agit notamment de l’Espagne, mais aussi de l’Irlande et bientôt de la Belgique et des Pays-Bas.

L’Espagne menacée par la récession et le chômage.

Sources : INE et Datastream

Et ce n’est certainement pas les croissances toujours appréciables du Luxembourg, de Chypre, de Malte ou de la Slovénie qui permettront d’inverser la tendance.

Dans ce cadre, le PIB de la zone euro devrait reculer tant au deuxième qu’au troisième trimestre 2008. Sa croissance annuelle moyenne atteindrait ainsi 1,6 % cette année et encore 1,5 % l’an prochain.

La « bonne nouvelle » de cette détérioration résidera dans la baisse de l’euro vers des niveaux plus normaux (c’est-à-dire autour des 1,40 dollar à partir de l’hiver prochain puis 1,30 dans un an), ainsi que dans la baisse des taux de la BCE en fin d’année. D’où un redémarrage potentiel de l’activité à partir du printemps 2009.

Que de temps perdu. Car d’ici là, l’emploi sera réduit drastiquement et le pouvoir d’achat des ménages avec…

 

Marc Touati



Et les marchés dans tout ça ?

Euro/dollar : vers un retour à la normale ?


A côté de la confirmation de l’entrée en récession de la zone euro, l’autre grande nouvelle de la semaine a sans conteste été le pendant financier de cette évolution économique, en l’occurrence le repli de l’euro face au dollar. Ainsi, après avoir dépassé les 1,60 dollar (à 1,6036 précisément, un sommet historique) le 15 juillet dernier, l’euro est repassé sous les 1,57 dollar cette semaine, atteignant un plus bas de 1,5636 le 24 juillet. Ce mouvement a été de pair avec la publication d’indicateurs économiques eurolandais de plus en plus dégradés et avec la baisse des cours du baril, ce dernier ayant même perdu 21 dollars entre son point haut du 3 juillet et son plancher de 124,80 dollars le 23 juillet.

Euro et pétrole : correction ou nouvelle tendance ?

L’extrême volatilité de ces évolutions confirme que les sommets dernièrement atteints tant par le baril que par l’euro sont excessifs et déconnectés de la réalité. La question reste donc de savoir si ces deux grandeurs vont enfin retrouver des niveaux plus normaux dans les prochains mois ou vont restés coincés dans les méandres de l’analyse chartiste et par là même dirigés par des stratégies uniquement spéculatives.

Le décalage entre l’euro et la croissance eurolandaise ne pourra pas s’éterniser.

Sources : Eurostat, Prévisions ACDEFI

Selon nous, si la volatilité devrait rester forte, les marchés semblent désormais plus enclins à favoriser une vision plus en phase avec la réalité économique. Or, cette dernière est notamment marquée par la confirmation de la forte détérioration de l’activité dans la zone euro qui finira bien par impacter significativement l’évolution de l’euro/dollar.

Certes, l’économie américaine restera encore fragile dans les prochains trimestres et continuera de subir de fortes destructions d’emplois, ce qui ne manquera évidemment pas de réduire la marge d’appréciation du dollar.

Néanmoins, après avoir constamment ignoré les risques de récession qui pèsent sur l’Euroland, les investisseurs commencent aujourd’hui à les intégrer et à comprendre par là même que la zone euro ne pourra plus supporter très longtemps un euro aussi fort et des taux d’intérêt monétaires aussi élevés. Reste à savoir si la BCE finira oui ou non par l’admettre également.