Finance et gouvernance mondiale…

Depuis la seconde Guerre Mondiale, le monde a connu 3 phases : la première, jusqu’en 1989, a vu un affrontement entre deux blocs : le bloc capitaliste d’une part, mené par les Etats–Unis et le bloc « socialiste » (on devrait plutôt écrire »communiste »), avec l’URSS comme chef de file d’autre part. Ensuite la chûte du Mur de Berlin a vu l’avènement d’une « hyperpuissance », les Etats-Unis, capable de dicter sa loi au reste du monde (libération du Koweit, croisade « anti-terroriste »,  élargissement de l’Otan, etc.).

Depuis 2003, nous sommes rentrés dans une troisième phase, un monde multipolaire, où les nations retrouvent leur lustre, à la façon de la configuration issue des traités de Westphalie de 1648. Quels en sont les symptômes : tout d’abord, l’émergence de la Chine, rentrée à l’OMC, championne de la croissance économique et hôte des prochains Jeux Olympiques ; ensuite le cavalier seul des Américains en Irak (2003), l’Allemagne et la France s’abstenant de les soutenir ; le renouveau russe mis en scène par Poutine et favorisé par la hausse des prix du pétrole ; enfin le coût d’arrêt à l’Europe  « institutionnalisée » résultant des différents « non » au référendum (France, Pays-Bas, puis, plus récemment, Irlande) et les velléités de l’Iran à se doter de l’arme atomique.

Quelles sont les conséquences de ces évolutions pour la finance ? Dans la période de guerre froide, l’objectif des dirigeants occidentaux a été d’éviter le basculement des pays Européens dans l’économie dirigée, à la soviétique, grâce à l’afflux des capitaux anglo-saxons, à la limitation des expériences socialistes (tolérant « l’économie mixte » à la française ou le « travaillisme » britannique) et à une bonne coordination des politiques économiques nationales, assurée par le G-7 (Etats-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie et Canada) et marquée par les accords du Plaza et ensuite du Louvre.

La deuxième période, après 1989, a vu une offensive du capitalisme américain qui, à travers le développement des marchés financiers, a essayé de répandre le libéralisme économique (privatisations généralisées y compris dans les pays émergents). En retour le FMI et la Banque Mondiale ont participé largement au sauvetage des économies en difficulté (crise asiatique de 1997, et crises russe et brésilienne de 1998).

Aujourd’hui, la gouvernance économique et financière, au niveau mondial, rentre dans une phase délicate. Chaque pays tente de défendre ses propres intérêts : ainsi, les Etats-Unis ne soutiennent pas le dollar et préfèrent baisser leur taux d’intérêt ; la Chine refuse de réévaluer le yuan ; les négociations de Doha (OMC) piétinent ; l’Europe reste divisée, écartelée entre les désirs laxistes des Etats et la rigueur de la B.C.E.

C’est pourquoi les voix de ceux qui réclament plus de règlementations pour contenir de futures crises financières risquent de prêcher dans le désert. En l’absence d’une gouvernance mondiale acceptée par tous, chaque Etat va tenter de s’en sortir par ses propres moyens, ce qui n’augure pas « des lendemains qui chantent ».

 

 

Bernard Marois