La crise : début de la fin ou fin du début ?

La semaine dernière, le club Finance HEC organisait une table ronde sur le thème : « comment sortir de la crise et ses conséquences ? Quelques pistes de réflexion. »

Il est apparu aux yeux de tous que la crise financière, qui s’est annoncée au cours de l’été 2007 par des dépréciations substantielles des portefeuilles de crédit immobilier des grandes banques anglo-saxonnes et suisses, avait trouvé un prolongement logique dans une crise de liquidité bancaire, accompagnée d’une crise immobilière aux Etats-Unis et d’une crise boursière sur tous les marchés d’actions du monde, y compris dans les pays émergents, tel que la Chine.

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Très clairement, la crise est toujours là et s’est étendue à d’autres secteurs : la hausse du prix du pétrole déclenchée par  des déséquilibres entre l’offre (en augmentation limitée) et la demande (en croissance rapide) s’est propagée à l’ensemble des matières premières, et, plus particulièrement aux denrées agricoles, dans la mesure où le basculement des cultures de maïs ou de canne à sucre de l’alimentaire vers la production de bio-carburants, en parallèle avec diverses catastrophes naturelles(sécheresse, inondations, etc.) a propulsé le prix des produits agricoles vers des sommets, déclenchant dans de nombreux pays de véritables « émeutes de la faim ». Cette crise d’approvisionnement de matières premières nous donne à penser que nous ne sommes qu’au début d’un bouleversement de fond qui va remettre en question notre modèle économique actuel.

Quelles en seront les conséquences pour le monde de la finance ?

Très certainement, nous allons assister à une redistribution des rôles. De nouveaux acteurs, inexistants il y a 20 ans, vont exercer une influence croissante.

On pense d’abord aux « hedge funds » ; au nombre de 9500 dans le monde, ils gèrent plus de 1600 milliards de dollars, avec une capacité à accentuer leur puissance, grâce à un effet de levier, compris entre 3 et 4. Ensuite, il faut mentionner les « fonds d’investissement », tels que Carlyle, KKR, Blackstone, TPG, Pardus, Apollo, Permira et autres PAI ; le volume des actifs qu’ils détiennent dépassent les 1200 milliards d’euros et a été multiplié par 100 en quinze ans. Enfin, derniers arrivés, les « fonds souverains » ; les analystes estiment le montant de leurs actifs à environ 2500 milliards de dollars, en rapide augmentation : leur valeur totale pourrait quadrupler d’ici 2015 !

En plus de ces rééquilibrages financiers, nous assisterons certainement à une redistribution des cartes, au niveau géographique. Les pays émergents et, en particulier, les fameux « BRIC » (Brésil, Russie, Inde et Chine), assurent déjà environ 60% de la croissance mondiale. Les grandes sociétés issues de ces pays (citons pour illustrer ce point : Gasprom, Arcelor Mittal, Severstal) se hissent parmi les premiers groupes multinationaux et investissent sur toute la planète. Les pays pétroliers utilisent leur manne pour accélérer leur développement (on pense à Dubaï ou Abu-Dhabi) ; d’ores et déjà, près de la moitié des actifs détenus par les fonds souverains appartiennent à des entités localisées dans les pays de l’OPEP. Voilà les contours que va prendre la nouvelle économie mondiale. A nous de nous préparer intelligemment.

 

 

                                                                                              Bernard MAROIS

                                                                                              Professeur Emeritus HEC