A l’évidence, la France n’a vraiment pas brillé sur la scène européenne au cours du premier semestre 2008 : perte d’une place dans le classement de la croissance européenne, désormais juste derrière le Portugal et juste devant l’Italie qui s’enracine à la dernière place ; dégradation des relations franco-allemandes, par manque d’engagement clair de l’Hexagone en matière de réformes de la dépense publique ; et enfin élimination dès le premier tour de l’Euro 2008 en n’ayant marqué que deux buts, dont un contre son camp…
Mais, c’est promis, du moins au dire de nos dirigeants politiques, tout ceci n’est que de l’histoire ancienne, car la France va nettement se rattraper lors du second semestre au cours duquel elle assurera (pour la douzième fois de son histoire) la Présidence de l’Union européenne. En effet, et comme d’habitude, les promesses françaises sont ambitieuses : canalisation positive de l’immigration, politique active de l’environnement, réforme des Institutions européennes, redéfinition de la stratégie de défense, refonte de la politique agricole commune… Malheureusement, et comme d’habitude également, toutes ces promesses risquent de rester bien loin de la réalité.
Et ce d’autant que le Non au référendum irlandais sur la ratification du traité de Lisbonne ampute de facto la marge de manœuvre de la Présidence française. En effet, tant que le traité de Lisbonne n’aura pas force de loi, le traité de Nice restera la norme, et par là même, toutes les décisions déterminantes ne pourront être adoptées qu’à l’unanimité des 27. Autrement dit, la probabilité de faire avancer la construction européenne reste bien faible.
En outre, le pouvoir de négociation de la France demeure considérablement limité par une piètre crédibilité économique. Cette dernière s’explique principalement par le fait que la France reste le dernier pays eurolandais à refuser de moderniser son économie, notamment en matière de réglementation, de fonctionnement du marché du travail et de rationalisation de la fiscalité et de la dépense publique.
Ainsi, la pression fiscale continue de représenter plus de 44 % du PIB français, soit quatre points de plus que la moyenne eurolandaise. En matière d’imposition du capital, la France se paie même le luxe d’être numéro un européen et certainement mondial. Il est donc clair que tant que cette pression ne sera pas réduite, l’économie française restera engoncée dans la croissance molle.
Pour y arriver, la France doit parallèlement réduire ses dépenses publiques, qui représentent près de 54 % du PIB, là aussi quatre points de plus que la moyenne de la zone euro. Ainsi, pour revenir vers le niveau moyen de ses pairs, la France devrait réduire ses dépenses publiques de 70 milliards. Or, pourtant présentée comme une réforme majeure, la réduction des dépenses annoncée par l’actuel gouvernement n’atteindrait que 7 milliards d’euros à l’horizon 2011… Dans ces conditions, et comme vient d’ailleurs de le souligner une nouvelle fois la Cour des comptes, il est clair que le déficit public restera particulièrement élevé.
En fait, dès cette année, avec une croissance comprise entre 1,5 % et 1,7 %, il devrait avoisiner les 3 % du PIB. Pis, compte tenu d’une croissance avoisinant également les 1,5 % en 2009, aucune amélioration du déficit ne devrait s’observer l’an prochain. Dès lors, l’atteinte d’un équilibre budgétaire en 2012 relève vraiment de la gageure. De même, pâtissant de ces déficits exorbitants, mais aussi du problème croissant du financement de la retraite par répartition à partir de 2012, sans oublier la croissance faible et l’augmentation des taux d’intérêt à long terme, la dette publique devrait progressivement se rapprocher de la barre des 75 % d’ici 2012.
Une question simple survient alors : comment, avec une croissance durablement molle, une pression fiscale prohibitive, des dépenses publiques trop élevées et par là même inefficaces, un déficit non-maîtrisé et une dette publique explosive, la France va-t-elle pouvoir imposer son dictat en matière de politique européenne ? C’est d’ailleurs certainement parce qu’elle est consciente de ce paradoxe et de son manque de crédibilité en matière économique que la France a limité à peau de chagrin le volet économique de sa Présidence.
Et ce, alors qu’il y a tant de chantiers économiques inachevés ou à engager : gouvernance économique et monétaire de l’Union, euro trop fort, constitution d’un véritable budget européen, harmonisation des conditions fiscales et réglementaires, mobilité des capitaux et de la main-d’œuvre… Mais non, que ce soit en France ou dans l’Union européenne, il faudra encore patienter pour engager de profondes réformes et a fortiori des réformes basées sur l’efficacité économiques.
Pour nous consoler, nous pourrons toujours admirer la Tour Eiffel qui, pour fêter la Présidence européenne de la France, sera illuminée en bleu. C’est d’ailleurs certainement LA mesure française que retiendront le plus les Européens au cours des six prochains mois.
L’apport principal de la France à la construction européenne ne sera donc ni dans l’économie ni dans le politique, mais dans le bling bling. On fait ce qu’on peut avec ce qu’on a…
Marc Touati