La peur au ventre.

Remontée des taux de la BCE en juillet, certainement à l’automne pour la Réserve fédérale, américaine, retour des rumeurs sur l’Iran, risque de nouvelle flambée des cours du pétrole, craintes de nouvelles dévalorisations d’actifs pour les banques américaines et européennes, relance de la crise du crédit, notamment via les cartes bancaires, puis assèchement de la consommation, notamment outre-Atlantique, menaces terroristes prises très au sérieux par les autorités chinoises à l’occasion des Jeux Olympiques de Pékin…

Et pour couronner le tout, nous sommes vendredi 13…

A l’évidence, cet été 2008 s’annonce très mal. Après une belle remontée en mai, les marchés boursiers ont d’ailleurs retrouvé le chemin de la baisse, alimentant le moulin des bearish (« baissiers ») et donnant envie aux rares optimistes esseulés de jeter l’éponge.

Finalement, pourquoi ne pas faire comme tout le monde et annoncer une déprime boursière durable, une guerre en Iran, puis un conflit international, des attentats un peu partout dans le monde, une flambée pétrolière durable et par là même un dérapage inflationniste pérenne qui annihilera toutes les chances de fort rebond avant bien longtemps ?

Nous pourrions effectivement adopter ce discours et cesser par là même d’avoir à débattre avec la majorité des intervenants et des observateurs des marchés financiers et de l’économie internationale. Cela serait évidemment pratique mais malhonnête, pour la bonne et simple raison que tel n’est pas notre sentiment et que nous préférons ainsi rester relativement sereins ou plutôt garder l’espoir.

Certes, il serait tout aussi malhonnête de masquer la réalité et de refuser d’admettre que les marchés boursiers demeureront fragiles et très volatiles pendant encore quelques mois, le temps que toutes ces peurs s’apaisent progressivement. En effet, les banques internationales risquent de devoir sortir les derniers cadavres de leurs placards, ce qui ne sera évidemment pas bien pris par les marchés, du moins dans un premier temps.

De même, il faut souligner que le pétrole risque de rester cher jusqu’à la fin de la période des cyclones aux Etats-Unis, que l’inflation restera donc encore élevée pendant cette période, ou encore que la croissance sera de plus en plus molle dans la zone euro.

Cela dit, il nous faut également mettre en exergue que les prémices du rebond sont déjà présents tant sur les marchés financiers que sur l’économie américaine. En effet, avant même que les Américains aient reçus majoritairement leur chèque de crédit d’impôts, les ventes au détail ont déjà bondi de 1 % en mai, et ce après avoir également augmenté de 0,5 % en mars et 0,4 % en avril. Les mauvaises langues diront que l’augmentation du prix de l’essence a mécaniquement gonflé ce chiffre. Pourtant, hors consommation d’essence, les ventes au détail augmentent tout de même de 0,8 % ! De quoi confirmer que la résistance de la consommation des ménages n’était pas simplement un rêve. Bien au contraire, puisque non seulement, celle-ci n’a pas baissé, ni au quatrième trimestre 2007, ni au premier de 2008, mais, bien mieux, commence déjà à rebondir.

Autrement dit, le scénario d’une baisse durable du PIB américain qui était majoritairement annoncé il y a peu a bien fini par fondre comme neige au soleil. Histoire de rappeler que les Cassandres n’ont pas toujours raison. Ainsi, après avoir atteint au moins 1,8 % cette année (contre rappelons-le, 0,5 % annoncé il y a peu par le FMI), la croissance américaine devrait bien retrouver son niveau potentiel à l’horizon 2009, en l’occurrence 3 %.

Dans ce cadre, si les marchés resteront nerveux pendant l’été à venir, qui, comme l’an passé, s’annonce très chaud, ils devraient progressivement retrouver l’espoir au plus tard lors de l’automne prochain. Et ce d’autant que les grands argentiers du G8 apparaissent enfin décidés à relancer le dollar à la hausse, ce qui constitue d’ailleurs la clé de notre avenir. Car si le dollar retrouve des niveaux plus normaux (c’est-à-dire entre 1,30 et 1,40 d’ici la fin 2008), la confiance reviendra sur les marchés boursiers, la spéculation se réduira sur les marchés des matières premières, le baril repartira alors à la baisse, consolidant la croissance mondiale vers des niveaux de 4 à 4,5 %. D’où une nouvelle embellie boursière… et le cercle pernicieux se transformera en cercle vertueux.

Parallèlement, si le secteur bancaire risque de nous réserver encore quelques mauvaises surprises au cours des tous prochains mois, en particulier en Europe, il est clair qu’une fois le cyclone passé, il faudra reconstruire. Ce qui annonce pour 2009 des mouvements de fusions bancaires sans précédent et très surprenants.

La seule ombre à ce tableau réside évidemment dans l’hypothèque de la remontée des taux directeurs de la BCE en juillet prochain. Si tel est le cas, les efforts actuels du G8 pour apprécier le dollar risquent vite de s’avérer vains. Du moins à court terme, car par la suite, la zone euro plongera dans une croissance encore plus molle, voire une récession et l’euro finira par se replier. Tout le problème est que nous pourrions avoir le même résultat sans passer par la case de l’atonie économique, mais malheureusement, ce n’est pas le choix de qui vous savez.

Marc Touati