La France n’est pas un pays facile à gouverner et les Français – trop souvent déçus de leur classe politique – sont depuis longtemps les champions de l’alternance en matière électorale. Ainsi, chaque élection dite intermédiaire se transforme bien souvent en vote sanction vis à vis du pouvoir en place. La réaction de nos compatriotes vis à vis de Nicolas Sarkozy ne déroge pas à la règle, comme l’ont montré les résultats des dernières élections municipales et cantonales.
Concernant les réformes engagées par le Président de le République, le jugement des Français est pour le moins paradoxal. En effet, s’ils sont convaincus de la nécessité des réformes à mettre en place, ils sont en revanche beaucoup plus sceptiques lorsqu’elles les concernent directement et plus encore quand elles menacent leurs acquis. En substance, les Français jugent les réformes nécessaires mais la plupart d’entre eux estiment qu’elles n’amélioreront pas leur situation personnelle. Ainsi, les 55 réformes mises en place par Nicolas Sarkozy apparaissent trop souvent abstraites et diffuses, et nombreux sont ceux qui les vivent plutôt comme des contraintes que comme des solutions pour redresser le pays. En clair, nos compatriotes sont dans l’attente de résultats immédiats et de changements tangibles quant à leur situation personnelle (principalement sur la thématique du pouvoir d’achat). D’où leur manque de confiance actuel en Nicolas Sarkozy.
En effet, le Président a une vision plus long terme de son action et demande à être jugé sur ses résultats à l’issue de son quinquennat. Il voit donc l’ensemble des ses réformes comme un puzzle dont il assemblerait les pièces aussi vite que possible et d’un bloc, rassurant les Français par des messages du type: Attendez 5 ans, vous verrez, « tout se tient ». Malheureusement, trop souvent trompés par des promesses électorales passées, nos compatriotes sont de moins en moins réceptifs à un tel discours. Pour eux, les réformes sont anxiogènes et douloureuses, et ils doutent de leur efficacité présente et future.
Par ailleurs, la personnalité du chef de l’Etat à pu altérer le jugement d’une partie d’entre eux. En effet, une des principales caractéristiques de Nicolas Sarkozy est d’être excessif. Alain Duhamel affirmait d’ailleurs à son sujet: « Son principal talon d’Achille, c’est d’être trop : trop convaincu, trop habile, trop bardé d’arguments imparables, trop passionné (surtout si le sujet s’y prête peu), trop faussement modeste ou trop vraiment décidé à arracher le dernier mot : Nicolas Sarkozy résiste mal à la tentation d’en faire plus que nécessaire » (« Derrière le miroir, les hommes politiques et la télévision » 2001). Ainsi, lorsqu’il dépoussière la fonction présidentielle, le Président a certainement raison sur le fond mais il est allé trop loin et trop vite. Au final, il n’a pas trouvé l’équilibre entre la monarchie républicaine à
Hyper Président et adepte de la personnalisation du pouvoir, il déchaîne les passions, ce qui biaise le jugement … D’ailleurs, les principaux leaders de gauche en mal d’idées sont dans la surenchère permanente de la critique de sa personne. Leur mot d’ordre ressemble à : « j’attaque Sarkozy donc je suis ». Cette stratégie qui n’a pas été payante lors de la campagne ne le sera pas plus aujourd’hui et comme l’affirme François Fillon « la droite continue de mener le débat idéologique ». La gauche devrait profiter du bilan en demi-teinte du Président pour faire entendre sa voix sur de vrais sujets de société (la dette, le déficit, la sécurité sociale, l’écologie…). L’argument vaut d’ailleurs pour Nicolas Sarkozy lui- même qui, pour minimiser ses propres difficultés et défendre son bilan, s’évertue à critiquer ses prédécesseurs et plus particulièrement son meilleur ennemi Jacques Chirac…
La phrase de la semaine :
Jérôme Boué