Nicolas Sarkozy Acte II : le changement dans la continuité.

Nicolas Sarkozy est probablement  l’homme politique le plus doué de sa génération face à la caméra de télévision. Alain Duhamel, spécialiste reconnu du monde politique, a d’ailleurs écrit à son sujet : «Personne – absolument personne – ne prépare aussi méticuleusement que Nicolas Sarkozy une émission de radio ou de télévision.(…) A la télévision comme à la radio, il mériterait d’être consacré meilleur ouvrier de France» ( « Derrière le miroir , les hommes politiques et la télévision » 2001). Nicolas Sarkozy lui même écrivait dans son ouvrage Libre en 2003: «Chaque fois, je préparais mes débats avec une sorte de fièvre, révisant mes dossiers jusqu’à les posséder. (…) Ainsi, j’allais à l’affrontement avec une réponse préparée à chaque question prévisible».

 

Lors de son intervention télévisée ce jeudi 24 avril, le Président a été à la hauteur de sa réputation. Plus détendu qu’à l’ordinaire, il a parfaitement maîtrisé – devant 12 millions de téléspectateurs – cet exercice de 90 minutes qui n’a rien d’une sinécure. Néanmoins, si on analyse les sondages avant l’émission (63 % de confiance et 34 % de défiance) et après l’émission (32 % de confiance et 66 % de défiance selon TNS Sofres), l’intervention présidentielle n’est pas un succès. Pour autant, ce serait une erreur de réduire l’appréciation de Nicolas Sarkozy à une lecture purement comptable des sondages. La réalité est beaucoup plus nuancée.

 

Tout d’abord, il faut garder à l’esprit que jamais une émission de télévision n’a permis d’inverser l’opinion des Français vis à vis d’un homme politique. L’objectif du Président était plutôt de renouer le dialogue avec les Français sur fond d’introspection et de pédagogie. Sur la forme tout d’abord, Nicolas Sarkozy s’est livré à un véritable mea culpa, reconnaissant ses erreurs de communication (TEPA « injustement appelé Paquet fiscal », réforme de la carte de famille nombreuse), le cafouillage des ministres, évoquant même sa vie privée ( «tout est rentré dans l’ordre»). En substance, le Président a fait amende honorable en assumant ses erreurs et s’est imposé comme le chef qui fixe le cap.

 

Sur le fond, on peut dire que le Président a été globalement convaincant sur l’immigration, l’école, la politique étrangère et sur les questions sociales. En revanche, cela devient plus compliqué lorsque l’on aborde le volet économique. En effet, s’il reconnaît qu’en raison du contexte économique mondial, la France subit un  « quadruple choc »: envolée du pétrole, de l’Euro, des matières premières et crises financière (subprimes), il ne prévoit aucune adaptation de son action à cette nouvelle donne. Bien au contraire, Nicolas Sarkozy – qui défend bec et ongles ses 55 réformes – affirme que «tout se tient» et que la France n’a «pas d’alternative pour s’adapter à la mondialisation» que d’accélérer le rythme des réformes qui doivent se faire d’un bloc… Ainsi, à l’exception du RSA (dont le chiffrage n’est pas encore résolu), de l’intéressement défiscalisé pour les salariés des entreprises de moins de 50 salariés, ou la loi de modernisation de l’économie, Nicolas Sarkozy n’a fait aucune nouvelle annonce. En somme, le mal a changé mais les remèdes doivent rester les mêmes, il faut juste renforcer la posologie.

 

Par ailleurs, les résultats du chômage dont le Président se targuait jusqu’ici se sont dégradés en mars, avec une hausse (tendancielle)  de 8200 demandeurs d’emplois. De même, malgré le volontarisme affiché de Nicolas Sarkozy, l’hypothèse annoncée d’un retour à l’équilibre des comptes publics en 2012 est un défi au principe de réalité économique. D’ailleurs, la commission européenne  très critique à l’égard de la politique menée par le gouvernement Fillon  conteste les hypothèses de Paris sur les finances publiques

 ( Bruxelles annonce une hausse du déficit de 2.9 % du PIB en 2008 et 3 % en 2009 ) . Les autres clignotants économiques étant dans le rouge, il semble que le système Sarkozy soit dépendant du retournement de la conjoncture économique mondiale… Plutôt que de subir, le Président devrait réagir et être plus audacieux. Ainsi, nous avons un gisement potentiel d’environ 100 milliards d’Euros d’économies sur les dépenses publiques (soit la différence entre nos 54% PIB contre 47 % pour la moyenne de la zone Euro). De plus, paradoxalement, la période est propice à l’action. En effet, avec une faible cote de popularité, une absence de rival sérieux à droite comme à gauche, et pas de risque de cohabitation dans les 4 ans qui viennent, le Président n’a en réalité rien à perdre…

 

La phrase de la semaine: « Celui qui ne change pas alors qu’il est Président de la République, c’est qu’il n’a pas très bien compris le poids, la difficulté de la mission qui lui a été confiée  » de Nicolas Sarkozy lors de son intervention télévisée du 24 avril .

 

 

rôme Boué