France-Allemagne : Une hirondelle ne fait pas le printemps.

Les industriels allemands et français sont formidables : les matières premières flambent, la croissance mondiale ralentit, l’euro atteint des niveaux prohibitifs, les banques françaises et allemandes se fragilisent, la modernisation de l’économie française s’éloigne de plus en plus, la consommation allemande reste faible… Mais non, rien n’y fait, les chefs d’entreprise des industries franco-allemandes refusent de céder au pessimisme.

Ainsi, après trois mois de baisse, l’indice du climat des affaires de l’enquête INSEE rebondit et gagne deux points en mars. Certes, en atteignant désormais 109, il ne fait que retrouver son niveau de décembre dernier et reste inférieur de 1 point à celui de novembre. Néanmoins, il faut reconnaître que la grande majorité des indices de cette enquête se redresse. A commencer par l’indice de la production passée et celui des carnets de commandes étrangers. De même, après déjà un premier rebond le mois dernier, l’indice IFO du climat des affaires gagne 0,7 point en mars, à 104,8.

Face à cette dichotomie entre le pessimisme des marchés mais aussi des ménages et l’optimisme des chefs d’entreprise, plusieurs questions surviennent : nos industriels sont-ils sous prozac ? Ont-ils profité de l’augmentation récente de l’inflation pour reconstituer leurs marges ? Les enquêtes INSEE et IFO sont-elles vraiment fiables ? S’agit-il finalement d’une revanche de l’économie réelle sur l’économie financière ?

En fait, comme souvent en économie, il n’existe pas de réponse tranchée. Il faut évidemment reconnaître que l’amélioration du climat des affaires en mars surprend et ne paraît pas durable. Selon nous, il s’agirait surtout d’un répit avant la tempête. Car, autant l’économie américaine est en train de toucher le fond, autant les économies françaises, allemandes et eurolandaises au sens large ne sont qu’au début du tunnel. En effet, il va falloir désormais traverser plusieurs obstacles : le ralentissement de la croissance mondiale, l’euro trop fort, la faiblesse du pouvoir d’achat, la nécessaire vérité des comptes des banques françaises et allemandes, le dégonflement de la bulle immobilière en France. Sur ce dernier sujet, il faut d’ailleurs remarquer que la baisse des mises en chantier en France s’est poursuivie en février. Depuis juin dernier, elles chutent ainsi de 33,1 % ! Or, l’expérience américaine récente mais aussi celle de l’Hexagone au début des années 90 nous ont montré que lorsque les mises en chantier s’effondrent, les prix ne tardent pas à suivre.

En d’autres termes, une hirondelle ne fait pas le printemps et il faut rester très prudent face à la bonne surprise de mars. D’ailleurs, il faut souligner que l’enquête INSEE révèle également quelques inquiétudes notables de la part des chefs d’entreprise. Ainsi, si les perspectives générales de production gagnent 3 points en mars, elles restent largement négatives, à – 11, soit 35 points de moins que leur niveau de juin dernier.

Parallèlement, si elles restent positives, les perspectives personnelles de production perdent encore un point en mars, soit six points de moins qu’en novembre. En outre, si les carnets de commandes globaux gagnent quatre points c’est uniquement grâce à l’augmentation équivalente des carnets de commandes étrangers. Ce qui signifie qu’après avoir reculé depuis l’été dernier, la demande intérieure ne progresse plus et reste donc faible. Enfin et surtout, notons que dans les secteurs des biens de consommation et des biens d’équipement, les perspectives personnelles de production baissent fortement : respectivement – 5 et – 8 points, soit pour les biens d’équipement un plus bas depuis début 2006. Autrement dit, tant la consommation que l’investissement risquent de souffrir au cours des prochains trimestres.

Outre-Rhin, il faut aussi noter que les perspectives d’activité n’ont gagné que 0,2 point en mars et restent ainsi inférieures de 6,3 points à leur niveau de mai dernier. De quoi relativiser l’embellie de l’indice global qui, malgré son récent rebond, demeure également inférieur de 4 points à son niveau de décembre 2006.

Dans ces conditions, nous ne sommes aucunement incités à revoir à la hausse nos prévisions et nous confirmons qu’en 2008, la croissance sera d’environ 1,4 % en France et 1,7 % en Allemagne. Le gouvernement français a déjà fait un pas en abaissant ses prévisions dans une fourchette de 1,7%-2%, mais l’ajustement ne fait que commencer.

Marc Touati