Le petit monde des économistes bruisse d’un nouveau mot. Jusqu’à présent, les analystes manipulaient les concepts de « Dragons »[1], « Tigres »[2], NPI[3], BRIC[4], BICS[5], G20[6], G90[7]… Il faut désormais compter sur les « Prochains 13 ».
Qui se cache derrière cette nouvelle étiquette ? Réponse : « les émergents de demain », treize pays capables à terme de faire partie des vingt premières économies mondiales, à en croire les dernières analyses des économistes du Crédit Agricole.
Thaïlande, Indonésie, Mexique, Argentine, Turquie, Afrique du Sud, Nigeria mais aussi Iran, Philippines, Ukraine, Egypte, Malaisie… la liste est relativement hétéroclite. Seuls critères retenus par le Crédit Agricole : la taille de la population et la croissance, « indicateurs de leur potentiel économique ».
Les « 13 » dépassent le milliard d’habitants, soit un peu moins de 17 % de la population mondiale. Ensemble, ils affichent un PIB de 3 567 milliards de dollars, soit 6,7 % du PIB mondial et 24 % du PIB des pays en voie de développement. Leur PIB agrégé a été multiplié par trois depuis 1990, selon les calculs de l’étude. Et leur rythme de croissance devrait cette année encore tourner autour de 7 %.
Pris un par un, leur réalité chiffrée est plus disparate. En termes de population, l’Indonésie compte plus de 220 millions d’habitants contre un peu plus de 46 millions en Ukraine. En termes de PIB, le Mexique a engrangé 886,4 milliards de dollars américains en 2007 contre un peu moins de 70 pour le Vietnam. Et l’on pourrait s’amuser encore longtemps au jeu des différences. Du coup, la variété des données questionne quant à l’étroitesse des critères retenus.
Ces pays sont on ne peut plus « hétérogènes par la structure de leurs économies (…), leur niveau de développement humain, la qualité de leur gouvernance et bien d’autres points encore », notent les experts du Crédit Agricole. « Certains sont producteurs et exportateurs de pétrole et de gaz, d’autres en sont importateurs. Certains ont un secteur industriel, et manufacturier, relativement bien diversifié et compétitif, d’autres pas. Certains profitent d’une rapide croissance du crédit bancaire, d’autres pâtissent de son atonie »…
Leurs points communs – puisqu’ils en ont bien tout de même : tous sont « pleinement engagés dans la mondialisation ». La libéralisation progressive du commerce mondial sous la houlette du GATT puis de l’OMC a été un vecteur de croissance des pays émergents. La dérégulation financière depuis les années 1980 et la liberté nouvelle des mouvements de capitaux ont été des facteurs essentiels dans le financement du développement de cette catégorie de pays.
« Tous présentent un potentiel de croissance et de développement important », note également l’étude.
Tous aussi devront affronter un certain nombre de défis.
Chaque pays a des atouts et des freins. Toutefois, parmi ces nouvelles économies appelées à jouer un rôle mondial, certaines sont mieux loties que d’autres pour « émerger ». Au Nigeria, les tensions ethno-communautaires mettent à mal la manne pétrolière. Malgré leur avantage géographique,
Le chiffre « 13 » leur portera-t-il chance ? Leurs aînés, les BRIC, affichent aujourd’hui de belles réussites économiques. Brésil, Russie, Inde et Chine pèsent 13 % du PIB mondial. Mais c’est sans compter les coûts humains, sociaux, environnementaux, culturels qu’une croissance tirée à bout de bras a engendrés. Or dans ces quatre pays, il reste encore beaucoup à faire pour assurer un « développement durable », dans tous les sens du terme.
L’exemple de la transformation des BRIC est lourd d’enseignements. Nonobstant, il est à étudier au regard d’un contexte spécifique. Contexte qui pourrait bien être en plein bouleversement. Le monde est en train de muter, brusquement et profondément. Et, car nul ne se construit seul, la situation macroéconomique des pays émergents ne saurait rester indemne à la conjoncture mondiale.
Les menaces se multiplient. Ralentissement des pays industrialisés, volatilité excessive des marchés, demande mondiale en berne… de quoi faire replonger ceux qui essaient de sortir de l’eau (du lot !). 2008 pourrait être l’année de tous les dangers si d’américaine la crise financière devenait mondiale. Le FMI a mis en garde contre tout ralentissement de la croissance dans les économies émergentes. « Les économies des pays industrialisées et des pays émergents sont comme deux chevaux attelés ensemble. Si l’un d’entre eux est fatigué, l’autre peut tirer la charge pendant un moment. Mais si l’un s’arrête complètement, aucun des deux n’ira très loin », a averti Dominique Strauss-Khan en février dernier. Or qui veut voyager loin ménage sa monture …
Alexandra Voinchet
[1] Les « Dragons asiatiques » regroupent
[2] Les « Tigres asiatiques » sont
[3] NPI = Nouveaux Pays Industrialisés. Désigne les pays qui, dans les années 1960, figuraient parmi les pays en développement. Cette liste non officielle regroupe les « Dragons », les « Tigres » asiatiques et parfois les « Jaguars » (Mexique et Brésil).
[4] BRIC = Brésil, Russie, Inde, Chine. Acronyme créé par Goldman Sachs.
[5] BICS = Brésil, Inde, Chine, Afrique du Sud
[6] Le Groupe des 20 est un forum créé en 1999 qui compte dans sa liste les membres du G8 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni et Russie) ainsi que les grandes économies émergentes (Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Chine, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Mexique et Turquie), en plus d’un représentant de l’Union Européenne.
[7] Le G90 regroupe les pays ACP (Afrique, Caraïbes, pacifique), les PMA (Pays les Moins Avancés) et ceux de l’Union Africaine (qui entrent déjà bien souvent dans les deux précédentes catégories).
… La liste des abréviations et autres concepts du genre est encore bien longue.