Fed-BCE : il y a bien un pilote dans l’avion, nous attendons le copilote.

Il s’agit d’un événement peu commun : pour l’une des rares fois au cours des vingt dernières années, la Réserve fédérale américaine n’a pas « obéi » au consensus de marchés. En effet, alors que ce dernier anticipait une baisse du taux objectif des federal funds de 100 points de base, la Fed a finalement réduit ce dernier de « seulement » 0,75 point. Mieux, deux des membres du conseil de politique monétaire ont voté contre cette nouvelle baisse massive.

En fait, cette décision nous apparaît idéale. Et ce, principalement parce qu’elle montre que la Fed fera tout pour éviter une forte récession américaine, mais aussi parce qu’elle confirme que la panique n’est plus à l’ordre du jour et, par là même, que l’espoir redevient possible. Autrement dit, il y a bien un pilote dans l’avion qui, certes, ne maîtrise pas encore complètement les commandes, mais qui apprend très vite. A l’instar de son prédécesseur Alan Greenspan qui avait commencé sa carrière de Président de la Fed par le krach d’octobre 1987, Ben Bernanke passe donc son baptême du feu et devrait en sortir grandi.

Certes, la crise n’est pas terminée. Ainsi, il est quasiment acquis que le PIB américain reculera d’environ 1 % en rythme annualisé au premier trimestre et qu’il devrait connaître une croissance proche de zéro au deuxième trimestre. Néanmoins, compte tenu du fort assouplissement monétaire des derniers mois, mais aussi du plan de relance budgétaire, sans oublier la faiblesse excessive du dollar, la croissance américaine devrait repartir nettement dès le troisième trimestre et avoisiner, selon nos projections, les 4 % en rythme annualisé.

Historiquement et comme le montre le graphique ci-dessous, il faut d’ailleurs savoir que la croissance américaine a toujours réagi positivement à un fort assouplissement monétaire, avec généralement six à neuf mois de décalage. En d’autres termes, la baisse du taux des fonds fédéraux de septembre dernier commence seulement à agir sur l’activité américaine, qui ne profitera à plein des autres assouplissements qu’à partir de l’été prochain, pour ensuite repartir de plus en plus haut. Et ce d’autant que la Fed baissera encore ses taux jusqu’à 1,75 % le 30 avril avant de les remonter à partir de l’automne prochain.

En attendant et après une période de forte volatilité qui durera encore deux à trois mois, notamment dans le secteur bancaire, les marchés boursiers devraient ainsi reprendre des couleurs à partir de juin prochain.

En fait, aussi étonnant que cela puisse paraître, le détonateur de cette reprise devrait être la BCE. En effet, si les marchés savent désormais qu’il y a bien un pilote dans l’avion, il n’y a toujours pas de copilote ou du moins il reste les yeux rivés sur la jauge d’inflation sans se rendre compte que l’altitude chute dangereusement.

Dès lors, à partir du moment où la BCE réalisera que la croissance eurolandaise est en train de s’écrouler et que les banques eurolandaises sont au moins autant fragilisées que leurs homologues américaines, elle baissera son taux refi, en juin selon nous. Les investisseurs internationaux pourront alors être vraiment rassurés. Ils atténueront donc leur comportement de spéculation sur les matières premières et sur l’euro pour revenir à leur métier de base : l’investissement boursier.

Le fond du trou est donc bien en train d’être atteint sur le front de la croissance américaine et des marchés boursiers. En revanche, il ne sera touché qu’en fin d’année voire en 2009 en matière de croissance eurolandaise. La triste expérience de 2002-2003 (rebond américain et plongeon eurolandais) est donc en train de se répéter.

Marc Touati

La baisse des taux jouera forcément à la hausse sur la croissance