La crise financière qui nous vient des Etats-Unis continue de s’aggraver de jour en jour avec l’annonce le week-end dernier du rachat en catastrophe d’une des grande banque d’affaires américaines, Bear Stearns, au bord de la faillite… Pouvez-vous nous rappeler en quelques mots l’origine de cette crise?
Il faut se souvenir que le marché immobilier américain a commencé à baisser courant 2006 après avoir commis certains excès spéculatifs… Ce dégonflement de la bulle immobilière a mis sous pression certains ménages qui avaient pris d’importants crédits et qui ont été poussés à la faillite. De nombreux établissements prêteurs ont été rattrapés par cette purge et ont chuté… L’effet boule de neige s’est enchaîné de façon assez classique. Cela aurait pu s’arrêter là si les établissements bancaires n’avaient pas recyclé entre eux ces titres de créances qui rapportaient beaucoup mais qui étaient risqués (ce qu’on appelle la titrisation)… C’est ce qu’on appelle la crise des “subprimes”. Ces crédits à risque se sont accumulés et ont infecté tout le système financier, ces titres ne valant plus grand chose au fur et à mesure que les emprunteurs faisaient défaut…
Ce qui a accentué aussi la purge boursière?
Oui, plusieurs crises se sont superposées, mais tout est lié désormais… L’accélération de la crise boursière l’été dernier a précipité la chute de certains acteurs, jusqu’à la reprise récente de Bear Stearns par JP Morgan dans des conditions de crise extrême.
On paie en quelques sortes les nombreux excès spéculatifs de ces dernières années?
Tout à fait, c’est un réajustement brutal… On paie les excès commis en termes de titrisation. Je ne crois pas au scénario du type 1929 mais je vois plus un scénario de crise financière classique…Nous sommes dans l’oeil du cyclone, avec une vraie crise de confiance qui secoue tout le secteur financier. Là où je suis plus serein c’est en regardant les bilans des grandes entreprises industrielles qui sont plutôt sains… ce qui devrait amortir les conséquences de cette purge sur l’économie réelle…
La crise qui a rattrapé Bear Stearns peut-elle infecter d’autres établissements?
C’est un risque… La confiance est très fragile dans le secteur bancaire… Tout peut aller très vite en matière de confiance dans le contexte actuel… Nous sommes confrontés à une vraie crise de liquidité. C’est pourquoi les banques centrales alimentent largement le marché pour permettre aux banques de se refinancer alors que la suspicion pétrifie le mécanisme de prêts entre les banques elles-mêmes…
Vous replacez la crise de la Société Générale dans ce contexte?
Oui, c’est une mauvaise gestion du risque. La Société Générale était très active sur des produits à risque… Le retour de balancier est assez logique.
Vous ne croyez donc pas au scénario catastrophe qui verrait la purge financière précipiter les économies mondiales dans une situation de crise profonde?
Non, je ne crois pas au scénario catastrophe. Mais je pense malgré tout que certaines erreurs ont été commises et continuent à être commises, en particulier de la part de la BCE… La Réserve Fédérale a réagi trop tard face à la correction du marché immobilier et la Banque centrale européenne persiste dans son entêtement à vouloir maintenir ses taux directeurs inchangés pour défendre l’inflation qui n’est pas le véritable ennemi qu’il faut combattre…
“La balle est donc dans le camp de la BCE”
La Fed a pourtant baissé ses taux à partir de l’été dernier…
Il aurait fallu le faire il y a un an! Il y avait déjà des signes importants de correction… Ben Bernanke, le patron de la Réserve Fédérale, a fait une erreur d’anticipation et a dû ensuite corriger le tir et rattraper le retard en assouplissant à la hâte sa politique monétaire… Maintenant, sachant que les effets de la baisse des taux mettent entre 6 à 9 mois à se répercuter dans l’économie réelle, on ne verra les conséquences de ce relâchement du crédit qu’au troisième trimestre. Les Etats-Unis seront dans le rouge en termes d’activité sur le premier trimestre et tout juste à l’équilibre au second…
Vous avez aussi la dent dure vis-à-vis de la BCE et de Jean-Claude Trichet…
La BCE se trompe clairement d’ennemi! En persistant à maintenir ses taux directeurs inchangés, la Banque centrale européenne provoque une flambée de l’euro, qui est de mieux en mieux rémunéré face au dollar, et pousse à l’inversion de la courbe des taux, ce qui rend le métier de prêteur délicat! Pire, en faisant monter l’euro face au billet vert elle alimente la spéculation en faveur de la hausse des cours du brut…
Mais la BCE justifie son attitude par la hausse récente de l’inflation à plus de 3% dans la zone euro…
Si sa stratégie était la bonne, l’inflation aurait baissé! La BCE lutte contre une hausse des prix qui est liée à des facteurs exogènes, à commencer par la flambée des matières premières… La hausse des prix n’est en rien liée à la demande… la politique de la BCE est donc non seulement inefficace mais aussi contre-productive et dangereuse… On risque de se diriger vers une situation de stagflation en Europe, c’est-à-dire, une conjoncture en panne de croissance mais avec de l’inflation… A mon avis, la France verra son PIB augmenter au mieux de 1,4% sur 2008…
La baisse du dollar proche des 1,60/euro n’est-elle pas l’élément le plus inquiétant pour les entreprises exportatrices?
Pour les grands exportateurs, ces niveaux n’ont pas été anticipés. Ces cours dépassent l’entendement et ne peuvent pas être couverts par les entreprises, alors que l’on devrait être plutôt autour des 1,20 en termes réels… L’euro doit baisser, la balle est donc dans le camp de la BCE.
C’est la seule solution selon vous?
La BCE doit impérativement baisser ses taux directeurs. Je pense qu’elle finira par le faire avant l’été, sans doute en juin prochain… quand les premiers signes de fléchissement économique en provenance d’Allemagne seront validés… L’euro pourra alors baisser et les marchés financiers pourront rebondir.
Il faut se souvenir que le marché immobilier américain a commencé à baisser courant 2006 après avoir commis certains excès spéculatifs… Ce dégonflement de la bulle immobilière a mis sous pression certains ménages qui avaient pris d’importants crédits et qui ont été poussés à la faillite. De nombreux établissements prêteurs ont été rattrapés par cette purge et ont chuté… L’effet boule de neige s’est enchaîné de façon assez classique. Cela aurait pu s’arrêter là si les établissements bancaires n’avaient pas recyclé entre eux ces titres de créances qui rapportaient beaucoup mais qui étaient risqués (ce qu’on appelle la titrisation)… C’est ce qu’on appelle la crise des “subprimes”. Ces crédits à risque se sont accumulés et ont infecté tout le système financier, ces titres ne valant plus grand chose au fur et à mesure que les emprunteurs faisaient défaut…
Ce qui a accentué aussi la purge boursière?
Oui, plusieurs crises se sont superposées, mais tout est lié désormais… L’accélération de la crise boursière l’été dernier a précipité la chute de certains acteurs, jusqu’à la reprise récente de Bear Stearns par JP Morgan dans des conditions de crise extrême.
On paie en quelques sortes les nombreux excès spéculatifs de ces dernières années?
Tout à fait, c’est un réajustement brutal… On paie les excès commis en termes de titrisation. Je ne crois pas au scénario du type 1929 mais je vois plus un scénario de crise financière classique…Nous sommes dans l’oeil du cyclone, avec une vraie crise de confiance qui secoue tout le secteur financier. Là où je suis plus serein c’est en regardant les bilans des grandes entreprises industrielles qui sont plutôt sains… ce qui devrait amortir les conséquences de cette purge sur l’économie réelle…
La crise qui a rattrapé Bear Stearns peut-elle infecter d’autres établissements?
C’est un risque… La confiance est très fragile dans le secteur bancaire… Tout peut aller très vite en matière de confiance dans le contexte actuel… Nous sommes confrontés à une vraie crise de liquidité. C’est pourquoi les banques centrales alimentent largement le marché pour permettre aux banques de se refinancer alors que la suspicion pétrifie le mécanisme de prêts entre les banques elles-mêmes…
Vous replacez la crise de la Société Générale dans ce contexte?
Oui, c’est une mauvaise gestion du risque. La Société Générale était très active sur des produits à risque… Le retour de balancier est assez logique.
Vous ne croyez donc pas au scénario catastrophe qui verrait la purge financière précipiter les économies mondiales dans une situation de crise profonde?
Non, je ne crois pas au scénario catastrophe. Mais je pense malgré tout que certaines erreurs ont été commises et continuent à être commises, en particulier de la part de la BCE… La Réserve Fédérale a réagi trop tard face à la correction du marché immobilier et la Banque centrale européenne persiste dans son entêtement à vouloir maintenir ses taux directeurs inchangés pour défendre l’inflation qui n’est pas le véritable ennemi qu’il faut combattre…
“La balle est donc dans le camp de la BCE”
La Fed a pourtant baissé ses taux à partir de l’été dernier…
Il aurait fallu le faire il y a un an! Il y avait déjà des signes importants de correction… Ben Bernanke, le patron de la Réserve Fédérale, a fait une erreur d’anticipation et a dû ensuite corriger le tir et rattraper le retard en assouplissant à la hâte sa politique monétaire… Maintenant, sachant que les effets de la baisse des taux mettent entre 6 à 9 mois à se répercuter dans l’économie réelle, on ne verra les conséquences de ce relâchement du crédit qu’au troisième trimestre. Les Etats-Unis seront dans le rouge en termes d’activité sur le premier trimestre et tout juste à l’équilibre au second…
Vous avez aussi la dent dure vis-à-vis de la BCE et de Jean-Claude Trichet…
La BCE se trompe clairement d’ennemi! En persistant à maintenir ses taux directeurs inchangés, la Banque centrale européenne provoque une flambée de l’euro, qui est de mieux en mieux rémunéré face au dollar, et pousse à l’inversion de la courbe des taux, ce qui rend le métier de prêteur délicat! Pire, en faisant monter l’euro face au billet vert elle alimente la spéculation en faveur de la hausse des cours du brut…
Mais la BCE justifie son attitude par la hausse récente de l’inflation à plus de 3% dans la zone euro…
Si sa stratégie était la bonne, l’inflation aurait baissé! La BCE lutte contre une hausse des prix qui est liée à des facteurs exogènes, à commencer par la flambée des matières premières… La hausse des prix n’est en rien liée à la demande… la politique de la BCE est donc non seulement inefficace mais aussi contre-productive et dangereuse… On risque de se diriger vers une situation de stagflation en Europe, c’est-à-dire, une conjoncture en panne de croissance mais avec de l’inflation… A mon avis, la France verra son PIB augmenter au mieux de 1,4% sur 2008…
La baisse du dollar proche des 1,60/euro n’est-elle pas l’élément le plus inquiétant pour les entreprises exportatrices?
Pour les grands exportateurs, ces niveaux n’ont pas été anticipés. Ces cours dépassent l’entendement et ne peuvent pas être couverts par les entreprises, alors que l’on devrait être plutôt autour des 1,20 en termes réels… L’euro doit baisser, la balle est donc dans le camp de la BCE.
C’est la seule solution selon vous?
La BCE doit impérativement baisser ses taux directeurs. Je pense qu’elle finira par le faire avant l’été, sans doute en juin prochain… quand les premiers signes de fléchissement économique en provenance d’Allemagne seront validés… L’euro pourra alors baisser et les marchés financiers pourront rebondir.