Réformer sans rigueur mais avec vigueur !

Les élections municipales passées, le gouvernement français n’a désormais plus d’excuses (à compter que les municipales en fussent une) pour ne pas s’engager (enfin !) dans la rupture tant annoncée et pour l’instant largement oubliée. Certes, quelques réformettes ont bien été menées, mais leur impact sur la croissance structurelle de l’économie française reste particulièrement faible et/ou ont été obtenues aux prix de concessions fort coûteuses.

Ainsi, dire (comme l’ont fait à maintes reprises de nombreux ministres) que la suppression de l’imposition des successions a ou va fortement relancer la croissance et redonner confiance aux ménages notamment les plus modestes tient de la gageure. D’abord parce que tous les Français n’ont pas eu le malheur (ou la chance, dans l’optique gouvernementale de soutien à la croissance…) de subir un décès de ses proches parents dans les derniers mois, mais aussi parce que les successions étaient déjà défiscalisées à hauteur de 76.000 euros pour les conjoints et de 50 000 pour les enfants. Or, la probabilité de trouver des ménages modestes qui recevraient des héritages par personne supérieurs à ces sommes est particulièrement faible. De même, mettre en exergue la pseudo-réforme des régimes spéciaux est un peu osé, notamment lorsque l’on sait qu’elle coûtera plus chère à la SNCF que l’ancien système.

Bref, la rupture n’est vraiment pas là. Les mauvaises langues diront alors que si, fort de son succès aux Présidentielles, Nicolas Sarkozy n’a pas tout de suite engagé des réformes massives, ce n’est pas maintenant, au plus bas dans les sondages et encore affaiblie par des élections municipales difficiles, qu’il va s’y atteler. Et ce, d’autant que, plus les mois passent, plus la croissance reste molle et plus le déficit public risque d’atteindre la barre des 3 % du PIB cette année. Ce qui ferait évidemment désordre alors que la France va prendre la Présidence de l’Union Européenne en juillet prochain. C’est d’ailleurs ce qui a amené certains à annoncer la nécessité et par là même l’imminence d’une rigueur dans l’Hexagone.

Telle n’est ni notre recommandation ni notre prévision. En effet, s’engager dans une rigueur, par exemple en augmentant la CSG ou autres, serait suicidaire. Non seulement pour la cote de popularité des dirigeants français, mais surtout pour l’économie hexagonale. Déjà particulièrement affaiblie, cette dernière ne s’en remettrait pas et sa croissance tomberait vers les 1 %. Ce qui ne manquerait évidemment pas d’aggraver le pessimisme des ménages, mais aussi des entreprises, faisant peser de graves risques sur la stabilité sociale du pays.

Bien loin de ce triste scénario (qui n’est certes pas impossible), nous soutenons qu’il est tout à fait envisageable de réformer en profondeur l’économie française sans rigueur mais au contraire en relançant cette dernière. Car il est clair que, sans relance, la croissance ne repartira pas de sitôt.

Pour ce faire, il suffit d’agir sur ce qui casse l’économie hexagonale depuis des décennies, en l’occurrence l’excessive pression fiscale qui pèse sur les entreprises et les ménages dans leur ensemble. En effet, n’oublions pas que les prélèvements obligatoires représentent 45 % du PIB français, soit 4 points de plus que la moyenne de la zone euro. Dès lors, si l’on veut simplement s’ajuster sur la situation de base de nos proches partenaires, il faut réduire la pression fiscale d’environ 60 milliards d’euros au plus vite. Impossible ? Loin s’en faut. Il suffit de le vouloir. Car, bien entendu, à dépenses inchangées, une telle stratégie se traduirait par un creusement massif de notre déficit public. Voilà pourquoi, en plus de baisser la pression fiscale pour tous (les entreprises, les ménages, favorisés et modestes), il faudra dans le même temps réduire drastiquement la dépense publique.

Et ce non en réduisant les dépenses de santé, mais simplement en introduisant une certaine efficacité des dépenses publiques au sens large. A commencer par les dépenses de fonctionnement qui, au cours des six dernières années, ont augmenté d’environ 12 milliards d’euros par an. Ce qui signifie que si de telles sommes avaient été économisées, la puissance publique aurait disposé d’une « cagnotte » de l’ordre de 70 milliards d’euros, soit un peu plus que le trop plein fiscal dont souffre la France.

Mais c’est justement là que le bât blesse : depuis des années, pour ne pas dire des décennies, nos différents gouvernements nous ont tous assurés que les dépenses de fonctionnement n’augmenteraient plus ou du moins pas plus que l’inflation. Or, non seulement elles augmentent en valeur, mais aussi en volume (c’est-à-dire sans inflation). Autrement dit, tant que nos dirigeants n’auront pas le courage de dire aux Français la vérité, mais aussi de leur donner du grains à moudre (d’où la nécessité de baisser la pression fiscale pour tous, seul moyen crédible d’augmenter aujourd’hui le pouvoir d’achat des citoyens), tout en réduisant les dépenses de fonctionnement de toutes les administrations publiques, l’économie française sera bloquée.

Arrêtons donc de dire que les Français ne sont pas prêts pour les réformes, car dans leur grande majorité, ils le sont. En revanche, tel est loin d’être le cas pour la classe politique française, toutes couleurs confondues. Espérons donc qu’un jour, cela changera et que le courage politique prendra le pas sur les contingences politiciennes et le dérapage « souhaité » (par beaucoup plus de personnes qu’on ne croît) des dépenses publiques. L’espoir fait vivre…