Mondialisation : Bienvenido en Cuba

Visez le paradoxe : c’est un pays fermé, communiste, qui accueille une conférence économique mondiale cette semaine.

Des indices ? Cet Etat est en fait une île de 110 000 km². Peuplée de 11 millions d’habitants, elle possède un taux d’analphabétisme très bas pour une économie de sa sorte. Le pouvoir a été dominé jusqu’à très récemment par un seul et même homme, un leader charismatique, aux manettes depuis 1959. La censure y est encore forte. Son territoire abrite une célèbre prison. Vous l’aurez trouvé… il s’agit de Cuba.

La Havane héberge cette semaine une « Conférence économique internationale sur la mondialisation et le développement », organisée par l’Association nationale cubaine  des Economistes et qui rassemble quelque 1 000 experts venant 52 pays dont le Prix Nobel d’Economie 1999, le Canadien Robert Mundell.

Crise des « subprimes » alors que les menaces de récession pèsent toujours sur les Etats-Unis ; intégration régionale en Amérique du Sud alors même que les tensions sont vives entre la Colombie, l’Equateur et le Venezuela ; négociations du commerce mondial alors que le cycle de Doha à l’OMC piétine … Cuba entend se pencher au chevet d’une globalisation qui déchante.

Et, à en croire, le président de l’association organisatrice, c’est Fidel Castro lui-même qui a créé ce rendez-vous il y a dix ans. Et de planter le décor : cette conférence doit être le lieu privilégié pour « penser, échanger, chercher, parmi les alternatives, la plus humaine, la plus juste, celle qui fasse de la mondialisation non pas une circonstance de la modernité que nous nous efforcerions tous de diriger mais la conséquence d’une histoire perfectible que la rationalité et la connaissance universelles peuvent convertir en une chance offerte à tous et pas seulement à une poignée d’élus ». Beau résumé !

Mais cette conférence n’est pas qu’un rendez-vous intellectuel pour réfléchir au sort de la mondialisation. Elle sert aussi une campagne de séduction menée par Cuba à l’égard de ses partenaires étrangers. Et, chose étonnante, ses organisateurs ne s’en cachent pas : « nous savons combien d’obstacles s’ajoutent à la campagne de discrédit dont est victime la Révolution cubaine depuis que la construction d’une nation souveraine et indépendante a été décidée. Cette campagne a pris un tour plus féroce depuis quelques semaines, étant données la capacité et la volonté de notre peuple de maintenir et défendre la voie socialiste du développement, en dépit des millions (de dollars, ndlr) et des pressions mis en œuvre par l’actuelle administration américaine pour replonger dans le passé et nous ramener aux temps du protectorat et de la néo-colonisation, état proche duquel nous étions il y a 60 ans[1]. Nous espérons que votre séjour chez nous vous aide à dépasser ces barrières et à connaître et comprendre pourquoi nous sommes heureux et fiers de vous recevoir ».

A quelque chose près, on se croirait revenu aux temps de la Révolution russe de 1917 quand les bolcheviques organisaient pour la presse occidentale des visites guidées très codifiées, pour montrer ce que le pouvoir révolutionnaire voulait bien montrer. 90 ans plus tard, Cuba, devenue une destination touristique très prisée, présente deux visages bien différents : celui des hôtels de luxe pour Occidentaux et celui des « barrios » (quartiers, ndlr) miséreux et des migrants cubains risquant leur vie pour rejoindre par l’eau la Floride.

A Cuba, la mondialisation présente clairement sa dualité voire sa schizophrénie.

 

Alexandra Voinchet



[1] A noter que Cuba est toujours sous le coup d’un embargo économique, commercial et financier de la part des Etats-Unis, embargo en vigueur depuis février 1962, en réponse alors au rapprochement entre Cuba et l’Union soviétique. Malgré tout, les Etats-Unis sont un partenaire économique essentiel pour Cuba, preuve que cet embargo, parfois nommé « blocus » à La Havane, est relatif.