La fin détend…

Comme nous l’évoquions il y a deux semaines dans cette même rubrique, il est de plus en plus difficile de garder espoir quant à l’évolution de la croissance mondiale et des marchés boursiers internationaux. Au fil des jours, les bataillons de « bearish » se garnissent et les résistants à ce pessimisme généralisé se font de plus en plus rares.

Même Warren Buffett, qui, il y a encore quelques semaines, avait déclaré que le pire était passé et qu’il était désormais temps de revenir sur les marchés boursiers, a fait un virage à 180 degrés, indiquant à présent que la récession américaine est déjà là, qu’elle va s’aggraver, que le dollar va encore chuter et les marchés boursiers dégringoler. A l’évidence, l’oracle d’Omaha n’a vraisemblablement pas digéré le refus de son plan de 800 milliards de dollars proposé pour « sauver » les obligations municipales. De là à jeter dans un mouvement de colère le bébé avec l’eau du bain, il n’y avait qu’un pas, Monsieur Buffett l’a fait !

Lui emboîtant le pas, de nombreux économistes, prévisionnistes et plus globalement une grande majorité d’intervenants sur les marchés ne jurent désormais plus que par le bear market, se disputant le rôle du plus catastrophiste : pour certains, l’économie américaine va donc s’écrouler dans une récession sans précédent, pour d’autres, le krach de 1929 apparaîtra comme une partie de plaisir comparativement à la crise boursière et économique que nous allons connaître dans les prochains mois…

En attendant de sombrer dans un tel marasme, nous devons, dès aujourd’hui, faire face à ce que Keynes appelait les « animal spirits », rendus notamment célèbres par l’allégorie du concours de beauté utilisée pour « modéliser » le fonctionnement des marchés. En effet, dans un climat de forte incertitude (comme c’est le cas aujourd’hui, c’est le moins que l’on puisse dire), les investisseurs ne vont certainement pas prendre le risque de sortir du consensus, préférant avoir tort avec tout le monde que raison tout seul.

Ainsi, à l’instar du concours de beauté au cours duquel les membres du jury ne votent pas pour la personne qu’ils trouvent la plus belle mais pour celle qu’ils pensent que les autres vont élire, les marchés votent aujourd’hui majoritairement pour le « côté obscur de la force ». Pour s’en apercevoir, il suffit d’écouter les « stratèges » des banques anglo-saxonnes ou tout simplement de lire le Financial Times qui, à ce rythme, va d’ailleurs bientôt être vendu avec du prozac pour éviter de perdre ses lecteurs par suicide…

Pis, supposés nous éclairer et/ou nous rassurer, les banquiers centraux semblent aller dans le même sens : Ben Bernanke, de plus en plus maladroit, annonce ainsi devant le Congrès qu’il n’est sûr de rien et que certaines banques de petite taille pourraient faire faillite. Nous sommes décidemment très loin du charisme d’Alan Greenspan…

Quant à Jean-Claude Trichet, il continue d’ignorer la réalité en refusant la moindre inflexion de sa politique monétaire. Son argument est simple : les méchants spéculateurs doivent payer et il est donc hors de question de les aider en desserrant l’étreinte monétaire de la BCE. Le problème réside néanmoins dans le fait que le coût de l’actuelle politique eurolandaise ne sera pas supportée par les spéculateurs mais par l’économie réelle, c’est-à-dire par des ménages et des entreprises qui n’ont aucune responsabilité dans les errements des marchés.

Entre une Fed qui est prête à baisser ses taux par dépit sans trop savoir où elle va et une BCE qui sait où elle va, c’est-à-dire dans le mur, il est donc possible de conclure qu’il n’y a plus de pilote sérieux dans l’avion.

Dans ce cadre, le dollar ne peut évidemment que s’écrouler, le baril flamber, les marchés boursiers plonger, aggravant le moral des acteurs économiques et affaiblissant une croissance déjà fragile, d’où une nouvelle vague de baisse des marchés actions, du billet vert… et le cercle pernicieux continue. En d’autres termes, le scénario du pire risque de devenir auto-réalisateur. La fin des temps serait donc bien pour demain…

Néanmoins, quitte à rester, comme en 2002-2003, parmi les derniers résistants au pessimisme noir, nous préférons plutôt regarder plus loin, c’est-à-dire vers le second semestre 2008 et a fortiori la fin d’année. Car, à partir de mai-juin prochains, l’économie américaine commencera à bénéficier du policy mix accommodant et par là même à rebondir. Dès lors, les investisseurs se ressaisiront et reprendront le sens des réalités et des responsabilités, en délaissant les stratégies court-termistes et la spéculation sur les marchés de matières premières pour retrouver leur rôle, à savoir le financement de l’économie. De quoi relancer l’économie américaine et les marchés dès l’été prochain, mouvement qui s’amplifiera en fin d’année.

C’est pourquoi, plutôt que d’annoncer un scénario catastrophe évidemment possible mais loin d’être certain, nous anticipons que la fin 2008 nous permettra de retrouver l’espoir et par là même de nous détendre. Nous pourrons alors dire que la fin des temps aura donc bien été évitée en 2008 et qualifier plutôt cette année par trois autres mots : la fin détend…