C’est fait ! Après quelques semaines de repli et de répit, les marchés ont finalement réussi à atteindre un de leurs objectifs tant attendus depuis des mois, en l’occurrence le franchissement de la barre des 1,50 dollar : il faut donc désormais « débourser » 1,52 dollar pour se procurer un euro.
Une fois de plus, les stratégies chartistes, spéculatives et court-termistes ont pris le dessus sur les fondamentaux économiques. En effet, peu importe que le niveau économique justifié de l’euro soit de 1,05 dollar selon la parité des pouvoirs d’achat. Peu importe que celui obtenu par le calcul du Natrex (Natural Exchange Rate, c’est-à-dire le niveau d’équilibre au regard des différences de soldes des comptes courants, d’épargne et de croissance entre les Etats-Unis et la zone euro) soit compris entre 1,15 et 1,20 dollar. Peu importe également que, sur les trente dernières années, le niveau moyen de l’euro/dollar soit de 1,13. Peu importe enfin que cet euro excessivement cher et, réciproquement, ce dollar de combat accentuent le ralentissement eurolandais et permettent à l’économie américaine de redémarrer encore plus fort. Et ce, sachant que cette dernière dispose déjà des soutiens majeurs du fort assouplissement monétaire de
Non, tout ça n’est rien à côté de la volonté des marchés, ou plutôt de leur manque de discernement économique. Certes, les marchés ayant toujours raison, du moins à court terme, c’est plutôt nous qui sommes actuellement dans l’erreur. Dans ce cadre, il faut reconnaître qu’il pourrait être tentant de jeter aux orties nos précédentes prévisions de baisse de l’euro à partir du printemps-été 2008 et de suivre le troupeau en annonçant, nous-aussi, que l’euro se dirige tout droit vers les 1,60 dollar et pourquoi pas vers les 2 dollars… D’ailleurs, les arguments consensuels ne manquent pas : l’économie américaine est en déclin,
Oui, nous pourrions retourner nos vestes et adopter un tel discours qui nous permettrait de rester bien au chaud au coin du feu consensuel. Mais, soyez rassurés : nous ne le ferons pas. Pour la simple raison qu’en dehors du vent spéculatif qui balaie les marchés depuis bientôt un an, aucun argument économiquement viable ne peut justifier l’actuel niveau de l’euro face au dollar. A commencer par le comparatif de croissance entre les Etats-Unis et la zone euro. Certes, en 2007, cet écart a été de 0,5 à l’avantage de l’Euroland. Mais, faut-il rappeler qu’au cours des cinq années précédentes, cette différence a été de 6,5 points à l’avantage de l’Oncle Sam ? De même, doit-on souligner une nouvelle fois que, depuis la fin des années 90, la croissance structurelle américaine avoisine les 3,2 %, contre 1,8 % pour celle de la zone euro ?
D’ailleurs, il ne faut pas oublier que ce n’est pas une monnaie forte qui engendre une croissance forte, mais qu’au contraire c’est une croissance forte qui permet de supporter une monnaie forte. Ainsi, même si les exportations allemandes sont peu sensibles à la variation de l’euro (du moins jusqu’à présent), la croissance eurolandaise sera amputée d’environ 0,5 point à cause du renchérissement récent de l’euro. En outre, elle devra affronter toute une série de désagréments particulièrement coûteux : ralentissement de la croissance mondiale, atonie durable de la consommation en Allemagne, dégonflement de la bulle immobilière en France et en Espagne, nouvelle crise économico-politique en Italie, sans parler de l’absence de réforme de l’économie française qui risque d’entraîner cette dernière dans une nouvelle spirale de croissance encore plus faible, suscitant par là même les critiques justifiées de ses voisins et engendrant un risque de désordre politique au sein de la zone euro.
Parallèlement, il faut souligner que