Mondialisation : Insoluble agriculture…

Palais des Expositions, Porte de Versailles. Samedi. Veaux, vaches, cochons, couvées… Comme chaque année, l’agriculture française a repris ses quartiers dans la capitale. En bonne Auvergnate, cette exposition d’animaux bichonnés et lustrés et ces alignements de stands mettant à l’honneur nos terroirs – difficilement accessibles vue la foule de curieux et de personnalités qui paradent dans les allées –, me font sourire. En bonne compatriote, je ne peux m’empêcher de penser : « et la mondialisation dans tout cela ? »

Au Salon de l’Agriculture, la globalisation est à la fois présente et absente. A la fois en marche et redoutée. Dans l’agriculture aussi, la mondialisation est duale et empreinte de manichéisme.

Nous pourrions facilement lister les externalités positives qu’induit la globalisation dans le domaine. Nous tendons vers une « agriculture mondiale », où les frontières ont de moins en moins de sens. David Ricardo y verrait là le cadre parfait pour mettre en œuvre sa théorie des avantages comparatifs, modèle théorique devant faire émerger une économie compétitive.

Mondialisation signifie également partage des connaissances, des compétences, des technologies pour une agriculture « raisonnée ». Un partage qui, dans le meilleur des mondes, se ferait au profit des plus démunis, encore victimes de la faim.

Une agriculture mondialisée se veut également plus productive, avec des rendements à même de satisfaire les besoins croissants d’une population toujours plus nombreuse et qui découvre de nouvelles habitudes alimentaires.

Elle offre enfin un réservoir de nouvelles ressources pour participer au développement durable de la planète, alors que se développe la recherche d’énergies alternatives aux énergies fossiles, très polluantes et de plus en plus rares.

Mais nous pouvons tout aussi facilement lister les externalités négatives qui correspondent à chacun de ces points. Les frontières restent bien ancrées dans les mentalités, dès lors difficile de ne pas réfléchir en terme national, surtout en ce qui touche à la terre. N’en déplaise à Ricardo, les réticences à changer de modèle agricole sont nombreuses – il suffit de voir, rien que chez nous, les oppositions et les craintes du monde rural. Et l’on reste au milieu du guet : les matières premières agricoles vont là où la demande est la plus forte et la plus « armée » financièrement – d’où des flux entre pays riches – alors que, chez les plus nécessiteux, les cultures vivrières ne parviennent plus à l’auto-suffisance alimentaire ou, pis, ont été abandonnées. Les pays en développement ne sont pas forcément les gagnants de la libéralisation agricole prônée par l’Organisation Mondiale du Commerce et combattue depuis Cancún par certains poids lourds du Sud – le G20 dénonce le protectionnisme des pays du Nord et, en particulier, son système de subventions.

Haro sur l’ « agriculture industrielle », synonyme de risques sanitaires – pensons aux polémiques sur les OGM, les pesticides… – et environnementaux, diront certains.

Last but not least, la mode est à l’agriculture à des fins énergétiques or son développement pose des problèmes de concurrence dans l’usage des terres agricoles à destination de l’alimentation et peut se faire au détriment de la population, de l’économie et de l’environnement locaux. « Les agrocarburants, chance ou risque ? » : la question mériterait d’être tranchée avant qu’il ne soit trop tard et alors même que sont tirées les premières sonnettes d’alarme.

Thèse. Antithèse. Pour la synthèse, c’est en revanche plus ardu. Un début de réponse est peut-être à trouver dans les allées de ce Salon de l’Agriculture qui, cette année, développe une thématique encore inédite : « L’agriculture, fournisseur de nouvelles énergies ». « Alimentation, environnement et territoire, débouchés non alimentaires, trois défis pour l’agriculture de demain », résument les organisateurs du Salon.

En quittant cette « ferme géante » samedi soir, j’en ai conclu que l’agriculture était « insoluble » dans la mondialisation, sous les deux acceptions du terme. L’agriculture, heureusement, ne peut pas être dissoute dans la globalisation. Mais comment résoudre un problème « insoluble » ?

 

Alexandra Voinchet