L’humeur :
Le secrétaire d’Etat chargé du commerce extérieur a beau nous avoir prévenus quelques heures avant, l’atteinte d’un déficit extérieur de plus de 39 milliards d’euros en 2007 reste une claque majeure pour l’économie française. Et ce, d’autant qu’il y a encore quelques mois, les dirigeants politiques hexagonaux annonçaient que le creusement du déficit commercial devrait progressivement se réduire…
En lieu et place de cette réduction annoncée, c’est au contraire une aggravation et surtout la succession de records historiques qui ont été observés !
Ainsi, en atteignant, 39,171 milliards d’euros l’an passé, le déficit français pulvérise ses précédents records et en particulier celui de 2006 qui était déjà de 28,238 milliards d’euros.
Imputer ce creusement au seul déficit énergétique serait évidemment pratique, mais serait surtout fallacieux. Et pour cause : entre 2006 et 2007, le déficit énergétique français a été… réduit de 1,3 milliard d’euros, à 45,2 milliards contre 46,5 en 2006 ! Il s’agit pourtant là des chiffres officiels des Douanes que M. Novelli n’a peut-être pas eu le temps de consulter avant d’annoncer que la dégradation du commerce extérieur français était principalement due à notre déficit énergétique…
A ce compte de vouloir masquer les réalités qui dérangent, il serait peut-être tout aussi opportun de regarder notre déficit « propre », c’est-à-dire hors matériel militaire et là, attention les dégâts, puisque ce déficit atteint 54,867 milliards d’euros !
De même, si l’évolution de l’euro a évidemment affecté négativement notre déficit extérieur, il faut également noter que notre déficit se dégrade dangereusement avec la plupart de nos partenaires eurolandais. A commencer par l’Allemagne, vis-à-vis de laquelle, notre déficit passe de 13,5 milliards en 2006 à 17,9 milliards en 2007. Au total, le déficit français avec l’ensemble de la zone euro atteint un nouveau sommet historique de 23,963 milliards d’euros.
Autrement dit, il ne sert à rien de vouloir trouver des boucs émissaires : le déficit extérieur français est devenu structurel et n’est pas près de se résorber.
En effet, nos exportations sont tout simplement mal spécialisées tant sectoriellement que géographiquement, c’est-à-dire trop peu tournées vers les biens d’équipement et la high tech et trop à destination de la zone euro, qui est l’une des lanternes rouges de la croissance mondiale depuis 2002.
De même, près de la moitié de nos dépenses de consommation en biens manufacturés sont absorbées par les importations, pas seulement parce que ces dernières sont moins chères, mais aussi parce que de plus en plus de produits de grande consommation (notamment dans l’électronique, l’informatique et la high tech) ne sont tout simplement plus fabriqués en France.
Pour redresser la barre, il ne servira à rien de colmater les brèches, d’ajouter des aides mal utilisées pour l’exportation ou encore de faire
Voilà pourquoi les entreprises françaises continuent de vendre à l’étranger, sans augmenter les exportations de l’Hexagone. Tant que l’économie française ne sera pas modernisée, comme l’ont été l’économie allemande et l’ensemble des économies développées, il sera vain d’annoncer une réduction rapide de notre déficit extérieur. Celui-ci dépassera donc les 40 milliards d’euros dans les tous prochains mois et pourrait même atteindre les 45 milliards en 2008 !
Des contre-performances qu’il faut évidemment comparer à l’excédent commercial record enregistré par l’Allemagne en 2007, à près de 200 milliards d’euros !
Mais ce grand écart entre déficit français et excédent allemand n’est pas seulement l’apanage du commerce extérieur. On le retrouve également sur le front des comptes publics, puisque l’Allemagne a dégagé un excédent public de 70 millions d’euros, contre, de ce côté du Rhin, un déficit d’environ 47 milliards d’euros, soit 2,5 % du PIB français.
Pour 2008, compte tenu du ralentissement économique généralisé, l’Allemagne devrait certes renouer avec un déficit, mais d’environ 1,5 % du PIB, contre 3 % dans l’Hexagone, donc très loin des promesses annoncées.
Ce n’est donc pas de déficits jumeaux dont
Marc Touati
L’analyse économique de la semaine :
Malgré ces excellents indicateurs de performance économique et face au risque de contagion dans une économie mondiale globalisée, on peut se demander si
A cette question, de nombreux « spécialistes » répondent par
Nous ne partageons pas cette analyse et ce pour plusieurs raisons :
Tout d’abord, il faut souligner que le moteur de
De plus, il faut tordre le cou à l’idée d’une trop forte dépendance de
Ensuite, les exportations chinoises sont montées en gamme, et sont constituées d’équipements industriels de qualité dans une proportion croissante (50% en 2007 contre moins de 30 % en 1997). Ces exportations sont donc moins exposées à une baisse de la consommation des ménages qu’à un ralentissement global de l’investissement productif, qui continue d’ailleurs de résister outre-Atlantique.
Par ailleurs, c’est grâce aux ventes vers l’Asie que l’industrie américaine compense certaines des ses difficultés sur le marché intérieur. A titre d’exemple, General Motors a enregistré un record historique de ventes alors que les immatriculations de ses modèles chutaient de 11 % sur un an en Novembre aux Etats Unis.
Quant à l’Europe, elle profite également de la locomotive chinoise. Ainsi, il faut noter que si l’on exclut les échanges entre les pays membres,
Tous ces éléments nous amènent à penser que
Jérôme Boué
Et les marchés dans tout ça ?
Alors que
Certes,
En outre, avec une inflation de 2,1 % et de 1,4 % hors énergie et produits alimentaires,
Piètre consolation pour nos amis britanniques,
Certes, Jean-Claude Trichet ne parle plus de hausse des taux, comme le mois dernier, ni même de « strong vigilance ». Encore heureux ! Néanmoins, il confirme que, malgré les risques évidents sur la croissance, le principal danger demeure une forte augmentation de l’inflation.
S’il est donc possible de percevoir une très légère inflexion du discours « hawkish » des derniers mois, il apparaît également que
Malheureusement, il sera trop tard, non seulement parce que toute action de politique monétaire prend six à neuf mois pour agir sur l’activité mais aussi, parce que d’ici là, la croissance de la zone euro va baisser de plus en plus, atteignant un glissement annuel de 1,5 % dès le premier trimestre 2008. D’ailleurs, dès la semaine prochaine, Eurostat devrait annoncer que la croissance de la zone euro a été d’environ 0,1 % sur le quatrième trimestre 2007…
Vers une baisse du taux refi trop tardive pour mai.
Prévisions 2008 : ACDEFI
C’est bien là qu’est tout le problème : vouloir soigner le corps est une bonne chose, mais il faut d’abord s’assurer que le cœur n’a pas cessé de battre. Autrement dit, à quoi bon vouloir limiter l’inflation, alors que la croissance est atone.
En conclusion : comme en 2002-2003, la zone euro va donc une nouvelle fois mourir guérie.
Marc Touati
Les évènements à suivre du 11 au 15 février :
Croissance presque nulle pour la zone euro.
Cette semaine économico-statistique sera particulièrement dense, avec pas moins de dix publications déterminantes et une quarantaine au total.
Il faudra notamment surveiller les comptes nationaux du quatrième trimestre des principaux pays de la zone euro (jeudi), ainsi que les ventes au détail, le déficit commercial et la production industrielle aux Etats-Unis (respectivement mercredi, jeudi, vendredi).
Lundi 11 février, 8h45 (heure de Paris) : hausse corrective de la production industrielle française.
Après avoir baissé de 1,3 % en septembre, rebondi de 2,1 % en octobre, pour rechuter de 1,5 % en novembre, la production industrielle française devrait progresser d’environ 1 % en décembre. Néanmoins, il ne s’agira que d’une pause avant une nouvelle baisse en janvier. De quoi confirmer que l’activité économique du quatrième trimestre 2007 et du premier de 2008 sera particulièrement molle.
Mardi 12 février, 11h : nouvelle baisse de l’indice ZEW outre-Rhin.
Après huit de baisse continue, l’indice ZEW du moral des investisseurs financiers allemands devrait quasiment stagner en février. Il atteindrait ainsi un niveau de – 42, contre – 41,6 en janvier, soit tout de même 64 points de baisse depuis mai dernier ! En outre, soulignons que de tels niveaux n’ont plus été atteints depuis la récession de 1993.
- La France en triple déficit…
- Croissance presque nulle pour la zone euro.