-6,8 % lundi, +2,1 % mardi, -4,3 % mercredi, + 6 % jeudi… A l’instar de l’ensemble des indices boursiers internationaux, le Cac 40 a vraiment connu une semaine folle. Et ce, d’autant qu’au cours des deux semaines précédentes, il avait déjà enregistré une extrême volatilité, baissant de 6,5 %. Depuis le début de l’année 2007, l’indice phare de la place de Paris essuie ainsi un plongeon de 12,5 %.
Une question simple s’impose alors : pourquoi ? La réponse généralement répandue et admise par le plus grand nombre est presque toute aussi simple : la crise du subprime commence à contaminer l’économie américaine qui va plonger dans une grave récession et entraîner l’ensemble de la planète avec elle. Dès lors, les profits des entreprises vont s’écrouler, d’où une forte et nécessaire dépréciation de la valeur des actions.
Pour ne rien arranger, depuis quelques mois, l’essentiel des échanges opérés sur les bourses internationales est principalement le fait de hedge funds et autres investisseurs spéculatifs, qui vivent essentiellement de la volatilité. Celle-ci s’en trouve ainsi mécaniquement aggravée.
Dans ce contexte de craintes et d’extrême incertitude, un vent de panique s’est alors emparé de l’ensemble des investisseurs, depuis le petit porteur jusqu’aux grandes maisons de gestion (heureusement pas toutes). Si bien que seul le pessimisme a le droit de cité et que toute nouvelle est forcément analysée négativement. Tel a tout d’abord été le cas du plan de relance annoncé par l’administration Bush, qui est certes encore très flou mais avoisine tout de même les 150 milliards de dollars, soit 1 % du PIB américain. Ensuite, la décision de la Fed de baisser ses taux directeurs de 75 points de base en une seule journée et en dehors du cadre normal du FOMC a été perçue comme un geste de panique de Ben Bernanke et a ainsi alimenté les craintes de récession outre-Atlantique. Enfin, les résultats plutôt corrects des entreprises américaines de technologie ont également été analysés comme un dernier baroud d’honneur avant une inévitable correction. Bref, tout est prétexte à broyer du noir.
Pourtant, même s’il est évidemment difficile de lutter contre le vent et au risque de prêter le flanc à la critique, il nous paraît primordial de rappeler que le mini-krach qui a dernièrement secoué les marchés boursiers internationaux est peut-être justifié sur la base du chartisme, du mimétisme ou de ce que Keynes appelait les animal spirits, mais certainement pas au regard des fondamentaux économiques mondiaux, qui sont loin d’être si négatifs que certains l’annoncent ou voudraient qu’ils soient.
Certes, la bulle immobilière est bien en train de se dégonfler aux Etats-Unis. Certes, le système bancaire mondial n’est pas à l’abri de nouvelles secousses (le triste exemple de la Société Générale en est l’illustration parfaite). Certes, enfin, la croissance mondiale va bien ralentir en 2008.
Néanmoins, de nombreux autres facteurs rationnels et objectifs indiquent que le pire est loin d’être certain. Tout d’abord, il est instructif de noter que, s’il inquiétait à outrance il y a encore quelques semaines lorsqu’il atteignait les 100 dollars, le baril, en baisse aujourd’hui, ne rassure personne. Une fois encore, noir c’est noir.
Ensuite, même s’il est loin d’être parfait, il faut souligner que le plan fiscal annoncé par Georges Bush devrait se traduire par un « chèque-cadeau » d’environ 800 dollars pour les ménages américains, contre 300 dollars en 2001. De même, si la politique de la Fed inquiète certains, sa volonté d’aller vite et au maximum de ses possibilités pour éviter la récession portera forcément ses fruits dans les tous prochains mois (cf. notre « analyse marchés » de la semaine).
Enfin, la croissance dans les pays émergents reste solide, les liquidités mondiales restent fortes, notamment dans le monde dit « émergent », ce qui permettra à de nombreux investisseurs de faire des achats boursiers conséquents dans les prochains mois avec, qui plus est, des prix défiants toute concurrence…
Dans ces conditions, l’économie américaine devrait donc bien éviter la forte récession tant annoncée et la croissance mondiale devrait légèrement dépasser les 4 % cette année. Quant aux résultats des entreprises, s’ils connaîtront encore quelques mois difficiles, notamment dans les banques, la réduction des coûts et la bonne tenue de la croissance mondiale devraient permettre de les relancer d’ici à la fin d’année, soutenant par là même les cours boursiers.
En fait, notre seule vraie inquiétude réside dans la croissance de la zone euro qui, comme l’a dernièrement confirmé M. Trichet, ne pourra pas compter à court terme sur un soutien de la politique monétaire et devra en plus pâtir d’un euro toujours trop fort et d’une pression fiscale trop élevée.
Ainsi, nous nous apprêtons à revivre la triste expérience des années 2002-2003. A l’époque, un peu comme aujourd’hui, la plupart des prévisionnistes annonçaient un écroulement de l’économie américaine et une croissance soutenue dans la zone euro. Mais tel ne fut pas le cas, puisque la croissance américaine rebondit dès 2002, tandis que celle de l’Euroland continua de s’affaisser pour ne redémarrer temporairement qu’en 2006.
Nous confirmons donc notre scénario 2008 d’un rebond américain, d’une amélioration des marchés boursiers à partir du printemps-été et d’un nouveau ralentissement de la croissance eurolandaise. Une fois encore, ce seront donc bien les Eurolandais qui seront les dindons de la farce. Mais, comme dirait Monsieur Trichet, ce n’est pas grave, puisque l’inflation restera faible…
Marc Touati