Question de : DANIEL74
L’Euro n’a-t-il pas la même valeur en Allemagne, en Espagne qu’en France ? Ce garde-fou devant la carence de nos dirigeants depuis 30 ans, est-il protection ou précipice ?
Il est clair que l’euro agit comme un protecteur face aux dérapages français. Si l’euro n’existait pas, le creusement de la dette publique française et le refus de la France de réduire ses déficits auraient généré des attaques spéculatives contre le franc. Pour défendre ce dernier, la Banque de France aurait alors dû augmenter ses taux directeurs, entraînant une hausse des taux longs et par là même un net repli de la croissance, voire une récession. En revanche, il faut aussi reconnaître que la création de l’euro est toujours loin d’avoir atteint son objectif, en l’occurrence, créer une zone de croissance forte et durable.
Question de : Michelmuizon
Avant l’arrivée de l’Euro, nous avions l’habitude des fluctuations monétaires (dans les années 1970, dévaluations du franc, ré-évaluations du Mark, valeur du dollar fluctuant de 4 à 10 francs, etc.). On peut saluer les avantages apportés par l’Euro, mais quand même, peut-on longtemps se gargariser d’une monnaie européenne forte et laisser les Américains et les Chinois rire sous cape, sans réagir ? En quoi le maintien d’une parité raisonnable entre notre monnaie et celles précitées serait-il un péché ? Allons plus loin : pourquoi ne pas instaurer (en attendant la création d’une monnaie mondiale) un système automatique mondial de maintient des parités, accepté par les principaux pays ?
Pourquoi pas ? Vous avez tout à fait raison, il n’est plus acceptable de subir un niveau de l’euro si coûteux. Malheureusement, il n’existe pas de volonté politique dans la zone euro pour contrer cette appréciation et mettre toutes les chances du côté de
En outre, il ne faut pas oublier que la zone euro est toujours loin d’être terminée. En effet, la réussite de l’UEM était conditionnée à la réalisation rapide d’une Europe mieux intégrée, avec une vraie harmonisation des conditions réglementaires et fiscales, mais aussi avec un budget eurolandais digne de ce nom. A l’évidence, nous en sommes toujours très loin et sommes donc condamnés à subir le dogmatisme de nos dirigeants monétaires.
Il serait effectivement possible d’envisager une meilleure coordination en matière de change. Certes, pas forcément une stabilité des taux de change car ceux-ci doivent évoluer en fonction des fondamentaux économiques, mais des accords réguliers type ceux du Louvre ou du Plazza pour permettre d’éviter des coûts économiques trop lourds de devises trop déconnectées de leurs niveaux d’équilibre.
Question de: steve65
On parle beaucoup de l’euro fort en France mais est-ce que le véritable problème n’est pas la faiblesse du dollar ? Est-ce que les autorités américaines n’ont pas intérêt en ce moment à laisser filer leur monnaie ? Et si oui, que peut faire l’Europe ? Même constat d’impuissance quand on parle de la parité euro/yuan. On a vu plusieurs responsables européens aller en Chine pour essayer d’obtenir une réévaluation et ils se sont fait envoyer sur les roses .
Bien entendu, la hausse de l’euro est avant tout une baisse du dollar. Néanmoins, l’euro atteint également des sommets face aux autres devises, et notamment vis-à-vis de la livre sterling. Il y a donc bien une appréciation intrinsèque de l’euro liée notamment au refus de la BCE d’assouplir sa politique monétaire, alors que toutes les autres banques centrales du monde occidentale (Fed, Banque d’Angleterre, Banque du Canada) ont compris qu’il était de leur devoir de baisser leurs taux directeurs de manière à éviter la récession.
Dans le même temps, l’absence de gouvernement eurolandais et de volonté politique eurolandaise forte en faveur d’un euro moins cher permettent aux marchés de continuer à spéculer à la hausse sur l’euro. Malheureusement, cette appréciation excessive aura un coût économique. Et c’est à ce moment là que l’euro repartira à la baisse, mais il sera trop tard : le mal aura déjà été fait et la zone euro se sera déjà enlisée de nouveau dans la croissance molle.
Quant à l’euro/yuan, il est clair qu’il ne peut être qu’une conséquence de l’évolution du dollar. A ce sujet, il est illusoire de croire qu’un jour les Chinois vont convertir leurs réserves de change en euro. Leurs transactions restant en dollars, les Chinois n’ont aucunement intérêt à acheter massivement des euros, surtout au cours actuel.
Question de : jackadit
La BCE vous donne-t-elle l’impression de lutter suffisamment contre la hausse de l’euro ? L’obsession de Jean-Claude Trichet concernant l’inflation est-elle justifiée ? Faut-il remette en cause l’indépendance de la BCE comme le fait Nicolas Sarkozy?
La BCE doit absolument rester indépendante. Il en va de sa crédibilité et de celle de la zone euro. Néanmoins, indépendance ne veut pas dire irresponsabilité. Ainsi, la Fed est bien indépendante du pouvoir mais doit rendre des comptes tous les six mois au Congrès américains. A l’inverse, la BCE n’a aucun compte à rendre à personne.
Si la Fed ni la BCE n’ont d’objectif de taux de change (et ce à juste titre), elles doivent néanmoins se soucier de l’inflation et de
Le problème principale de la BCE est donc lié à une mauvaise interprétation du Traité ou plus précisément à une vision du monde trop monétariste. Ainsi, il faut savoir accepter que les dangers actuels ne sont pas ceux des années 70 ou 80, que le risque principal qui nous menace n’est pas l’inflation par la demande (l’inflation actuelle est effectivement due à des facteurs exogènes –pétrole et matières alimentaires- sur lesquels la BCE n’a aucun pouvoir), mais la croissance molle.
Question de : Gecko
Peut-il y avoir une seule bonne valeur de l’euro alors que la zone compte plus d’une douzaine de pays avec des situations différentes, que ce soit en terme de croissance interne, d’inflation ou d’échanges extérieurs?
C’est là qu’est le problème essentiel de la zone euro : elle n’est pas une zone monétaire optimale, c’est-à-dire une zone dans laquelle il n’existerait pas de chocs asymétriques notamment grâce à une parfaite mobilité des capitaux, des marchandises et surtout de la main-d’œuvre. Comme nous l’évoquions plus haut, la zone euro n’étant pas terminée, elle ne peut pas encore connaître le succès. D’où le fait que le même niveau de l’euro n’a pas les mêmes conséquences selon les différents pays de la zone .
Question de : le quebecois
Une parité entre l’euro et le dollar est il envisageable à long terme ou se dirige-t-on vers un euro à deux dollars ou plus?
Sur le long terme, l’économiste doit rappeler les bons niveaux de l’euro/dollar au regard des réalités économiques. Il s’agit ainsi d’environ 1,05 dollar pour un euro selon la parité des pouvoirs d’achat et de 1,15 selon le Natrex, c’est-à-dire en fonction des fondamentaux économiques (épargne, balance courante, croissance). Sur les trente dernières années, le niveau moyen de l’euro est d’ailleurs de 1,13 dollar pour un euro (avant 1999, nous utilisons l’écu).
Autrement dit, d’ici deux ans, l’euro devrait revenir vers des niveaux de 1,20 mais certainement pas les 2 dollars, ou alors cela signifierait que tant les économies américaine et eurolandaise s’écrouleraient.
Question de : Licence4
La parité euro-dollar est-elle toujours le reflet fidèle de la force respective des économies européenne et américaine ? On nous explique en effet aujourd’hui que le dollar est faible à cause du ralentissement économique des Etats-Unis et que l’euro est fort parce que la croissance y est plus vigoureuse ? Or je n’ai pas l’impression que la croissance de la France soit forcément très exemplaire. La véritable raison n’est-elle pas que les Etats-Unis ont toujours vécu à crédit, en faisant financer leurs déficits par les autres pays, et que cela se voit aujourd’hui beaucoup plus avec la crise financière ?
Les principales raisons de la baisse du dollar face à l’euro sont liées au différentiel de politique monétaire et de croissance des deux côtés de l’Atlantique, ainsi qu’à une volonté politique différente en matière de change entre les Etats-Unis et l’Euroland. Les effets d’annonce et la spéculations ont fait le reste. En revanche, il est clair que l’économie américaine reste fondamentalement beaucoup plus robuste et réactive que celle de la zone euro.
En matière de déficit, il faut savoir que le déficit public s’est nettement réduit outre-Atlantique (1,2 % du PIB) et que le déficit extérieur est également sur la voie de la réduction même s’il restera très élevé. Mais surtout, malgré les craintes actuelles, les flux d’investissements étrangers vers les Etats-Unis dépassent largement le niveau de ce déficit. D’où le fait que l’Oncle Sam peut continuer de rester serein. Et ce notamment grâce à la véritable force du dollar, en l’occurrence le fait que le billet vert représente près de 50 % des transactions mondiales alors que les Etats-Unis ne réalisent que 17 % du commerce mondiale. Autrement dit les deux tiers du commerce en dollar ne sont pas américains. C’est lorsque le dollar perdra cette force et aura un véritable remplaçant que les Etats-Unis auront vraiment de quoi s’inquiéter. Et ce remplaçant ne sera certainement pas l’euro mais plutôt le yuan d’ici une dizaine d’années.
Question de : mgillou
Je comprends bien que l’euro fort puisse gêner les exportations françaises mais en même temps il réduit la facture de nos importations. Est-ce que ces deux phénomènes ne se compensent pas ? L’euro est-il vraiment une menace pour la croissance française et si oui est-ce qu’on peut chiffrer cet impact (x% de hausse = x points de croissance en moins). A combien voyez-vous la parité euro-dollar en 2008 ?
Le coût de l’euro fort dépasse largement les avantages liés au prix des importations. D’ailleurs cet avantage apparent est plutôt un inconvénient. En effet, en réduisant le prix des produits importés, l’euro fort réduit la compétitivité des producteurs nationaux qui perdent alors des parts de marché au profit des importations, ce qui se traduit par moins de croissance et d’emploi dans l’Hexagone ou dans la zone euro. En matière de prix pétroliers, il faut savoir qu’il existe une liaison négative historique entre cours du baril et dollar. Autrement dit, plus le dollar est faible, plus le baril est cher. Dès lors, si le dollar était moins faible, donc l’euro moins fort, le baril serait moins cher. L’avantage d’un euro fort en matière de moindre coût du baril pour les Eurolandais est donc très relatif. Pour être synthétique, lorsque l’euro s’apprécie de 12 % sur une année, cela enlève 0,4 point à la croissance eurolandaise et 0,5 point à la croissance française.
Question de : neko
Quand pourra-t-on envisager une stagnation, voire une baisse de l’euro sur le dollar? Doit-on anticiper une hausse du yuan chinois sur l’euro? et sur le dollar ?
L’euro devrait se déprécier face au dollar à partir du printemps prochain, au plus tard en juin, c’est-à-dire lorsque la croissance américaine rebondira alors que celle de la zone euro s’enlisera de plus en plus. La croissance eurolandaise sera alors tellement faible (inférieure à 1,5 %) que la BCE sera contrainte de baisser son taux refi, alors que la Fed qui aura déjà beaucoup abaisser son taux objectif des federal funds pourra arrêter de le faire. De par ce double avantage (croissance et taux d’intérêt), le dollar s’appréciera progressivement et l’euro pourra par là même retrouver des niveaux plus « normaux » (n’oublions que le niveau d’équilibre de l’euro/dollar sur la base des fondamentaux économiques se situe aux alentours des 1,15 dollar pour un euro).
Question de : jerome_duc
Euro fort, prix du pétrole, crise financière. Qu’est-ce qui menace le plus la croissance en 2008 ?
Il est très difficile d’isoler les coûts de ces trois évolutions, sachant qu’elles sont d’ailleurs étroitement liées. En outre, il existe d’autres coûts beaucoup plus élevés, notamment en France en matière de pression fiscale trop élevée. Néanmoins, pour répondre en point de croissance : le coût de l’euro fort sera d’environ 0,5 point de croissance, celui du baril cher de 0,4 point et celui de la crise financière 0,3 point. Néanmoins, si la BCE ne baisse pas ses taux d’intérêt et qu’une nouvelle tempête frappe les banques françaises, à ce moment là le coût indirect de la crise financière sera le plus élevé et dépassera les 0,5 point de PIB.