Etats-Unis, Euroland, France : les mauvaises nouvelles s’accumulent… (E&S n°24)

L’humeur :

Sarkozy rit, les Français pleurent…

Les dirigeants français, à commencer par le premier d’entre eux, ont beau arborer un large sourire et annoncer que la croissance est sur la bonne voie, les Français n’y croient absolument pas. Pis, ils sont de plus en plus inquiets quant à leur avenir. Ainsi, après avoir déjà chuté de cinq points en novembre et de quinze points depuis juin dernier, l’indice de confiance des ménages calculé par l’INSEE en a encore perdu un en décembre. Avec un niveau de -29, il se rapproche encore un peu plus de son plancher de – 33 atteint en novembre 2005 lorsque la croissance du PIB « culminait » à 1,5 %.

Autrement dit, ni la fin des grèves, ni les fêtes de fin d’année, ni même le nouveau bonheur affiché du Président n’ont permis aux Français de retrouver le sourire. Certes, comparativement aux trois mois précédents, leurs craintes d’augmentation du chômage ont légèrement baissé, tout en restant néanmoins bien supérieures à celles du printemps dernier. De même, si, après avoir atteint un plancher en novembre, les perspectives de niveau de vie en France se sont très légèrement améliorées en décembre, elles restent toujours sur des plus bas historiques.

Mais surtout, les Français apparaissent inquiets quant à leurs situations financières personnelles tant passée que future. Les deux indices atteignent ainsi des planchers et montrent combien les ménages sont fragilisés financièrement. En effet, après avoir fortement augmenté leurs encours de crédit et, pour ceux qui en avaient, puisé massivement dans leur épargne, les ménages n’ont aujourd’hui plus de cartouches pour continuer à dépenser davantage. Et ce d’autant que les conditions de crédits se sont durcies et que les banques sont désormais de plus en plus restrictives en la matière.

Dans le même temps, l’augmentation des prix des biens énergétiques et alimentaires, tandis que l’emploi et les revenus s’accroissent dans une moindre proportion, fait prendre conscience aux Français que leur pouvoir d’achat se dégrade.

C’est certainement là l’un des grands dangers qui menacent la société française pour 2008. Car, jusqu’à présent, les ménages étaient prêts à avaler un maximum de couleuvres, dans la mesure où, en contrepartie d’une pression fiscale forte, ils avaient le sentiment d’être financièrement protégés. Aujourd’hui, la donne a changé, dans la mesure où les Français ont vraiment pris conscience de l’appauvrissement qu’ils sont en train de subir depuis trois ans. Le dernier portrait social de la France décrit par l’INSEE était d’ailleurs sans appel : le niveau de vie moyen s’établit à 1 550 euros par mois en 2005 et pour la moitié de la population, il est inférieur à 1 360 euros. Pis, on observe que depuis 2002, la part de pauvres dans le pays ne baisse plus (12,1 %) et a même augmenté de 0,4 point entre 2004 et 2005 !

On ne peut donc plus mentir aux Français et essayer de leur faire croire que tout va bien et que tout ira encore mieux. La méthode Coué, la plus efficace soit elle, a ses limites…

D’ailleurs, au-delà du sentiment de défiance et de crainte dont font preuve les ménages, ils ont déjà commencé à joindre l’acte à la pensée. Ainsi, après avoir déjà chuté de 7 points en novembre et de 14 points depuis juillet dernier, l’indice de l’opportunité d’acheter en a encore perdu 5 en décembre. A désormais -23, il se situe à un plus bas historique !

Autrement dit, après avoir déjà baissé de 1,4 % de septembre à novembre et même si un rebond est probable pour les fêtes de décembre et les soldes de janvier, la consommation des ménages risque de connaître une année 2008 très difficile. Selon nos prévisions, celle-ci ne devrait progresser que de 1,7 % cette année, sa plus mauvaise performance depuis 1997. Parallèlement, soutenue à bout de bras par la consommation des ménages depuis 2002, la croissance globale du PIB en pâtira également puisqu’elle ne dépassera pas les 1,6 % ;

En guise de vœux pour cette nouvelle année, de nombreux ménages français devront se contenter de deux mots qui en disent long : Vivement 2009 ! Reste à savoir s’ils pourront attendre 2009 sans engager la société française dans une crise majeure.

 

Marc Touati


L’analyse économique de la semaine :

Etats-Unis/Euroland : les mauvaises nouvelles s’accumulent.


En matière de statistiques économiques, l’année 2008 a malheureusement débuté comme 2007 s’était terminée, c’est-à-dire par des mauvaises nouvelles.

Ainsi, outre-Atlantique, l’indice ISM des directeurs d’achat dans l’industrie manufacturière est passé sous la barre fatidique des 50, censée marquer la frontière entre la progression et le recul de l’activité. Avec un niveau de 47,7 en décembre, il atteint même un plus bas depuis avril 2003. Certes, il faut souligner que l’industrie manufacturière ne représente plus que 13 % du PIB américain. D’ailleurs, en avril 2003, la croissance des Etats-Unis était encore de 1,5 %. Autrement dit, un indice ISM manufacturier sous la barre des 50 n’est aucunement synonyme d’une récession de l’ensemble de l’économie américaine. Il confirme simplement que cette dernière est encore convalescente et a besoin de nouvelles baisses du taux objectif des federal funds. C’est en cela que l’apparente mauvaise nouvelle de l’enquête ISM porte en elle les germes du rebond grâce à l’assouplissement monétaire de la Réserve fédérale.

Un indice ISM manufacturier sous les 50 n’est absolument pas synonyme de récession.

De même, si elle est perçue dans un premier temps comme une très mauvaise nouvelle, la dégradation du marché du travail outre-Atlantique en décembre n’est pas si catastrophique qu’on pourrait le penser. D’abord, parce que, compte tenu des destructions d’emplois observées dans la construction, la banque et l’industrie, les 18 000 créations d’emplois nettes enregistrées en décembre montrent que la job machine américaine résiste. Mais surtout, l’augmentation du taux de chômage à 5 % va imposer à la Réserve fédérale américaine d’agir plus drastiquement. Et ce d’autant que la dernière fois que le glissement annuel de l’emploi était aussi bas (i.e. à moins de 1 %), le taux des fed funds était de 1 % (c’était au début 2004) !

 

Dans ce cadre, ce dernier pourrait être réduit de 50 centimes lors du FOMC du 30 janvier et passer sous les 3,5 % dès le printemps prochain.

La Fed va devoir agir drastiquement.

La situation est malheureusement très différente dans la zone euro. En effet, de ce côté-ci de l’Atlantique, les évolutions négatives des indicateurs de confiance ne sont que des mauvaises nouvelles dans la mesure où elles ne sont aucunement annonciatrices d’une prochaine et rapide baisse du taux refi de la BCE.

Ainsi, la baisse de 1,2 point de l’indice du climat des affaires de l’enquête IFO en décembre n’augure rien de bon, si ce n’est une nouvelle baisse de la croissance allemande, qui se dirige ainsi tranquillement vers les 1,7 % pour 2008.

Le ralentissement allemand ne fait que commencer.

De même, comme nous l’expliquons dans l’Humeur de la semaine, la baisse de la confiance des ménages en France annonce une année très difficile en matière de consommation, qui était pourtant le dernier moteur de la croissance française encore valide.

Autrement dit, si le plus dure est en train de produire outre-Atlantique, il reste à venir dans la zone euro.

Marc Touati



Et les marchés dans tout ça ?

2007-2008, comme 1987-88 et 1997-98 ?


Existerait-il un cycle décennal sur les marchés, avec le 7 comme chiffre porte-malheur du moins en apparence ? En effet, les années 1987, 1997 et 2007 font apparaître des similitudes troublantes. Ainsi, lors de la première partie de chacune de ces trois années, la croissance mondiale paraissait solide et les marchés financiers en excellente santé. Puis, pour des raisons certes différentes, le vent a tourné radicalement en milieu d’année, laissant craindre le pire pour l’année suivante.

En 1987, Le déficit extérieur américain augmentait de plus en plus et se dirigeait vers les 35 milliards de dollars (ce qui paraissait extrêmement grave à l’époque…). Dans le même temps, le nouveau Président de la Réserve fédérale américaine (nommé le 11 août 1987), Alan Greenspan, ne cessait de brandir la menace d’une hausse des taux directeurs pour faire face à un pseudo-risque inflationniste, engendrant une très forte hausse des taux obligataires, jusqu’à 9,5 % fin septembre pour le dix ans américain.

La déclaration du secrétaire d’Etat au Trésor de l’époque sur le déficit extérieur américain et la nécessité d’un dollar plus fort est d’eau qui fait déborder le vase. Les cours boursiers ayant fortement augmenté au cours des mois précédents, les investisseurs prennent donc leurs bénéfices et vendent massivement leurs actions. La chute est vertigineuse : en une journée (le 19 octobre précisément), le Dow Jones chute de 22,6 % entraînant dans son sillage l’ensemble des bourses mondiales. Tous les économistes sont alors formels : la crise est grave et 1988 sera une année de récession.

Dix ans plus tard, bis repetita. Cette fois-ci, le théâtre initial des opérations est l’Asie. A l’époque, tous les observateurs veulent croire que les Tigres et Dragons d’Asie sont intouchables et connaîtront une croissance de plus en plus forte. Malheureusement, leurs déficits se creusent, leurs monnaies sont attaquées, leurs taux d’intérêt augmentent fortement et, par là même, leurs bourses s’effondrent, entraînant en octobre l’ensemble des places occidentales. Une fois encore, les économistes et prévisionnistes boursiers sont formels : une récession mondiale se produira en 1988.

Enfin, en 2007, l’histoire se répète à nouveau : il y a environ un an, certains anticipaient une surchauffe aux Etats-Unis et demandaient à la Réserve fédérale américaine d’augmenter ses taux directeurs ou du moins de ne pas les baisser. Malheureusement, par manque d’expérience ou par timidité, Ben Bernanke, élu depuis seulement quelques mois à la tête de la Fed, n’a pas osé les contredire. Après avoir augmenté le taux objectif des federal funds à 5,25 % en juin 2006, il le maintient ainsi à ce niveau en dépit du dégonflement de la bulle immobilière et du ralentissement économique qui ne cessent de s’imposer outre-Atlantique.

Ce qui devait arriver, arriva : asphyxiés par des taux trop élevés, certains ménages font faillite, les organismes de subprime s’écroule, les banques mettent un genou à terre et les entreprises revoient à la baisse leurs décisions d’investissement. Les marchés se mettent alors à craindre le pire et se lancent dans une vague de pessimisme aggravé. Et ce d’autant que, comme en 1987 et 1997, presque tous les prévisionnistes sont formels : en 2008, ce sera la récession !

Pourtant, comme en 1987 et en 1997, la majorité des économistes aura tort. En effet, à l’instar des années 1988 et 1998 qui ont consacré des niveaux de croissance soutenue, notamment grâce à l’intervention rapide et à la bienveillance de la Fed, 2008 devrait être une année de croissance certes ralentie mais appréciable. Du moins au niveau mondial (4,2 %) et aux Etats-Unis (2,7 %). Ce qui permettra de relancer les marchés boursiers internationaux, qui bénéficieront également de forts mouvements de fusions-acquisitions et sachant qu’au surplus il n’y a pas aujourd’hui de pénurie de liquidités au niveau mondial, ces dernières se situant néanmoins davantage dans les pays émergents que dans les pays dits développés. C’est d’ailleurs là l’une des grandes différences avec les années 87 et 97.

L’autre grande différence réside dans le fait qu’en matière d’amélioration économique, l’Europe et plus particulièrement la zone euro, risquent, une fois encore, de rester sur le bas côté. En effet, si toutes les banques centrales ont et vont encore réduire leurs taux directeurs, la BCE s’obstine, suscitant une forte hausse des taux à trois mois, qui, malgré une récente baisse, dépassent de plus de 0,6 point le taux au jour le jour. Dès lors, les banques eurolandaises risquent de limiter encore plus leur octroi de crédit, tant pour les ménages que pour les PME. En outre, en 2008, la zone euro devra payer de nombreuses factures : l’euro trop fort, une politique monétaire trop restrictive, le ralentissement de la croissance mondiale, la fragilisation de la situation financière des ménages et, pour nous Français, le dégonflement de la bulle immobilière et l’absence de réformes structurelles notamment en matière fiscale et réglementaire. Autant de phénomènes qui sont déjà présents mais dont les effets se feront vraiment sentir l’an prochain. Ce qui se traduira par une croissance de 1,6 % en France et 1,7 % dans la zone euro.

Marc Touati


Les évènements à suivre du 7 au 11 janvier :

La confiance se délite dans la zone euro, mais la BCE ne change rien.


Cette première semaine statistique de l’année sera relativement calme. Elle ne sera effectivement marquée que par l’enquête de la Commission Européenne de décembre, l’évolution de la production industrielle des deux côtés du Rhin et celle de la balance commerciale aux Etats-Unis, en Allemagne et en France.

En fait, l’attention des marchés se portera principalement sur la réunion de politique monétaire de la BCE. Si un statu quo du taux refi est fort probable, l’incertitude demeure sur le discours d’accompagnement de Jean-Claude Trichet.

Lundi 7 janvier, 11h (heure de Paris) : nouvelle baisse pour le sentiment économique dans la zone euro.

Après avoir déjà reculé de 1,2 point en novembre et de 10,2 points depuis juin dernier, l’indice du sentiment économique de la zone euro devrait encore en perdre 1 en décembre. Il atteindrait ainsi un niveau de 103,8, un plus bas depuis janvier 2006. A l’instar du fort repli de l’indice IFO en décembre et de la nouvelle baisse de la confiance des ménages en France, cette baisse du sentiment économique eurolandais serait le fruit d’une dégradation générale de la confiance tant auprès des chefs d’entreprise que des ménages.

Mercredi 9 janvier, 8h45 : encore plus de 3 milliards d’euros pour le déficit extérieur français.

Après avoir atteint en octobre un sommet historique de 3,637 milliards d’euros sur un mois et de 35,22 milliards sur un an, le déficit extérieur français devrait avoisiner les 3,5 milliards d’euros en novembre. De quoi se rapprocher encore un peu plus de la barre des 40 milliards d’euros sur douze mois.

Jeudi 10 jan