Banque mondiale : Etrennes…

De l’argent privé reçu par une institution multilatérale « publique », si tant est que l’on puisse assimiler la Banque Mondiale ou le Fonds Monétaire International à des organismes « publics ».

Des ressources financières « publiques » car multilatérales donc, investies dans des structures privées.

Les temps changent, n’en déplaise aux penseurs de Bretton Woods.

La Banque Mondiale est au cœur de ces enjeux de « partenariat public-privé».

 

Du privé dans le public. Mi-décembre, pour la première fois de son existence, l’institution a « reçu une contribution du secteur privé », quelque 300 000 dollars en cash de la part de deux banques japonaises, a avoué son nouveau directeur, Robert Zoellick.

Une solution qu’il avait lui-même proposée quelque cent jours après son arrivée à la tête de la Banque. « Si nous arrivons à faire avancer cette idée, cela nous permettrait de satisfaire une des orientations stratégiques que j’encourage, à savoir impliquer davantage le secteur privé », avait alors déclaré l’ancien banquier d’affaires de Goldman Sachs.

L’« idée » n’a, semble-t-il, pas choqué au sein de l’organisation sexagénaire en perte de vitesse. Elle s’est même matérialisée lors de la dernière levée de fonds de l’Association internationale de développement (IDA) – qui a permis de récolter quelque 42 milliards de dollars. Mieux, la Banque Mondiale a choisi d’accepter ces premiers dons privés sans attendre de disposer d’un cadre légal la mettant à l’abri d’éventuels conflits d’intérêts.

Que faut-il en penser ? Quand des entreprises soutiennent financièrement des institutions multilatérales, on se dit que tout est bon à prendre pour venir en aide aux pays et aux populations les plus pauvres. On se dit aussi que les caisses de ces grandes structures doivent être désespérément bien vides.

Deux arguments valables dans notre cas. 2007 a révélé que les finances du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale étaient grevées par les remboursements anticipés des fonds prêtés à certains pays en développement. Or, les remboursements précoces de la dette de pays qui étaient traditionnellement des gros emprunteurs diminuent d’autant les recettes. Au FMI comme à la Banque Mondiale, les baisses de crédits distribués depuis près d’une décennie et ces remboursements anticipés signifient une décrue des intérêts versés par les débiteurs. Donc une baisse des ressources. Donc une diminution des moyens alloués pour servir les desseins mêmes de ces entités.

Si l’acceptation de fonds privés peut à ce titre être une bonne nouvelle, cela ne va pas sans poser des questions déontologiques. Celle de la neutralité de la Banque vis-à-vis de ses donateurs et de l’indépendance des actions menées grâce à ces fonds. Celle de la nature des entreprises donatrices, de l’honnêteté de leur démarche et de la provenance de l’argent, en gros « qui donne quoi et pourquoi ? ».

Pour l’heure, la boite de Pandore est ouverte. Mais la Banque Mondiale ne pourra pas indéfiniment accepter de l’argent privé sans fixer noir sur blanc le cadre de ce procédé.  Sous peine de se discréditer – et elle n’a en ce moment pas besoin de cela en plus.

 

Du public dans le privé. Si cette contribution privée peut étonner, l’inverse n’est pas rare. La Banque Mondiale possède une structure – bien moins connue – chargée des opérations avec le secteur privé, la Société Financière Internationale. L’IFC (en anglais) propose des prêts, des participations, des produits de financement structurés et de gestion des risques ainsi que des services de conseil, visant à renforcer le secteur privé dans les pays en développement. En bref, elle est le levier d’investissement de la Banque Mondiale, qui devient ainsi un actionnaire presque ordinaire.

Dernière opération en date de l’IFC : en partenariat avec une filiale de l’Agence Française de Développement (AFD), elle vient d’entrer dans le capital de Veolia Water AMI, une filiale de Veolia Environnement, qui opère des services d’eau, d’assainissement et d’électricité en Afrique, en Inde et au Moyen-Orient, des régions déjà particulièrement visées par les actions de la Banque Mondiale.

 

La concomitance de ces deux actualités remet la lumière sur la spécificité des rapports entre des institutions souvent critiquées pour leur archaïsme et un XXIe siècle marqué par le leadership des entreprises et autres multinationales dans le façonnage d’un monde globalisé.

Par où l’on voit que les deux ne sont pas forcément antinomiques et que seul un front commun d’initiatives permettra d’aller dans le sens d’un meilleur développement. N’est-ce pas là l’objectif idéologique de la Banque Mondiale et l’intérêt des vendeurs en tous genres ?

  

 Alexandra Voinchet