Ministres sous surveillance.

Ambiance anxiogène lors du premier conseil des ministres de l’année suite à l’annonce de la mise en place d’indicateurs chiffrés permettant d’évaluer les ministres. Cette nouvelle conception du fonctionnement de la République illustre une fois de plus la « rupture » chère au Président. C’est en effet une première dans l’histoire de la cinquième république puisque Nicolas Sarkozy fait appel à un cabinet de conseil en stratégie MARS & CO (à quel prix ?) afin de mettre en place des « indicateurs de résultats » sur la base de 30 critères chiffrés de performance !!

Officiellement, l’objectif est de veiller à l’efficacité de l’action des ministres en contrôlant notamment la mise en place des réformes annoncées. Ainsi le cas échéant, cet outil d’évaluation permettra de « corriger le tir » lorsque le ministre n’aura pas atteint les objectifs fixés dans sa lettre de mission.

S’il ne s’agit pas là uniquement d’un « coup de communication » (comme l’affirment certains), il est indéniable que cette évaluation des ministres est le fruit d’une stratégie politique mûrement réfléchie. En effet, à deux mois des municipales, le Président souhaite montrer aux Français qu’il est à leur écoute et qu’il prend ses responsabilités. C’est la fin de l’état de grâce, le Président baisse dans les sondages et les résultats de sa politique se font attendre, notamment en matière économique… Face à une France qui s’impatiente et qui commence à douter, Nicolas Sarkozy crée donc une « machine à rassurer » (du moins le pense-t-il) sous la forme d’un outil d’évaluation technique.

Que faut-il penser de cette nouvelle invention ? S’il est clair qu’elle ne va pas révolutionner l’action gouvernementale, cela aura au moins le mérite de motiver les ministres et de les mettre en avant face à l’omniprésidence à laquelle on assiste depuis bientôt neuf mois. Néanmoins cet outil d’évaluation appelle plusieurs commentaires.

Tout d’abord, le gouvernement n’est pas une entreprise privée et les ministres ne sont pas des collaborateurs mais des politiques. Leur action ne peut être réduite à une batterie d’indicateurs chiffrés permettant une évaluation arithmétique de leur action. A titre d’exemple, l’un des critères d’évaluation de Brice Hortefeux (ministre de l’immigration) sera le nombre d’étrangers en situation irrégulière expulsés…

Ensuite, il est regrettable que ni François Fillon ni les collaborateurs les plus influents du Président (notamment Henri Guaino et Claude Guéant) ne soient soumis à ce type d’évaluation. La nature de leurs responsabilités et l’importance de leur pouvoir (parfois supérieur à celui des ministres) leur imposerait de rendre des comptes.

Enfin, lorsque l’on connaît les problèmes du pays en matière de dépense publique, il semblerait plus opportun d’appliquer cette méthode d’évaluation d’abord dans la fonction publique (où il n’existe pas de mesure de la productivité) plutôt que dans les ministères.

Quoiqu’il en soit, au delà de ce nouveau concept d’évaluation, l’ultime baromètre de l’action des politiques reste le jugement des électeurs le seul qui compte en démocratie.

 

La phrase de la semaine:

« On ne gère pas la France comme une entreprise de boulons » de Aurélie Filippetti, porte-parole du groupe PS à l’assemblée à propos des « indicateurs de résultats » chiffrés imposés aux ministres.

 

rôme Boué