Lorsque le 3 janvier dernier dans ces mêmes colonnes, je présentais mes prévisions pour l’année à venir en titrant mon “Humeur” : « 2020, l’année de tous les dangers… », j’étais évidemment loin d’imaginer que la réalité serait pire qu’un cauchemar.
De même, lorsque le 24 janvier, à l’approche du nouvel an chinois, j’écrivais « L’année du rat de métal risque de faire mal… », j’étais encore loin du compte… A l’époque, le « Coronavirus de Wuhan » commençait tout juste à faire parler de lui et j’annonçais qu’il pourrait enlever quelques dixièmes de point à la croissance mondiale, attirant parfois des critiques sarcastiques…
Et pourtant ! Non seulement cette « grosse grippe », comme l’appelaient alors certains médecins, est devenue une pandémie mondiale, tuant officiellement près de 400 000 personnes à travers la planète, mais, en plus, elle a entraîné une dépression économique internationale sans précédent depuis la seconde guerre mondiale. En fait, pour retrouver une chute du PIB aussi forte, il faut remonter à la crise de 1929, qui, en quatre ans, a fait chuter le PIB américain de 26,3 % (hors inflation).
Le drame est que, comme dans les années 1930, le plongeon du PIB n’est pas un simple chiffre, il se traduit immanquablement par des faillites d’entreprises, des destructions d’emplois massives et une flambée du chômage.
Parallèlement, pour essayer d’éteindre l’incendie, les dirigeants politiques et monétaires de la planète ont engagé une relance exceptionnelle tant par sa rapidité que par son ampleur. Le problème est qu’avant même le début de la pandémie, la « planche à billets » avait déjà été utilisée excessivement et les dettes publiques atteignaient déjà des niveaux stratosphériques (à part dans certains et rares pays tels que les Pays-Bas et l’Allemagne).
Dès lors, il ne faut pas se leurrer : cette débauche de moyens ne constitue qu’une « fuite en avant », destinée à sauver les meubles, mais incapable d’engendrer une croissance forte et durable, principalement dans les pays déjà anesthésiés depuis des années par une dette publique et un soutien monétaire autant pléthoriques qu’inefficaces.
Ainsi, en dépit de la « morphine » distribuée par la BCE et des aides substantielles de l’Etat, le PIB de la France devrait chuter d’environ 11 % en moyenne en 2020 et son taux de chômage dépasser les 15 %. Quant à sa dette publique, elle atteindra aisément les 125 % du PIB.
Mais malheureusement, comme disait feu Jacques Chirac, « les problèmes (ou plutôt les emmerdes pour reprendre l’expression exacte) c’est comme les oiseaux migrateurs, ça vole toujours en escadrille ».
Ainsi, après la pandémie, puis la mauvaise gestion sanitaire de cette dernière qui a débouché sur un confinement extrême, qui a lui-même alimenté une récession historique, qui, à son tour, est en train de susciter de nombreuses faillites d’entreprises et un chômage massif, ce sont désormais des émeutes sociales qui menacent la stabilité de notre « beau monde ».
En effet, que ce soit en Inde, au Brésil, aux Etats-Unis, en France et certainement en Chine et dans d’autres dictatures (mais ça on ne le verra jamais), l’heure est à la vindicte. On aurait pu croire que le déploiement de la Garde nationale pour défendre Washington était réservé aux superproductions hollywoodiennes, et bien non, nous sommes en train de le vivre en direct. « Incredible ! »
De même dans l’Hexagone, après les « gilets jaunes », on croyait avoir tout vu, eh bien non : les casseurs se fichent de la pandémie et de la distanciation : peu importe si une deuxième vague épidémique arrive, l’important c’est de casser ! Pourtant s’il y en a un qui n’est pas raciste c’est bien que le Covid-19…
Evidemment que le racisme doit être combattu, mais était-ce vraiment le bon moment pour se lancer dans une vague d’instabilité sociétale particulièrement dangereuse ?
Car, ne nous voilons pas la face : la récession étant déjà historique, si la petite reprise qui s’esquisse est déjà contrecarrée par des émeutes ou autres blocages majeurs, l’économie française ne s’en remettra pas.
Ces types de dérapages sont effectivement de nature à nuire à la crédibilité de la France en tant que puissance économique stable et maîtrisée. Déjà très aggravée par une dette publique historiquement élevée et une récession tout aussi historique, la défiance à l’égard de la France s’accroîtra encore, suscitant une remontée des taux d’intérêt des obligations d’Etat, qui alimentera une dépression économique déjà dramatique.
De la sorte, le chômage flambera encore davantage, entretenant la grogne sociale et l’instabilité sociétale, engendrant par là même un cercle pernicieux particulièrement dangereux, qui ne manquera d’ailleurs pas de se répandre à l’ensemble de la zone euro, qui pourrait bien finir par exploser…
Mais, puisque la réalité est en train de dépasser les fictions les plus folles, alors peut-être que, comme dans tout bon film catastrophe américain, c’est lorsque l’on croit que tout est perdu que Bruce Willis et Will Smith arrivent et réussissent à sauver le monde. Le seul problème est que lorsque le film catastrophe fait un carton au box-office, il est généralement suivi d’une suite encore plus folle et destructrice que la première partie…
Une chose est sûre, après avoir vécu le krach de 1987, la récession de 1991-93, la crise asiatique de 1997, le krach Internet de 2000, les attentats du 11 septembre 2001, les affaires Enron et WorldCom, le baril à 150 dollars, la crise des subprimes, la faillite de Lehman Brothers ou encore le Brexit et maintenant une pandémie doublée d’une crise économico-sociale historique, nous pourrons dire à nos petits enfants : « j’y étais ! ». On se console comme on peut…
Marc Touati