Après leur forte chute de mars, les indicateurs des directeurs ont logiquement continué leur plongeon en avril. A tel point que la récession est en train de devenir une dépression.
Et ce, tant en Allemagne que dans la zone euro dans son ensemble, mais aussi aux Etats-Unis, au Japon et au Royaume-Uni. Quant à la palme de la décroissance, elle a malheureusement été décrochée par la France.
En effet, en avril, les indices Markit des directeurs d’achat français se sont effondrés à 31,5 dans l’industrie, 10,4 dans les services et 11,2 pour l’ensemble des secteurs. Dans les trois cas, il s’agit de plus bas historiques, mais aussi des niveaux les plus faibles au sein des pays qui ont déjà publié leurs enquêtes PMI d’avril (en l’occurrence l’Allemagne, la zone euro dans son ensemble, le Royaume-Uni, les Etats-Unis, l’Australie et le Japon).
Encore plus grave, l’effondrement de ces indicateurs avancés de l’activité laisse anticiper une chute du glissement annuel du PIB français vers les – 12 % pour le premier semestre 2020.
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France : vers un plongeon du glissement annuel du PIB à – 12 % au premier semestre 2020.
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Sources : INSEE, Markit, ACDEFI
Une triste perspective qui est également confirmée par les enquêtes INSEE auprès des chefs d’entreprises. En avril, l’indice INSEE du climat des affaires de tous les secteurs d’activité a ainsi dégringolé de 32,7 points, atteignant un plancher historique de 61,7.
A titre de comparaison, le précédent plus bas atteint en mars 2009 était de 68,8. C’est dire l’ampleur des dégâts.
De plus et sans surprise, l’indice du climat de l’emploi s’est aussi effondré, tombant à 70,1, là aussi un plancher jamais enregistré.
L’indice INSEE du climat des affaires tombe aussi dans les abysses…
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Sources : INSEE, ACDEFI
Même si sa chute est un peu moins puissante, celle de l’économie allemande est également massive. Et pour cause : en avril, ses indices Markit PMI des directeurs d’achat sont tombés à 34,4 dans l’industrie (seulement 2,4 points au-dessus du plus bas historique de janvier 2009), 15,9 dans les services et 17,1 pour l’indice composite (des planchers historiques dans les deux cas).
L’Allemagne s’effondre un peu moins que la France.
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Sources : Destatis, Markit, ACDEFI
Même son de cloche du côté des indices IFO : après avoir déjà chuté de 10,1 points en mars, l’indice IFO du climat des affaires en a encore perdus 11,6 en avril. Il tombe ainsi à un plancher historique de 74,3, qui confirme que le PIB allemand va régresser fortement au premier semestre 2020.
Plus bas historique pour l’indice IFO du climat des affaires outre-Rhin.
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Sources : Destatis, IFO, ACDEFI
L’indice IFO des perspectives d’activité enfonce le clou, puisqu’en chutant de 23,7 points en deux points, il tombe à un plancher également historique de 69,4, annonçant un glissement annuel du PIB allemand d’environ – 11 %.
Plus bas historique pour l’indice IFO du climat des affaires outre-Rhin.
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Sources : Destatis, IFO, ACDEFI
Une perspective qui est également d’actualité pour l’ensemble de la zone euro.
Zone euro : l’industrie plonge, les services s’effondrent.
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Sources : Markit, Eurostat, ACDEFI
En effet, les indices Markit PMI de la zone euro ont chuté à 33,6 dans l’industrie (soit seulement 0,1 point de mieux que le plancher de février 2009), 11,7 dans les services et 13,5 pour l’ensemble des secteurs (des plus bas historiques dans les deux cas). Ces effondrements montrent que le glissement annuel du PIB de la zone euro devrait rapidement atteindre – 12 %.
Le glissement annuel du PIB de la zone euro devrait rapidement tomber à – 12 %.
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Sources : Eurostat, Markit, ACDEFI
Piètre consolation, la situation est au moins aussi grave au Royaume-Uni, avec des indices Markit PMI de 32,9 dans l’industrie, 12,3 dans les services et 12,9 tous secteurs confondus. Dans les trois cas, il s’agit de planchers historiques qui annoncent d’ailleurs une chute du glissement annuel du PIB britannique également proche de – 12 % pour le premier semestre 2020.
Le Royaume-Uni se dirige aussi vers une récession historique.
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Sources : ONS, Markit, ACDEFI
Comme cela s’était déjà observé en mars, les Etats-Unis ont bien sûr été affectés par la pandémie et le confinement, mais moins que l’Europe. Ainsi, les indicateurs Markit PMI des directeurs d’achat américains ont reculé à 36,9 dans l’industrie (soit encore 3,8 points de mieux que le plancher de décembre 2008), 27,0 dans les services et 27,4 tous secteurs confondus (dans les deux cas, des plus bas historiques). Des niveaux qui annoncent évidemment une forte baisse du glissement annuel du PIB américain, mais qui devrait vraisemblablement atteindre – 6 %, soit un résultat deux fois moins mauvais que dans la zone euro, en Allemagne, en France et au Royaume-Uni.
Vers un glissement annuel du PIB américain de – 6 %, un résultat deux fois moins mauvais qu’en Europe.
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Sources : BEA, Markit, ACDEFI
Pour autant, la messe est dite : l’économie mondiale est en train de passer du stade de la récession à celui de la dépression.
Bien entendu, ces effondrements impressionnants des indicateurs avancés de la conjoncture économique à travers le monde sont principalement dus à l’arrêt massif de l’activité, lui-même lié à la situation de confinement.
Dès lors, certains pourraient conclure hâtivement que la fin du confinement engendrera mécaniquement une reprise forte et durable, dite en V.
Malheureusement, il n’en sera rien. Et ce, pour au moins six raisons. Premièrement, parce que la fin du confinement sera très progressive. Autrement dit, la force du rebond sera limitée.
Deuxièmement, même si le confinement prend fin, de nombreux secteurs d’activité continueront de souffrir fortement et durablement. A commencer, par le tourisme, l’hôtellerie, la restauration, les transports aériens, l’aéronautique, l’automobile ou encore le luxe, qui tire 60 % de sa croissance de la Chine.
Troisièmement, dans un tsunami, c’est une fois que la mer se retire que l’on voit l’ampleur des dégâts. Aussi, après le confinement, le nombre d’entreprises en faillite risque d’être considérable. Ce qui aggravera la situation du chômage, qui, cette fois-ci ne sera pas technique mais durable. Un drame qui limitera de facto les revenus, donc la consommation et in fine la reprise globale.
Quatrièmement, compte tenu de l’envolée des dettes publiques, les taux d’intérêt des obligations d’Etat devraient fortement augmenter, comme c’est d’ailleurs déjà le cas dans de nombreux pays, et notamment en Italie. Les taux d’intérêt de l’ensemble des crédits devraient évidemment suivre cette tendance, ce qui réduira une fois encore l’ampleur de la reprise.
Cinquièmement, les Etats et les banques centrales ayant déjà utilisé toutes leurs cartouches, d’abord pour alimenter les bulles financières de 2017 à 2019, puis pour essayer d’éteindre l’incendie suscité par la pandémie et le confinement, ils n’auront guère de marge de manœuvre pour relancer massivement la machine une fois le confinement terminé.
Sixièmement, n’oublions pas que plus la chute est importante, plus la remontée est difficile. Lors de la récession de 2008-2009, le PIB de la zone euro a ainsi baissé de « seulement » 5,7 %, mais il lui a fallu 30 trimestres avant de retrouver son niveau d’avant-crise (avec, il est vrai, entre-temps, une deuxième récession).
Avec la crise actuelle, en faisant la double hypothèse « optimiste » d’une baisse du PIB de 12 % en 2020 puis d’une croissance de 2 % par an en moyenne par la suite, il faudra attendre l’année 2026 pour retrouver le niveau de PIB de la fin 2019.
Plus que jamais, il est donc déterminant de s’armer de courage, de patience et de bon sens…
Marc Touati