Non, au contraire de ce que j’entends parfois, je ne suis pas pessimiste ! En fait, bien loin de ce vrai défaut, je suis un optimiste acharné. D’ailleurs, pour ceux qui l’auraient oublié, j’ai été l’un des premiers à croire à la révolution des NTIC dès 1997 ou encore l’un des rares à anticiper un rebond de la croissance et des marchés en 2009 alors que la quasi-totalité des prévisionnistes annonçait un cataclysme durable. Pour autant, je maintiens que les marchés boursiers et obligataires sont en bulle depuis 2017, une bulle qui, conformément à nos prévisions, s’est dégonflée en 2018, mais est repartie de plus belle en 2019.
Annoncer une telle réalité n’est pas du pessimisme mais du réalisme. D’ailleurs, optimisme ne veut pas dire aveuglement. Autrement dit, il serait stupide de se voiler la face : oui, une nouvelle crise économico-financière a bien débuté en 2018 et commence à devenir de plus en plus dangereuse. Les symptômes sont malheureusement nombreux : ralentissement des principales locomotives de la planète (Chine, Inde, Etats-Unis et Europe) récession de l’industrie mondiale, effondrement de l’activité dans de nombreux pays et forte décélération de la croissance planétaire…
Le pire est que face à ces évolutions défavorables, les armes de politique économique pour tenter de relancer la machine sont limitées, pour ne pas dire inexistantes. En fait, seuls les pays disposant de réserves de change conséquentes (notamment les pays asiatiques) et/ou d’une marge de manœuvre budgétaire appréciable (principalement l’Allemagne) ont de quoi affronter cette nouvelle crise. Les Etats-Unis devraient tirer difficilement leur épingle du jeu, grâce à l’hégémonie du dollar et à un taux de chômage encore faible. Quant à la zone euro (hors Allemagne), sa cartouchière est vide : le taux refi est déjà à 0,0 %, la dette publique est trop élevée, la « planche à billets » fonctionne déjà mais n’a eu et n’aura que très peu d’effets positifs sur la croissance, produisant plutôt une « trappe à liquidités ».
Dans ces conditions, la crise de 2020-2021 pourrait s’avérer encore plus difficile et dommageable que celle de 2008-2009. Face à cette sombre perspective, il pourrait évidemment être tentant de baisser les bras. Mais attention : si nous nous décourageons, nous sommes alors sûrs de perdre, car le pessimisme est, par définition, auto-réalisateur et par là même destructeur. Dès lors, il faut songer à se barricader, s’acheter un lopin de terre pour cultiver ses légumes et élever ses chèvres, tout en se munissant d’un fusil pour défendre le tout…
En revanche, nous pouvons aussi opter pour une deuxième solution : celle de la sortie de crise par le haut. Pour ce faire, il suffit de se retrousser les manches et de retrouver une certaine dose d’espoir, voire d’optimisme. Ne l’oublions jamais : les crises font partie de la vie économique. Autrement dit, si, un jour un homme politique ou un économiste annonce qu’il a la recette pour supprimer les crises, vous saurez que c’est un menteur. En économie, c’est un peu comme avec le corps humain ou le climat, il y a des crises et des tempêtes, l’essentiel est d’en sortir par le haut. A l’inverse, refuser la réalité et laisser croire que les arbres peuvent dépasser le ciel est par définition voué à l’échec. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’en mandarin, le mot « crise » se décompose en deux mots « danger » (Wei) et « opportunité » (Ji) ! Souvenons-nous également que l’économie n’est pas une science exacte mais une science humaine, sur laquelle les hommes et les femmes ont donc un véritable pouvoir et pour laquelle il n’y a pas de fatalité. Notre avenir est entre nos mains et si nous n’en sommes pas conscients, nous devenons alors la proie du doute et de la faillite.
Malheureusement pour nous, c’est-à-dire les Français et les Européens continentaux, cette réalité et cette conviction que tout devient possible grâce à la volonté ont du mal à être intégrées culturellement. De la sorte, nous devenons beaucoup plus vulnérables que nos partenaires anglo-saxons, sans parler des pays émergents et notamment de la Chine chez qui la vision d’avenir est une seconde nature. Soyons donc clairs : si nous continuons de nous voiler la face, si des pays comme la France refusent de réformer en profondeur leur économie, si les partenaires sociaux et plus globalement les citoyens refusent de s’entendre, alors, comme en 2008-2009, la zone euro sera la grande perdante de la prochaine crise.
D’ailleurs, grâce à une réactivité structurelle et à une culture de la prise de risque et de l’investissement sur l’avenir, les Chinois, les Américains, les Anglais, les Canadiens ou encore les Indiens sauront relever les défis de cette crise et surprendre par la rapidité et la vigueur de leur reprise. Pour éviter la dépression tant économique que psychologique, nous avons donc l’obligation de nous prendre en main sans trop compter sur les pouvoirs publics qui, de toutes façons, finiront par nous faire payer la facture en augmentant encore les impôts.
Pour une entreprise, cette volonté de ne pas sombrer dans le défaitisme peut passer par quatre voies stratégiques : 1. Des stratégies de niches, sur des produits et des services sur lesquels elles ont un savoir-faire. 2. Elles ne doivent pas hésiter à le faire savoir en développant leurs efforts de communication. 3. Miser au maximum sur l’innovation et les efforts de Recherche-développement, de manière à conserver en permanence un ou deux trains d’avance sur la concurrence, notamment en provenance des pays asiatiques. 4. Développer son rayonnement à l’international, en particulier dans le monde émergent qui continuera de réaliser, malgré la crise, les deux tiers de la croissance mondiale. Si une entreprise développe ces quatre stratégies, elle est donc sûre de sortir gagnante de la crise. Si elle en dispose d’une ou deux, cela ira. Par contre, si elle n’en a aucune, il faut absolument qu’elle s’en trouve une.
Quant aux salariés, un comportement similaire doit être adopté : se retrousser les manches, se rendre indispensable, adhérer au projet de l’entreprise, améliorer ses compétences, ne pas hésiter à aller voir ailleurs et notamment à l’international. A l’inverse, celui qui baisse les bras, qui ne se remet pas en question, qui joue contre son entreprise et compte sur l’Etat pour lui sauver la mise est sûr de perdre. Espérons donc qu’à l’instar de nos partenaires américains, anglais, irlandais, chinois ou indiens, de plus en plus de Français et d’Européens continentaux, entreprises et ménages confondus, sauront retrouver une vision d’avenir et relever les défis de demain, car, ne l’oublions pas, l’optimisme paie toujours, mais le déni de réalité jamais….
Marc Touati