Comme nous l’annoncions il y a un an dans ces mêmes colonnes lors de la présentation de nos prévisions pour l’année 2019, la croissance mondiale a bien continué de régresser, atteignant son plus bas niveau depuis 2009. A l’époque, beaucoup nous trouvaient trop pessimistes, arguant notamment des prévisions du FMI, de l’OCDE, de la Commission européenne ou encore du gouvernement français, qui annonçaient une année 2019 « formidable ». Du côté des investisseurs et des journaux économiques et financiers, le ton était globalement le même que le consensus bien-pensant : « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes » nous disaient-il en substance. Que d’erreurs et d’aveuglements collectifs !
En effet, la croissance a reculé partout. A commencer par celle de la zone euro qui est passée de 2,4 % en 2017 à 1,8 % en 2018 et à 1,2 % en 2019, soit exactement notre prévision d’il y a un an. La plus forte décrue a été enregistrée en Allemagne, avec une croissance d’environ 0,5 % en 2019, contre 1,6 % en 2018 et 2,8 % en 2017. Face à cette dégringolade, le résultat de la France fait presque figure de bonne performance, en l’occurrence 1,2 %, après 1,7 % en 2018 et 2,4 % en 2017. Mais attention, cette résistance a été obtenue grâce à un fort dérapage des comptes des administrations publiques françaises, qui affichent un déficit de 3,5 % et une dette de plus de 100 % du PIB. A l’évidence, ça fait cher payer le dixième de point de croissance. Et ce, d’autant que les grèves et la crise sociétale qui sévissent dans l’Hexagone risquent de coûter encore plus cher.
En fait, pour trouver pire en termes de croissance économique, il faut traverser les Alpes avec des « performances » italiennes de 0,2 % en 2019, après 0,6 % l’année précédente et 1,8 % en 2017. Quant à l’Espagne, si sa croissance est évidemment supérieure, elle n’évite pas le repli avec des niveaux de 2,9 % en 2017, 2,4 % en 2018 et 1,9 % en 2019.
Du côté de l’Oncle Sam, l’heure est également au ralentissement, mais avec un résultat nettement supérieur à celui de la zone euro. Et pour cause : sa croissance est passée de 2,4 % en 2017 à 2,9 % en 2018 et 2,3 % en 2019, soit tout juste 0,1 point de mieux que notre prévision d’il y a un an et beaucoup mieux que les prévisions consensuelles qui faisaient état d’un effondrement de la croissance américaine. Cet écart de croissance Etats-Unis/UEM a notamment permis de maintenir l’euro/dollar sur de bas niveaux, comme nous l’annoncions également il y a un an.
Du côté du monde émergent, là aussi conformément à nos prévisions, la décélération a également été de mise, mais avec de nettes divergences. Ainsi, la croissance de la Chine est passée de 6,6 % en 2018 à 6,2 % en 2019. Celle de l’Inde est tombée de 7,3 % à 5,1 %, un plus bas depuis 2008. Au Brésil, après deux ans de forte récession (en 2015-2016), puis un léger redémarrage avec une croissance de 1,3 % tant en 2017 qu’en 2018, cette dernière est retombée à 1 % en 2019. Mais la palme de la dégringolade a été décrochée, une fois encore, par l’Argentine. Et pour cause : après avoir rebondi de 2,7 % en 2017, puis rechuté de 2,4 % en 2018, le PIB argentin s’est effondré d’au moins 3,2 % en 2019. Et, avec son nouveau défaut de paiement déclaré le 22 décembre, l’optimisme n’est pas près de revenir du côté de Buenos Aires.
Au total, également conformément à nos prévisions, la croissance mondiale a continué sa dangereuse glissade, passant de 3,8 % en 2017 à 3,5 % en 2018 et environ 2,8 % en 2019, soit 0,7 point de moins que son niveau moyen depuis 1980 et un plus bas depuis 2009. Dans ce contexte, les cours des matières premières, et notamment du pétrole, ont, comme nous le prévoyions il y a un an, augmenté modérément, retrouvant des niveaux plus logiques au regard de la marche des affaires internationale.
En revanche, en dépit de cette réalité économique indubitable et différemment de nos prévisions établies il y a douze mois, les bourses mondiales ont continué de flamber, s’engageant de nouveau dans une bulle de plus en plus extravagante et donc dangereuse. Un Dow Jones a plus de 25 000 ne pourrait par exemple se justifier économiquement qu’avec une croissance du PIB mondial d’au moins 8 %. Nous en sommes très loin. Et pourtant, l’indice phare de la place new-yorkaise a atteint un nouveau sommet historique de 28 621 points le 26 décembre dernier…
Le marché obligataire eurolandais a également continué d’être le théâtre d’une bulle tout aussi extravagante. Au-delà des taux d’intérêt négatifs sur les échéances jusqu’à 10 ans pour les obligations de l’Etat français (en dépit d’une dette publique de plus de 100 % du PIB), les taux longs des obligations espagnoles, italiennes et même grecques ont baissé. En dépit d’une dette publique grecque de 182 % du PIB, le taux d’intérêt à dix ans de l’Etat hellène est tombé à 1,2 %, contre par exemple 35 % en 2011-2012 lorsque la dette grecque atteignant 170 %. Cherchez l’erreur…
En conclusion, si l’année 2019 a bien confirmé l’aggravation du ralentissement de la croissance mondiale, elle a également été celle du retour des bulles financières : flambées boursières, survalorisation d’entreprises n’ayant jamais réalisé le moindre profit et qui, pour un grand nombre d’entre elles, n’y parviendront certainement jamais, faiblesse des taux d’intérêt des obligations d’Etat des pays de la zone euro ou encore renchérissement excessifs des prix de l’immobilier en France (principalement à Paris)…
Autant d’excès et de bulles qui finiront inévitablement par se dégonfler. Peut-être en 2020… Nous en parlerons la semaine prochaine dans la présentation de nos prévisions pour l’année à venir. En attendant et en dépit d’un contexte difficile sur le front de l’activité économique, en particulier dans la zone euro et plus précisément en France, nous vous renouvelons nos souhaits d’excellentes fêtes de fin d’année, tout en vous remerciant pour votre confiance et votre fidélité.
Marc Touati