Comme nous l’annoncions la semaine dernière dans nos prévisions hebdomadaires, les indicateurs avancés de la zone euro, de l’Allemagne, de la France, mais aussi des Etats-Unis et du Japon ont nettement reculé en mars. Autrement dit, même si nous aurions évidemment préféré annoncer des meilleurs nouvelles, la croissance des pays développés, et en particulier dans la zone euro, a atteint un pic à l’automne 2017, puis a commencé à ralentir dès la fin de l’an passé et accentue fortement sa décélération au premier trimestre 2018.
Voici le fichier pdf :
Zone euro : la chute des indices ZEW et Sentix commence à devenir inquiétante.
Pour visualiser le graphique, merci de consulter le fichier pdf
Sources : ZEW, Sentix, ACDEFI
Ainsi, dans l’UEM, les indices Sentix et ZEW ont encore fortement reculé en mars pour atteindre des plus bas depuis respectivement avril 2017 et octobre 2016.
Les indices Markit continuent également de reculer.
Pour visualiser le graphique, merci de consulter le fichier pdf
Sources : Eurostat, Markit, ACDEFI
Parallèlement, après avoir déjà fortement baissé en février, les indicateurs Markit PMI des directeurs d’achat de la zone euro ont accentué leur dégringolade en mars. Dans l’industrie, l’indice correspondant a ainsi perdu 1,1 point sur un mois et 3,1 points sur les trois derniers mois. Il atteint désormais un plus bas depuis août 2017. Dans les services, il a perdu 2,5 points en deux mois et se situe à un plancher depuis octobre 2017.
Conséquence logique de ces évolutions, l’indice Markit « composite » a perdu 2,6 points en février-mars. Avec un niveau de 56,2, il se situe à un point bas depuis octobre 2017 et montre que le glissement annuel du PIB de la zone euro pourrait prochainement descendre sous les 2 %.
Avec le printemps, la croissance eurolandaise devrait reculer sous les 2 %.
Pour visualiser le graphique, merci de consulter le fichier pdf
Sources : Eurostat, Markit, ACDEFI
Et si, jusqu’à janvier dernier, l’Allemagne avait fait preuve d’une résistance à toute épreuve, en dépit de l’instabilité politique outre-Rhin, la formation d’un gouvernement d’union nationale dirigé par Angela Merkel n’a pas permis d’améliorer la situation. Bien au contraire, les indicateurs avancés de l’économie allemande ont littéralement plongé. Tout d’abord, l’indice Markit des directeurs d’achat dans l’industrie est passé d’un sommet de 63,3 en décembre dernier à 58,4 en mars, un plus bas depuis juillet 2017. Certes, ce niveau reste encore très appréciable. Néanmoins, il montre que l’industrie allemande est bien sur le chemin du fort ralentissement.
Encore bien plus inquiétant, après avoir déjà baissé de 2 points en février, l’indice Markit dans les services en a encore perdu 1,1 en mars. Avec un niveau de 54,2, il se situe désormais sur un plus bas depuis juin 2016 et montre que la croissance allemande devrait nettement baisser au cours du premier semestre 2018.
Allemagne : la baisse des indices Markit des directeurs d’achat devient dangereuse.
Pour visualiser le graphique, merci de consulter le fichier pdf
Sources : Destatis, Markit, ACDEFI
Et ce n’est malheureusement pas tout. En effet, après avoir déjà régressé de 2,2 points en février, l’indice IFO du climat des affaires en a encore cédé 0,7 en mars. Avec un niveau de 114,7, il tombe ainsi à un plancher depuis mai 2017.
L’indice IFO des perspectives d’activité montre que la croissance allemande pourrait prochainement passer sous les 2 %.
Pour visualiser le graphique, merci de consulter le fichier pdf
Sources : Destatis, IFO, ACDEFI
Pire, comme le montre le graphique ci-dessus, l’indice IFO des perspectives d’activité a continué de s’effondrer. Au cours des quatre derniers mois, il a ainsi perdu 6,6 points, atteignant un plancher depuis février 2017 et indiquant que la croissance allemande pourrait prochainement passer sous les 2 %.
Malheureusement, et comme cela s’observe depuis trois mois, la palme de la dégringolade revient à l’économie française. Certes, l’indice INSEE du climat des affaires n’a perdu qu’un point en mars. Néanmoins, avec un niveau de 109 (contre 112 en décembre dernier), il montre que la croissance française a bien mangé son pain blanc et devrait désormais reculer. D’ailleurs, l’indice INSEE des perspectives personnelles de production dans l’industrie manufacturière a encore perdu 4 points en mars et atteint un plancher depuis décembre 2016.
France : l’indice INSEE du climat des affaires continue de reculer.
Pour visualiser le graphique, merci de consulter le fichier pdf
Sources : INSEE, ACDEFI
L’évolution des indices Markit des directeurs d’achat est encore bien plus problématique. Et pour cause : après avoir déjà perdu 0,4 point en janvier, puis 2,5 points en février, l’indice Markit PMI dans l’industrie a encore régressé de 2,3 points en mars. Pour retrouver une baisse aussi forte en trois mois, il faut remonter à la période mars-mai 2012, qui précédait la chute de la croissance française à 0 %.
Bien entendu, avec un niveau de 53,6, la récession industrielle n’est pas encore d’actualité. Pour autant, il s’agit là d’un plus bas depuis mars 2017, qui pourrait annoncer un recul de la croissance française vers 1 %.
Et ce, d’autant que l’indice Markit dans les services a perdu 3,6 points au cours des quatre derniers mois, se situant à un plus bas depuis août dernier.
De plus, ces baisses dangereuses interviennent avant les mouvements de grève de mars-avril qui ne vont évidemment pas améliorer l’activité économique et encore moins la confiance des chefs d’entreprise et des consommateurs.
France : la croissance de l’activité ralentit fortement dans les services et s’effondre dans l’industrie.
Pour visualiser le graphique, merci de consulter le fichier pdf
Sources : INSEE, Markit, ACDEFI
Au total, que ce soit dans la zone euro, en Allemagne et en France, les révisions haussières des prévisions de croissance des différents gouvernements, d’Eurostat et de l’OCDE sont en complet décalage avec l’ensemble des indicateurs avancés.
L’INSEE a d’ailleurs commencé à battre sa coulpe en évoquant du bout des lèvres que la croissance française devrait désormais ralentir.
Pour notre part, nous sommes au regret d’écrire que nous sommes confortés dans nos prévisions de croissance pour 2018. Cette dernière sera effectivement d’au mieux 2 % pour la zone euro, 2,3 % pour l’Allemagne et 1,5 % pour la France.
Soyons clairs : il s’agit là de prévisions optimistes qui pourraient être révisées à la baisse en cas d’intensification de la tempête financière en cours et de nouveaux dérapages sociétaux, notamment en France, sans parler de la crise politique italienne et des risques de guerre commerciale internationale.
Piètre consolation, l’économie américaine ne fera pas non plus de miracle en 2018. C’est d’ailleurs ce que vient de confirmer l’évolution des indices Markit PMI des directeurs d’achat américains en mars.
La croissance américaine devrait se stabiliser autour des 2,2 %.
Pour visualiser le graphique, merci de consulter le fichier pdf
Sources : BEA, Markit, ACDEFI
Certes, dans l’industrie, après avoir perdu 0,2 point en février, l’indice Markit en a regagné 0,4 en mars, atteignant un niveau appréciable de 55,7. En revanche, dans les services, il a reculé de 1,8 point en mars, à 54,1.
Après la baisse des ventes au détail et la chute des mises en chantier en février, cela confirme que la croissance américaine devrait osciller autour des 2,2 % en 2018. Une performance honorable mais bien inférieure aux 3,5 % attendus par Donald Trump pour financer son programme de grands travaux publics.
Marc Touati