Comme chaque année, l’apparition des avis d’impositions dans les boites aux lettres marque la fin des vacances et le retour à la réalité. Et en cette fin d’été, la réalité s’avère bien compliquée tant la facture a augmenté. Pire, l’accroissement de la fiscalité devrait se poursuivre l’année prochaine. Si vous avez râlé en 2013, alors vous allez détester 2014…
La pression fiscale atteindra en 2014 un pic historique
Le temps des promesses semble si loin… et pourtant c’était il y a seulement un peu plus d’un an. Le candidat François Hollande garantissait alors qu’il reviendrait sur le gel du barème de l’impôt sur le revenu, « cette ponction injuste » instaurée par le gouvernement Fillon. Arrivé au pouvoir, le président normal oublia finalement son engagement de campagne, mais le chef du gouvernement, Jean-Marc Ayrault, s’empressa de rassurer la population. C’est ainsi qu’il déclara en septembre 2012 que « neuf français sur dix ne seront pas touchés par de nouvelles hausses d’impôts et de taxes ». Mieux encore, le ministre de l’économie, Pierre Moscovici, ajouta que « neuf français sur dix verront leur impôt soit baisser, soit rester stable ». Mais les promesses n’engagent que ceux qui y croient et, à l’heure de la rentrée, l’addition s’avère salée pour beaucoup de français. Environ 55% des foyers fiscaux ont effectivement vu leur impôt sur les revenus perçus en 2012 augmenter par rapport à l’impôt portant sur les revenus de 2011… bien loin du « neuf français sur dix ».
L’augmentation de la pression fiscale ne constitue toutefois pas une réelle surprise au regard du dérapage budgétaire de l’exercice 2012. De nombreux ménages avaient d’ailleurs intégré cette hausse dans leur budget tout en sachant « qu’aucun effort supplémentaire » ne leurs serait demandé, comme l’avait promis le président de la République en mars 2013. Mais, à nouveau, en raison de la fragilité des équilibres budgétaires, la fiscalité va continuer de s’alourdir en 2014. Et les ménages, dont le pouvoir d’achat est sans cesse grignoté, seront encore mis à contribution. En effet, outre les probables reconductions des mesures portant sur l’impôt sur le revenu (à l’exception du gel du barème), ils subiront dès le 1er janvier 2014 l’accroissement des prix à la consommation du fait du relèvement de la TVA dont le taux normal passera de 19,6% à 20% et le taux intermédiaire de 7% à 10%. Par ailleurs, dans le cadre des négociations sur les retraites, les actifs, à l’instar des entreprises, endureront une hausse de leurs cotisations sociales de 0,15%, élément qui participera à creuser l’écart entre salaire brut et salaire net. Enfin, comme une cerise sur le gâteau fiscal, le gouvernement a récemment annoncé la création d’une contribution climat énergie, une sorte de taxe carbone déguisée, censée « verdir » le comportement des français.
A travers cette action, quel est donc l’objectif du gouvernement qui, à en croire les propos du ministre de l’économie Pierre Moscovici, est « sensible au ras-le-bol fiscal » des ménages et des entreprises ? Une overdose généralisée qui se traduit notamment par le poids de la fiscalité dans le PIB hexagonal qui atteindra 46,5% en 2014 contre 44,9% en 2012 et 42,5% en 2010. Cette situation confère à la France une place sur le podium des Etats dont la fiscalité est la plus lourde en Europe (derrière le Danemark et la Suède). C’est dans ce cadre que le FMI suggère à la France de s’attaquer à la dépense publique, mettant notamment en avant que les hausses d’impôts pourraient brider la consommation et l’investissement des agents économiques, faisant ainsi peser un véritable risque sur la croissance économique (déjà bien molle) et surtout sur l’emploi. Le vice-président de la Commission européenne, Olli Rehn, ajoute pour sa part que la fiscalité en France a atteint un « seuil fatidique ». Ces réactions ont ainsi incité le gouvernement à annoncer une modification de la clé de répartition des efforts. Le ministre de l’économie indiquait ainsi il y a quelques jours que la réduction des déficits passerait pour un tiers par la hausse des impôts et pour deux tiers par la baisse de la dépense publique. Pour le moment néanmoins, aucune précision n’a encore été apportée quant aux postes qui pourraient, éventuellement, être rabotés…
Les conséquences économiques et sociales d’une nouvelle hausse de la fiscalité
Cependant, au regard des nombreuses promesses vaines faites en 2012 et au premier trimestre 2013 par le gouvernement (ce qui ne constitue pas un élément propre à la gauche française), il est actuellement difficile d’accorder du crédit à une hypothétique modification de la répartition des efforts entre contribuables et Etat. Tout au plus, il convient d’espérer que la dépense publique se stabilise à défaut de diminuer. D’un point de vue macroéconomique, la hausse des impôts devrait donc provoquer un choc négatif sur le PIB français via l’effet du multiplicateur. Pour rappel, ce mécanisme mis en évidence par l’économiste John Maynard Keynes implique qu’un Euro dépensé/économisé par l’Etat génère une hausse/perte de revenu pour l’économie nationale, supérieure, inférieure ou égale à la dépense/économie initiale, en fonction de la valeur dudit multiplicateur. Selon les dernières estimations du FMI, la valeur du multiplicateur serait de 1,7, ce qui implique qu’un Euro supplémentaire taxé aurait pour effet de diminuer le revenu national d’un Euro et 70 cents. Or, en attendant la présentation officielle du budget qui aura lieu fin septembre et d’éventuelles bonnes surprises, le chiffre de 12 milliards d’euros d’impôts supplémentaires semble déjà acté…
D’un point de vue microéconomique, un Etat ne peut toutefois lever l’impôt ad vitae aeternam, spécifiquement en période de vaches maigres. En effet, la combinaison chômage et peu ou pas de croissance a pour conséquence de diminuer progressivement l’assiette fiscale des agents économiques. Ce principe ancien a notamment été mis en évidence par l’économiste anglais Adam Smith puis résumé par l’économiste français Jean-Baptiste Say par sa célèbre formule « qu’un impôt exagéré détruit la base sur laquelle il porte ». Une « allergie fiscale » finalement théorisée dans les années 1970 par l’économiste américain Arthur Laffer et sa célèbre courbe concave. Aussi, au regard du niveau de la pression fiscale française, il semble qu’un pic ait été atteint et que la mise en place de nouveaux impôts (ou plus précisément l’élargissement des assiettes) aurait pour conséquence de tuer l’impôt… et la croissance.
Dans un article de 2009 intitulé Large changes in fiscal policy : taxes vs spending, les économistes Alberto Alesina et Silvia Ardagna ont montré, qu’historiquement, les ajustements budgétaires axés sur une augmentation des impôts s’accompagnent de longues récessions ; à l’inverse, quand l’ajustement porte sur la diminution de la dépense, les périodes de récessions sont limitées. Forte de son titre de championne d’Europe de la dépense publique, la France dispose donc de nombreuses marges de manœuvre pour épouser la trajectoire budgétaire dictée par Bruxelles. Mais agir sur la dépense plutôt que sur les impôts suppose une bonne dose de courage politique et fait courir le risque de l’impopularité et de défaite aux prochaines élections. Face à la grogne générale des français, liée notamment à un vingt-septième mois de hausse consécutive du chômage, ce courage paraît aujourd’hui indispensable pour relancer l’économie française et éviter une récession susceptible de s’auto-entretenir. Mesdames, Messieurs les politiques, il est l’heure des choix.
Achevé de rédiger le 29 août 2013,
Anthony Benhamou, anthonbenhamou@gmail.com