Carton rouge pour Delphine Batho.

Lorsqu’un ministre quitte le gouvernement et quel que soit son portefeuille, c’est toujours un évènement. Il existe plusieurs cas de figures : soit le ministre part de lui-même car il ne se reconnait plus dans la politique du gouvernement ou dans certaines mesures qui vont à l’encontre de ses convictions. Ce fut le cas de Jean-Pierre Chevènement qui démissionna de son poste de Ministre de la défense en 1991 en signe de protestation contre l’engagement de l’armée française en Irak. Il avait eu alors cette formule devenue célèbre : « Un ministre, ça se soumet ou ça se démet ». Deuxième cas de figure, le ministre peut être remercié en raison d’un faux pas comme  Alain Madelin, congédié en 1995, trois mois après sa prise de fonctions. Ministre de l’Economie et des Finances, il dut quitter son poste après ses déclarations suggérant de remettre en cause « certains avantages acquis », provoquant un tollé dans les milieux syndicaux. L’usage veut alors que ce soit le ministre partant qui présente sa démission au Premier ministre.

Le cas du départ de Delphine Batho est un peu particulier. Ainsi, cette dernière a tout d’abord publiquement critiqué le budget 2014, puis n’a pas accepté de revenir sur ses propos, et a finalement refusé de démissionner. Résultat des courses, elle a été débarquée de manière expéditive huit heures après sa déclaration sur le budget 2014. Un véritable carton rouge aussi violent qu’humiliant. Il est vrai qu’après de très nombreux couacs au sein du gouvernement, François Hollande avait sifflé la fin de la récréation en annonçant que les prochains manquements seraient sanctionnés. Il est également vrai qu’au sein d’un gouvernement, il y a un principe fondamental, celui de la solidarité gouvernementale. En clair, les ministres ne doivent pas jouer contre leur camp. Toutefois, ce limogeage est impressionnant par sa brutalité et n’est pas dénué de tactique. En effet, Hollande doit faire face depuis son élection aux critiques récurrentes concernant son manque d’autorité, sa mollesse et son incapacité à prendre des décisions. Certains vont même jusqu’à le comparer à Louis XVI. En frappant un grand coup, il se donne ainsi la possibilité de redorer son blason à moindres frais puisque la ministre de l’Ecologie était un poids léger du gouvernement. Cette dernière ne représentait rien politiquement, ce qui n’est absolument pas le cas d’Arnaud Montebourg qui, avec ses 17 % aux primaires socialistes, s’est permis de très nombreuses critiques en toute impunité.   

En réalité, l’écart de Delphine Batho n’était pas un crime de lèse-majesté et cette dernière n’est qu’un bouc émissaire sacrifié pour servir l’image de François Hollande. Mais ce choix de l’exécutif est beaucoup plus risqué qu’il n’y paraît. Tout d’abord, la conférence de presse donnée par la ministre limogée fait vraiment désordre. Après avoir vidé son bureau, cette dernière vide son sac… Cela ne grandit pas le pouvoir en place qu’elle met en cause directement. Ensuite, comme l’a souligné François Hollande, la majorité présidentielle a besoin de rassembler dans la perspective des élections municipales puis des européennes de 2014. Pour l’instant, les Verts sous respiration artificielle restent au gouvernement, mais ils ont annoncé que la question de leur participation se reposerait en septembre en fonction des choix de l’exécutif en matière de fiscalité écologiste.

C’est un peu comme au poker, les Verts payent le départ de Delphine Batho pour voir…

 

La phrase de la semaine :

« Nous n’entrons pas dans la récession mais nous en sortons. Parce que les chiffres de l’Insee concernent les trimestres passés, et pas celui en cours ni ceux à venir ». François Hollande.

 

rôme Boué