Chypre, Zone euro, France, Marchés : la peur est de retour. (E&S n°248)

 

Humeur :

Chypre : la peur est de retour…

C R I S E = Chypre Russie Imf (FMI en anglais) Surendettement Euro. Tel est donc le nouveau visage de la crise depuis quelques jours. Et pour cause : alors que certains ne cessent d’annoncer sa fin imminente depuis des mois, voire des années, la crise de la dette publique et, plus globalement, celle de la zone euro ont repris du poil de la bête depuis une semaine.

Le pire est que ce retour en force de la peur n’est pas lié aux marchés financiers, ni même aux méchants spéculateurs, qui se font d’ailleurs de plus en plus discrets depuis quelques mois. Non, comme souvent depuis le début de la crise grecque, ce sont les dirigeants européens et ceux du FMI qui ont mis de l’huile sur le feu et ravivé les braises toujours incandescentes d’une crise qui dure depuis bientôt six ans.

Ainsi, plutôt que de calmer le jeu et d’essayer d’apaiser les tensions, notamment sociales, ces personnes a priori très intelligentes ont tout simplement voulu imposer à un pays de la zone euro de spolier ses épargnants en taxant l’ensemble des dépôts dans les banques chypriotes. Réalisant le lendemain la gravité de leur erreur, ils se sont ensuite lancés dans un exercice de rétropédalage aussi pitoyable qu’inefficace. Car, même si, fort heureusement, le Parlement de Chypre a rejeté ce projet, le mal est fait. La boîte de Pandore a été entrouverte et la suspicion s’est imposée.

Autrement dit, de par leur décision irresponsable, l’Union Européenne et le FMI ont réactivé la crise bancaire et plus globalement la crise existentielle de la zone euro. Pis, en titillant « l’ours russe », ils ont pris le risque d’engager une crise géopolitique majeure qui pourrait avoir des conséquences particulièrement néfastes pour la stabilité de l’ensemble de l’Europe, de l’Atlantique à l’Oural.

Tout d’abord, comme la ruée des Chypriotes vers les guichets bancaires automatiques ne cesse de le montrer, la simple annonce d’une mesure qui a finalement été annulée a déjà suscité une panique bancaire et pourrait entraîner in fine une vague de faillites sur l’île. Même si les banques françaises sont très peu présentes à Chypre, un mouvement de contagion pourrait s’engager, d’abord en Grèce, qui n’en a évidemment pas besoin, puis ensuite à l’ensemble des pays de la zone euro.

Parallèlement, l’instabilité ainsi générée va forcément attiser la crise sociale qui sévit à Chypre depuis plus de cinq ans. En effet, en intégrant l’euro le 1er janvier 2008, les Chypriotes pensaient certainement obtenir le sésame qui leur permettrait de s’engager sur le chemin de la prospérité durable et de traverser les crises potentielles sans difficulté. Malheureusement, il n’en a rien été. Pire, depuis 2008, Chypre a plongé dans une récession dramatique, subissant une baisse de son PIB réel de plus de 5 %. Encore aujourd’hui, le niveau de sa richesse est inférieur à 4 % de celui qui prévalait avant la crise.

Conséquence logique de cette bérézina, le taux de chômage chypriote s’est envolé, passant de 3,5 % mi-2008 à 14,7 % en janvier 2013. Dans le même temps, le solde des comptes publics est passé d’un excédent de 3,5 % du PIB en 2007 à un déficit de 6,3 % en 2011. Et, même si des efforts d’assainissement ont été engagés en 2012, ce déficit ne parvient pas à passer sous les 5 %. Enfin, le ratio dette publique/PIB a aussi connu une montée vertigineuse, se hissant de 48,9 % en 2008 à près de 90 % l’an passé et au moins 97 % en 2013.

C’est bien là le drame : si l’on augmente la pression fiscale, que ce soit sur les dépôts bancaires ou ailleurs, la récession va s’aggraver, le chômage flamber davantage, d’où une augmentation des déficits publics et de la dette. Autrement dit, l’aide de 10 milliards d’euros va partir en fumée en quelques mois.

Encore plus inquiétant, la tentative d’imposer une taxation des dépôts bancaires rappelle que les dirigeants européens et du FMI n’ont toujours rien compris à la crise de la dette publique. En effet, ils rééditent les mêmes erreurs qu’ils ont commises avec la Grèce, et pour le FMI, avec l’Argentine, il y a plus de dix ans. Et pour cause : avant de pouvoir réduire les déficits publics, il faut d’abord restaurer la croissance, surtout lorsque celle-ci a disparu depuis cinq ans. En d’autres termes, il ne sert à rien de mourir guéri. Or, tant que l’euro sera trop fort et que la BCE ne pourra financer directement les pays en difficulté, la croissance ne redémarrera pas.

En outre, le cafouillage chypriote a relancé la crise de défiance à l’égard de la zone euro et de ses dirigeants. Dans ce cadre, Chypre pourrait être tentée de quitter l’euro et de se réfugier vers le grand cousin russe, qui jouerait alors le rôle de Chevalier blanc. Après nous avoir pris Gérard Depardieu, la Russie est donc bien partie pour rafler Chypre.

Même si cette petite île ne représente que 0,18 % du PIB eurolandais, elle pourrait donc bien constituer une nouvelle goutte d’eau, qui, ajoutée à celles de la Grèce, du Portugal et aux verres d’eau espagnols et italiens, finirait peut-être par être fatal à l’UEM. A l’évidence, la crise de la dette publique et celle de la zone euro sont loin d’être terminées. Merci Mesdames et Messieurs les dirigeants de l’Eurogroupe et du FMI

 

Marc Touati



Quid de l’économie et des marchés cette semaine :

Zone euro : la récession s’envenime encore…


Comme nous l’annoncions la semaine dernière dans nos prévisions hebdomadaires, les indicateurs PMI des directeurs d’achat ont encore nettement reculé en mars dans la zone euro.

Ils se situent désormais à 46,6 dans l’industrie et à 46,5 dans les services, soit un indice composite de 46,5.

La récession s’installe vraiment dans la zone euro

Sources : Markit, Eurostat, ACDEFI

Si les planchers de 2009 sont encore loin, cette nouvelle baisse ne laisse guère d’illusion : la récession est en train de s’aggraver dans la zone euro. Une nouvelle baisse du PIB eurolandais devrait ainsi s’observer au premier trimestre 2013 : – 0,3 % sur la période et – 1,1 % en glissement annuel.

La baisse de ces indicateurs avancés de l’activité est générale. Et ce, y compris en Allemagne, où l’indice composite passe de 53,3 en février à 51. Il demeure cependant au-dessus de la barre des 50 et devrait permettre au PIB allemand d’éviter une nouvelle baisse au premier trimestre et par là même d’empêcher le retour de la récession.

L’Allemagne résiste toujours, mais commence aussi à souffrir.

Sources : IFO, Bundesbank, ACDEFI

Cette tendance est également confirmée par l’évolution du climat des affaires de l’enquête IFO. En effet, comme nous l’annoncions la semaine dernière et à l’inverse de la prévision consensuelle, cet indicateur avancé de l’activité allemande a reculé de 0,7 point en mars. Avec un niveau de 106,7, il reste certes appréciable, mais montre que la croissance allemande souffrira également, même si elle restera positive.

Et ce, d’autant que l’indice des perspectives d’activité perd un point en mars à 103,6. Là aussi, un niveau relativement appréciable comparativement au marasme qui sévit dans la quasi-totalité des pays de la zone euro.

D’ailleurs, dans l’Hexagone, la situation devient de plus en plus dramatique. Et pour cause : l’indice PMI composite a encore chuté passant de 43,1 en février à 42,1 en mars.

Confirmant cette « (re)descente aux enfers », le climat des affaires de l’INSEE a reculé d’un point en mars, à un niveau de 86, soit 14 points de moins que sa moyenne de long terme.

Et ce notamment à cause de la baisse d’activité dans les services et dans le bâtiment. Quant à l’industrie, si l’indice du climat des affaires de l’INSEE se stabilise, les perspectives générales de production repartent en forte baisse. La récession industrielle va donc non seulement continuer, mais surtout empirer.

L’industrie française toujours mal en point.

Sources : INSEE, ACDEFI

La corrélation entre toutes ces données d’enquête et le glissement annuel du PIB français est malheureusement claire : d’ici le deuxième trimestre 2013, ce dernier devrait avoisiner les – 1,5 %, contre – 0,3 % au quatrième trimestre 2012.

Dans ce cadre, la nouvelle prévision de l’INSEE d’une progression annuelle de 0,1 % sur l’année 2013 est déjà caduque. Que dire alors de celle du gouvernement à 0,3 % !

Il faut être réaliste : malheureusement, la variation annuelle du PIB français cette année sera dans le meilleur des cas de – 0,3 %.

France : la récession s’aggrave.

Sources : INSEE, ACDEFI

Conséquence logique de cette récession aggravée, le taux de chômage montera bien vers les 12 % fin 2013 et le déficit public avoisinera les 4,5 % du PIB.

Quant à la dette publique, elle franchira la barre des 100 % d’ici le début 2014.

Pour le moment, toutes ces mauvaises nouvelles ne sont absolument pas intégrées par les marchés et les agences de notation. Quand ceux-ci vont se réveiller, il faut alors se préparer à une forte dégradation de la note de la France et parallèlement à une nette remontée des taux d’intérêt des obligations du Trésor français.

Désolé M. Hollande, mais le plus dur c’est maintenant et au moins jusqu’à la fin 2013. Bon courage !

 

 

Marc Touati



 


 

Les évènements à suivre du 25 au 29 mars :


France et zone euro : attention danger !


Cette semaine économico-statistique sera marquée par une parité des publications déterminantes des deux côtés de l’Atlantique : quatre partout.

Aux Etats-Unis, on surveillera notamment les commandes de biens durables et l’indice de confiance des ménages du Conference Board (mardi), mais aussi la troisième estimation du PIB du quatrième trimestre (jeudi) et les chiffres des revenus et de la consommation des ménages (vendredi).

Dans la zone euro, c’est principalement la France qui occupera l’attention, avec l’évolution du chômage (mardi) et la consommation des ménages (vendredi). Quant aux statistiques eurolandaises, on notera la première estimation de l’inflation et les enquêtes de conjoncture de la Commission Européenne (mercredi).

 

 

Mardi 26 mars, 13h30 (heure de Paris) : Les commandes de biens durables rebondissent outre-Atlantique.

Depuis l’automne 2012, les commandes de biens durables américaines jouent au yoyo, alternant les mois de forte hausse et de baisse massive. Ainsi, après avoir chuté de 5,2 % en janvier, celles-ci devraient rebondir de 1 % en février. Hors transports, elles augmenteraient de 0,2 %, après une progression de 1,9 % en janvier.

En dépit d’une forte volatilité, l’investissement devrait donc rester appréciable outre-Atlantique.

 

Mardi 26 mars, 15h : le moral des ménages américains se stabilise.

 

Après une forte baisse surprise en janvier, puis une nette remontée tout aussi surprenante en février, l’indice du moral des ménages américains calculé par le Conference Board devrait quasiment stagner en mars. Il passerait ainsi de 69,6 à 69. Un niveau appréciable mais qui indique que la consommation restera fragile.

 

 

Mardi 26 février, 18h : le chômage se rapproche encore de ses sommets en France.